Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

587

IMMANENCE (MÉTHODE D’)

588

ni écliangc ; la vie surnaturelle se Iraduil forcément au moyen de la naturelle ; pour se produire au dehors, comme elle y tend nécessairement, elle doit en effet se frayer une voie à travers une psychologie tout humaine et contingente, qui lui fournit ses mojens d’expression ; elle en retient inévitablement quelque chose qui est comme la teinte variable et personnelle dont s’imprègne, dans l’àme des saints, l’œuvre identique et universelle de l’Esprit ; et, à son tour, il ne se peut qu’elle ne la gonfle comme d’un ferment nouveau et n’en fasse, par endroits, éclater l’enveloppe, puisque ce n’est pas impunément qu’on verse le vin jeune dans les vieilles outres.

Ainsi, infusion profonde et inconfusibilité radicale ; distinction réelle et compénétration intime ; indépendance principielle, incommensurabilité totale, mais interaction, emprunts mutuels, répercussions ; tels nous apparaissent, dans le concret, les relations entre les deux ordres naturel et surnaturel.

S’il est dillicile, s’il est même impossible de délimiter, dans l’histoire d’une vie intérieure, ce que la nature aurait fait toute seule, et ce dont elle est redevable, dans son ordre même, à l’introduction de l’élément surnaturel, on peut toujours dire, par contre, que rien de méritoire pour le ciel, rien de ce qui apparaît comme directement coordonné à la vision béatitique, ou solidaire de ce qu’il y a de nécessairement inédit dans la Révélation, ne saurait venir de la nature.

Ces remarques faites, il va paraître qu’on doit pouvoir parler, dans cet état, d’un besoin du surnaturel et même qu’il est nécessaire de le faire. L’àme qui, sanctifiée, participe déjà sur la terre à la vie divine, ne peut pas en effet ne pas aspirera posséder dans sa plénitude ce dont elle n’a qu’un commencement ; rien de naturel n’est capable de satisfaire les capacités nouvelles dont Dieu l’a pourvue ; bien i)lus, elle ne fait pas que tendre à la vision bcatilique ; il faut dire qu’elle la réclame, — comme un héritage. Seulement, cette requête précise, c’est l’Esprit qui la fait en elle, par et pour elle. Lui dont saint Paul disait qu’il prie pour nous par des gémissements ineffables ; et le surnaturel reste bien ainsi ce qu’il est essentiellement : un don gratuit.

De là, cette conclusion dont il nous faut prendre acte :

Il existe, pour l’àme vivante, un besoin (positif) du surnaturel, fondé sur le plein d’une grâce déiforme et déifiante.

b) — Mais, dansréfat <r<insna/Krei, quesepasse-t-il ?

— L’homme ne possède pas encore une « surnature », c’est-à-dire un principe habituel d’actes salutaires, puisque, par hypothèse, il n’a pas la grâce sanctiliante. Cependant, étant convié à une destinée surnaturelle, il faut bien que, concurremment à l’offre extérieure de la Révélation ou à ce qui peut en être le succédané, il soit intérieurement travaillé par des grâces actuelles prévenantes, par des sollicitations surnaturelles ; autrement il ne parviendrait jamais au sahil, ])uisque l’initiative n’en saurait venir de lui ; et le salut pourtant lui est imposé. D’autre part, il faut bien qu’une fois ou l’autre ces mêmes grâces le dérangent d, ins le repos, dans l’indifférence tranquille et satisfaite, où il serait tenté de s’assoupir ; autrement, pareilles à des touches qui ne toucheraient rien, elles seraient comme n’étant pas, elles ne seraient pas.

Donc, en passant sur son âme, elles la soulèvent, elles l’agitent, elles la creusent, empêchant qu’elle soit jamais légitimement étale. Et ce doit être le principe d’un trouble profond, d’une inadécpiation, et pour employer déjà le mot de saint Augustin et de Malebranche, d’une iVijHiédirfe, équivoque sons doute

en ses manifestations, mais qui, même étouffée, témoigne d’un besoin ; sans pouvoir en prendre par elle-même une conscience nette, l’âme aspire au surnaturel. Rien de naturel en effet ne saurait combler un vide qui ne provient pas d’une déficience de la nature, mais qui correspond à la pression refoulante et stimulante tout ensemble d’une grâce ; rien de naturel ne saurait refaire une stabilité que défont de surnaturelles poussées ; et s’il paraît y avoir, en dehors de la vraie Vie, repos, équilibre, suUisance, il faut bien que ce soit un leurre.

Cela nous amène à formuler cette nouvelle conclusion dont nous avons encore à prendre acte, et qui fixe en quelle manière on doit pouvoir, pour l’âme transnaturée, parler d’un besoin du surnaturel, sans que l’essence du surnaturel en soit violée :

Il existe pour l’âme ignorante et païenne, celle qui n’est encore que conviée, un besoin (négatif) du surnaturel, créé par le vide d’une disposition qui, étant la marque d’un état perdu, le signe d’un rappel, l effet d’une grâce prévenante et la condition d’une grâce habituelle, peut déjà s’appeler, dans un sens analogique, une grâce elle-même.

Nous jugeons inutile de consacrer un paragraphe spécial à l’état de mort surnaturelle : car outre que cet état n’intéresse pas immédiatement l’apologétique dont le rôle est de préparer le premier passage à la foi, il y a, dans ce qui précède, sullisammenl de quoi <lélerminer le sens et la mesure où l’on doit, pour le juste devenu pécheur, parler d’un besoin du surnaturel : si l’àme qui n’est encore que conviée est en effet semblable au pauvre qui, pour entreprendre le divin commerce, « besoin d’une avance, d’un prêt, l’âme qui a dégénéré après avoir été régénérée est pareille au failli, au banqueroutier, à l’endetté qui a en outre besoin de réconciliation et d’expiation.

k) La méthode d’immanence- — Si, à considérer les choses du point de vue théologique, on est arrivé à cette conclusion qu’il existe actuellement, dans l’humanité, un besoin du surnaturel, et que ce besoin doit trouver, d’une façon ou d’une autre, dans la vie des individus et des sociétés, sa traduction, psychologique, la tâche n’a rien, en principe, d’offensant pour l’orthodoxie, rien de dangereux ni d’inquiétant, par quoi l’on se propose de chercher, , de retrouver par une marche inverse, et de présenter comme un fait, cela même qui, de haut en bas, est apparu comme l’indispensable et universelle condition du salut.

Que, d’autre part, cette tâche s’impose ; que cette enquête soit non seulement utile mais même nécessaire à qui veut, en face du principe d’immanence reconnu légitime (au sens précédemment fixé), restituer ex professo au surnaturel cette intelligibilité négative qui doit lui ouvrir les oreilles afin de lui permettre l’accès des cœurs ; qu’il n’y ail pas d’autre moyen théoriquement satisfaisant, pour amener l’àme qui croit se sutllre et qui se ferme, à ce point de maturité, de clarté sur elle-même, où le surnaturel avec ses preuves de tout ordre s’imposera à son audience, en sorte qu’il ne lui soit point possible de s’en désintéresser sans trouver en elle-même ce qui la condamne ; que ce soit la condition d’un raccord en vertu duquel s’établisse une espèce de continuité entre la philosophie et l’apologétique, l’une aboutissant par ses propres investigations, par la logique de son mouvement, à poser les questions auxquelles l’autre vient répondre ; que cette recherche, enfin, constitue donc par elle-même une sorte il’apologétique du seuil, à la fois incomplète et, au moins I implicitement, nécessaire, c’est ce dont on a pu se