Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

631

INCINERATION

632

s’élevait à 16. En ce moment (1912) une active campagne est faite en Belgique.

II. Attitude de l’Eglise â l’égard de l’incinération. — Loin de favoriser cette campagne, l’Eglise catholique s’y est opposée formellement. Le mercredi 19 mai 1886, le Saint-Office ou Inquisition condamnait la pratiquej de la crémation par le décret suivant : j

De nombreux Evêques et des fidèles éclairés’ont constaté que des hommes de foi douteuse ou liés à la secte maij-onniquc travaillent aujourd’hui activement à rétablir l’usage païen debrùlei-les cadavres humains et que même des sociétés sont spécialement instituées dans ce but. Ils craignent que leurs artifices et leurs sophismes ne trompent les fidèles, et que insensiblement ne diminuent l’estime et le respect de la coutume chrétienne d’inhumer les corps des fidèles, coutume constante et consacrée par les rites solennels de l’Eglise. Pour donner aux fidèles une règle certaine qui les gai-de de ces pièges, ils ont demandé à la Suprême Congrégation de l’Inquisition romaine universelle de déclarer :

1° S’il est licite de donner son nom aux sociétés qui ont pour but de promouvoir l’usage d’incinérer les cadavres humains -’2" S’il est licite d’ordonner la crémation de son cadavre ou du cadavre d’autrui ?

Et les Emineiitissimes et Révérendissimcs Cardinaux Inquisiteurs généraux en matière de foi, après avoir sérieusement et mûrement pesé les doutes ci-dessus et après avoir pris l’avis des consulteurs, ont jugé devoir répondre :

Au premier doute, Nt^allvement^ et, s’il s’agit des sociétés alliées à la secte mai’onniqne^ on encourt les peines portées contre elle.

Au second doute, Négativement.

Relation a élé faite h N.T.S.P. le Pape Léon XIII ; et Sa Sainteté a approuvé et confirmé les décisions des EE. Pères et Elle a ordonné de les communiquer aux Ordinaires des lieux, pour que ceux-ci instruisent en fa( ; on opportune les fidèles au sujet du détestable usage de briller les cadavres humains et qu’ils en détournent de toutes leurs forces le troupeau à eux confié.

Jos. Mancini, Notaire delà S. R. U. Inquis.

Sept mois après, le 15 décembre 1886, un nouveau décret du Saint-Ollice ordonnait de priver de la sépulture ecclésiastique, selon les règles du Rituel romain relatives aux pécheurs publics, le cadavre des lidèles qui par leur propre volonté auraient fait choix (ie la crémation et, de notoriété certaine, auraient persévéré jusqu’à la mort danscette résolution. Enlin un troisième décret, en date du 27 juillet 18y2, appliquant à cette matière une règle déjà prescrite pour (les cas analogues, interdisait la célébration publique île la messe pour le repos de leur àme, tout en la permettant en forme privée. Il déclarait en outre indignes des derniers sacrements, non seulement lespersonnesqui ordonneraient la crémation de leur cadavre par motif d’irréligion, mais celles aussi qui le feraient pour des raisons d’un autre ordre, à moins que la bonne foi ne les ait excusées : «.S ; moniti renuant. Ut vero fiât aut omittatur moxilio, serventur regulæ a prubatis auctorihus traditae, habita præsertiin ralione scandali vitandi. »

Les termes de ces décrets et les pénalités qu’ils énoncent, indiquent assez qu’il s’agit ici d’un précepte grave, obligeant, en règle générale, la conscience des lidèles sous peine de péché mortel. Toutefois, pour préciser le caractère exact cl la portée de ces prohibitions, il y a lieu de retenir les observations suivantes :

i* Le décret du 19 mai 1886 ne fait allusion ni au droit iialurel ni au droit divin positif. En effet, le rite de rinhumntioii n’est pas imposé par un de ces commandements que l’Eglise a reçus de Dieu et qu’elle est inhabile à abréger ou à modilier. U rentre dans

le cadre du droit ecclésiastique proprement dit, et, comme tel, dépend du Pape et du Concile général.

Ce n’est cependant pas une mesure de simple administration, dont l’opportunité varie aisément avec les circonstances passagères qui l’ont motivée : c’est un rite liturgique traditionnel, qui a ses raisons intimes — nous aurons tout à l’heure à l’expliquer — dans des convenances dogmatiques, et à ce titre met la vie religieuse des chrétiens en communication avec les sources de leur foi. Sans doute le but antireligieux des propagandistes de l’incinération justilie en ce moment, d’une façon spéciale, l’opposition de l’Eglise ; mais, dans cette attitude ecclésiastique, il y a plus qu’une raison d’actualité : la stabilité du rite catholique tient à sa connexion avec la croyance, le culte et les habitudes morales des lidèles.

2° Ce que défend le législateur canonique, c’est l’incinération proposée et pratiquée comme rite normal des funérailles. L’Eglise ne refuse pas de tenir compte des exigences créées par des circonstances e.rceptionnelles, par exemple, après une bataille ou une catastrophe, en temps d’épidémie, etc. Ces cas de force majeure échappent au.t lois ordinaires.

3° Même en dehors des cas exceptionnels de force majeure, l’Eglise, tout en réprouvant l’incinération, ne frappe que ceux qui s’en rendent volontairement coupables ; elle excuse les lidèles qid la subissent involontairement par contrainte physique ou morale. Le décret du 15 décembre 1886 traçait cette ligne de conduite pour le cas d’incinération subie par le fait d’autrui : on pourra remplir les rites et sulfrages ecclésiastiques, soit à la maison mortuaire, soit à l’église, mais on n’accompagnera pas le corps au lieu de la crémation, et l’on prendra soin de prévenir le scandale, en faisant savoir que l’incinération n’a pas été imputable au défunt. Cette jurisprudence a été confirmée plus récemment, le 26 janvier 191 1, par une réponse de la S. Congrégation de la Propagande au vicaire apostolique des iles Sandwich. Dans ce pays, des crémations se pratiquèrent d’autorité publique, même en dehors de tout consentement du <léfunt ou de sa famille ; et le prélat avait demandé si, dans ces conditions, il était permis après l’incinération de procéder, au cimetière, avec les rites accoutumés, à l’inhumation des cendres. La S. Congrégation répondit, que, étant données les circonstances du cas, la chose ne souffrait i)as de difficultés (A’ouvelle Hevæ théologique, 1911, p. 270).

Quant aux médecins, employés, ouvriers et autres personnes auxquelles des exigences d’étal imposeraient de coopérer à la crémation, le décret du Saint-Ollicc du !) juillet 1892 prévoyait des cas où ce concours pourrait être toléré et en précisait les conditions.

C’est de cette législation moyenne, à la fois ferme et discrète, respectueuse des idées morales les plus élevées et condescendante aux nécessités d’ordre pratique et matériel, qu’il reste à montrer le bien-fondé.

III. Justiâcation de l’attitude de l’Eglise. — Pour comprendre pleinement l’attitude de l’Eglise, il est bon de ne pas séparer les diverses raisons qui l’inspirent : leur enchaînement donne toute sa force à une preuve complexe. La voici : il est sage, de la part de l’Eglise, de retenir un rite traditionnel d’une très haute antiquité, lié au synd>olisme dogmatique et moral et conforme aux inclinations les pluséli’vées de l’ànie humaine, nu moment surtout où l’on poursuit son abolition dans une pensée antireligieuse, — et sans a[q>orter aucune raison convaincante.

I" Ancionneté de l’inlnimation dans le christiani^^nie.

— Dès l’origine l’Eglise a pratiqué l’inhumation