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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/146

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GENESE

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auteur, sont-ils de l’histoire ? 2" Renferment-ils une histoire ira iV ? L’affirmative sur la première question a pour conséquence forcée l’allirmative sur la seconde, si l’on croit à l’inspiration divine de 1 Ecriture sainte. La Commission, qui parlait pour les croyants, a donc pu concentrer son attention sur la première question.

Ayant ici à défendre la Genèse contre ceux qui rejettent plus ou moins l’inspiration, nous avons à nous occuper presque uniquement de la seconde question. Les adversaires auxquels nous devons répondre, affirment volontiers, en général, que l’auteur ou les auteurs de la Genèse ont cru faire de l’histoire, l)ien qu’ils n’aient consigne par écrit que des légendes et des traditions mythiques. Parfois même on a exagéré l’intention historiipie des narrations bibliques, pour les rendre plus invraisemblables, en supjiosant qu’il faut les entendre à la lettre, là même où l’interprétation métaphoriipie est justiliée. C’est pourquoi il sera utile, avant de répondre aux objections, de délimiter exactement le terrain que les apologistes ont à défendre, en précisant le mieux possible la nature et l’étendue du caractère historique, ou de l’intention d’écrire une histoire, qu’il faut reconnaître dans les premières pages de la Genèse. C’est à la lumière des principes posés par la Commission biblique que nous devons le faire. Pour cela il faut commencer par développer Ijrièvement les preuves traditionnelles, indiquées par la Commission, dece caractère historique des trois premiers chapitres de la Genèse. La plupart de ces arguments valent aussi pour les chapitres suivants. Et en les parcourant, nous verrons en même temps la nature et l’étendue de ce caractère historique, du moins autant que c’est possible avant l’examen détaillé des difficultés, qui nous occupera ensuite.

Preuves du caractère historique des premiers chapitres de la G « nèse. — i" Ce caractère ressort, d’abord, du ton et de la forme de la rédaction : c’est une narration, exposant des faits, sans rien (]ui in<liquc l’intention de présenter des allégories, des paraboles. Or, comme le dit justement S. Thomas, à la suite de S. Augustin, à propos de la description du paradis terrestre (^eHc.se, ii), dans toutes les choses que l’Ecriture propose ainsi (par manière de narration historique, per mudum narrationis liisloricae), il faut tenir pour fondement la vérité de l’histoire, et édifier au-dessus les interprétations spirituelles. {Siim. th., 1, q. 102, a. i, c.) Il est vrai que l’auteur veut faire servir sa narration à un but instructif, religieux : les conclusions qu’il a mises au tableau de l’icuvre des six jours (ii, 3) et au récit de lii création d’Eve (il, 2^), l’indiquent suffisamment ; mais s’il tire une lei ; on des faits qu’il vient de rap]>orter, il ne nous autorise pas à i>enser, pour cela, que ces faits ne soient pas réels ; c’est bien plutôt le contraire, et pour suivre l’image de S. Thomas, c’est sur la vérité des faits qu’il j>rétend appuyer ses leçons.

2" L’intention historique des premiers chapitres résulte encore de leur liaison intime avec les récits suivants, où l’auteur a incontestablement voulu faire de l’histoire. Il est en effet évident, et nous l’avons déjà fait remarquer, que ces premières pages font partie essentielle du plan de la Genèse, considérée comme histoire des origines du peuple de Dieu. D’ailleurs, l’écrivain semble avoir pris à tâche de détruire d’avance, expressément, la distinction qu’on voudrait faire entre cette première partie de son (cuvre et les autres, au i)oint de vue de l’intention historique. Il a divisé lui-même toute la Genèse en sections, correspondant à des àgcs ou des périodes chronologiques successives ; et il commence chaque section par une

formule idcnticpie : « Voici les générations de… », que suit d’ordinaire nue généalogie. Il est reconnu que cette formule, au moins dans les sections consacrées aux patriarches ancêtres immédiats d’Israël, équivaut à « Voici l’histoire de… » Aussi bien, dans telle section, par exemjjle, dans celle qui est dédiée à Jacob (xxxvii, 2 sq.), elle ne peut signifier que cela ; car on n’y trouve aucune généalogie, ni rien qui touche les « générations > de Jacob, au sens propre. Or, si la formule indique une véritable histoire dans les dernières parties de la Genèse, il y a tout lieu de penser qu’il en est de même dans les parties précédentes. Et il n’y a pas de raison d’excepter les trois premiers chapitres : la formule se présente, pour la première fois, Geii., il. 41 entre le tableau général de la création et le récit plus développé de la création de l’homme ; qu’elle soit ici, comme ailleurs, tête de section, ou qu’elle serve, pour cette fois, de récapitulation à ce qui précède, comme le veulent beaucoup d’exégètes, elle montre que l’auteur sacré prétend, dès ces premières pages, nous mettre sur un terrain historique.

3* Une troisième preuve est fournie par les témoignages des autres écrivains inspirés. Les épisodes constituant le fond des premiers récits de la Genèse sont rappelés dans les livres postérieurs de la Bible comme des faits sur la réalité desquels il n’y a pas le moindre doute. Pour nous borner à quelques textes, entre beaucoup d’autres, la création en sept jours, avec la consécration du sabbat, se retrouve dans l’E.rode, XX, 1 1 ; le péché originel et la déchéance de l’humanité primitive, dans VEcclésiasticjiie, xxv, 33, et la Sagesse, ii, 23 ; x, i-/i ; la création du premier couple humain, dans de nombreux passages du Nouveau Testament, Afiitli., XIX, /(-6 ; Marc, x, 6g ; I Cor., XV, 45-47 ; XI, 8 ; Eplies., v. 30-31 ; I Tiiii, , ii, 13 ; la tentation par le démon sous la forme du serpent, dans S. Jeun., viii, 44 j I Joun., iii, 8 ; Apoc, xii, g ; xx, 2 ; II Cor.. XI, 3 ; I fin)., 11. 14 ; le péché d’Adam, en particulier, dans /^ohi., v, 12 ; I Cor., xv, 22 ; enfin, il y a une allusion manifeste à l’oracle de Gen., m sur l’écrasement du serpent-Satan, dans Hom., xvi, 20.

4" Le sentiment de la tradition, soit juive, soit chrétienne, sur la question, n’est pas douteux. Seul parmi nos anciens docteurs, OmGKxn a eu vis-à-vis des récits de la Genèse une attitude équivoque, et plutôt hostile à l’historicité. Son opinion ne saurait ronqire l’unanimité morale des Pères de l’Eglise, et la vigueur avec laquelle tous ont combattu son allégorisme prouve qu’ils le regardaient comme inconciliable avec la foi catholique. Dans ces conditions, l’unanimité morale des Pères forme un argument théologique décisif, dont la valeur n’est pas diminuée, si les Pères n’ont pas formé leur conviction d’après un examen critique. Il est faux, d’ailleurs, que jamais examen de ce genre n’ait été fait dans l’antiquité chrétienne. Tous nos anciens docteurs ont été conduits, tant par leurs méditations sur les Livres saints que par les attaques des infidèles et des hérétiques, à étudier sérieusement la question de la valeur historique des premières pages bibliques. Et leurs commentaires, aussi bien que leurs ouvrages de controverse, montrent que les principales des difficultés qu’on élève aujourd’hui dans cette question, ne leur étaient pas inconnues (voir les textes indiqués dans L’Eglise cl la Critique hihlitiiie, p. igS, n" 182-183). S’ils n’en ont pas moins maintenu iuébranlablcment la vérité historique de la Genèse, c’est qu’ils sentaient bien vivement l’inipossibilité de la sacrifier sans détriment de la foi.

Sens et portée de l’historicité de la Genèse. — Dés les premières pages, la Genèse, d’après l’ensei-