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FOL FIDEISME

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qiies, soucieux des r.iisons de croire ou motifs de crédibilité plus que de la raison des mystères ou science de notre foi, nous aimerions qu’Origéne et Augustin eussent fait plus explicitement la théorie des préambules de la foi. Us ne l’ont pas faite ou ils ne l’ont faite qu’en passant ; mais ils la supposent partout et toujours. Ce n’est qu’en faussant évidemment leur pensée que le lidéisme peut trouver en eux des tenants d’une foi que la raison n’éclairerait pas, d’une foi qui n’aurait pas au préalal)le ses raisons de croire. Cette théorie, d’ailleurs, ils en fournissent tous les éléments ; nous la trouvons même çà et là toute faite, quoique non peut-être avec la pleine conscience d’elle-même. Encore s’ignore-t-clle moins (pi’il ne paraît au premier abord ; et nous la rencontrons, dans un livre de vulgarisation populaire, dans les lieconnaissaiices clémentines, exprimée avec une netteté qui ne devait pas cire dépassée.

Troisième objection. — Après tout, l’Eglise elle-même n’eslelle |)as lidéiste ?Le Concile du Vatican, n’a-t-il pas déclaré cpie « les vérités religieuses accessibles à la raison, c’est la Révélation i|ui, dans la condition présente du genre humain, les a mises à la portée de tous, et nous a mis en état de les connaître facilement, avec certitude, sans mélange d’erreur » ? — Réponse. Ce n’est pas du lidéisme que de faire très grande la part de la foi et de l’autorité dans la connaissance et la dillusion de la vérité ; de la faire très grandedans l’éveil même et la formation de l’esprit. Le lidéisme n’est pas une erreur et n’est pas condanmé parce qu’il donne beaucoup à la foi ; mais parce qu’il donne trop à la foi, aux dépens de la raison ; parce (]u’il sacrilie la raison à la foi.

L’Eglise sait que la foi doit être prudente et raisonnable. Il faut pour cela, comme l’explique saint Augustin lui-niênicdansle Z>e uliltinli : credeiidi, que la raison précède la foi, en accréditant l’autorité à laquelle il faut croire, et me pernuttant de choisir une autorité qui soit digne de foi. Il faut que j’aie au moinsune première notion de Dieu, indépendante de la foi divine ; car comment croirai-je en Dieu, si je ne sais pas qu’il existe ?

Le lidéisme a d’autres griefs contre la raison. El il a beau jeu de lui reprocher ses erreurs, ses prétentions, sa superbe. Mais faut-il sn|)prinier le libre arbitre parce qu’on en abuse ? Il s’attac|ue à laSeolastique, c’est-à-dire pratiquement à la philosophie et à la théologie catholiques, en lui reprochant de favoriser le rationalisme, de dessécher la piété, etc. Ce n’était pas la pensée de sîiint Aigiisti.n, ni celle des grands seolastiques, saint.Axsei.miî, saint ïuomas, saint Bonavbntuue ; ce n’est pas celle de l’Eglise. Qu’on se rappelle l’Encyclique Ai’.terni Pains, de LicoN XIll ; qu’on se rappelle rEncyclique Communiumrerum, de Piiî X, donnée Ie21 avril lyoïj, à l’occasion du centenaire de saint Anselme.

Le lidéisme, qui se croyait aux antipodes du protestantisme, est une conséquence del’idéeprotestante sur la corruption foncière de la nature humaine par le péché.

B. Le fidéisme à base kantiste ou positiviste. — Beaucoup ne le connaissent guère que par Bur.NKTii’iRB, qui, de fait, l’a presque christianisé en l’utilisant dans le sens chrétien, comme il a utilisé le positivisme. Quand Brunetière, pour Kant et les positivistes, cela n’est pas objet de science. Le débatjiom-rait n’être qu’une question de mots, et, à certains moments, on a l’impression qu’il n’est pas autre chose. Mais en y regardant de plus près, en lisant /.es l/iises de ht croyance, par M. Baliouu, et la Préface (pie Brunetière y a mise, on s’aper^’oit vile qu’il y a là des principes inconciliables avec ceux de la foi. (ferles, un catholique ne peut être qu’heureux d’entendre proclamer que sans la foi il n’y a ni vie morale, ni vie sociale, comme sans la foi il n’y a pas de religion. Mais il ne peut ramener la question à une question de vie et de nécessité morale ou sociale. Pour nous, elle est av ant tout une question de vérité, et elle n’est une question de vieel de nécessité que parce ((u’elle est une ciuestion de vérité. L’apologiste peut et doit montrer lesbienfaits de la foi, mais c’esl [)our écarter les [iréjugés, pour amener à l’étude loyale et sympathique, pour faire admettre i|u’elle est vraie.

Il serait superflu de discuter ici les thèses de ce nco-lidéisme kantiste, positiviste, pragmatisle, agnosticiste, d’établir à nouveau les thèses catholiques. Ce qui en a été dit au cours de cet article pourrail sullire ; d’autres articles de ce Dictionnaire donnent tous les éléments de discussion. Voir Agnosticisme, AroLOGÉTiQUE, Criticisme, Dieu, Dogme. Voir aussi les articles Croyance, dans le Dictionnaire de lliéoloi ; ie catholique ; Mgr ii’Hulst, f.a faillite de la science, liépon.se à.17.17. JJrunelière et Citurles Uichet, Revue du clergé français, i" février 18g6, t. I, p. 38r>. — Une remarque seulement. Une philosophie inexacte n’est pas nécessairemenl incompatible avec la foi. Tel peut même être mis « sur les chemins de la croyance » par une philosophie inexacte ou incomplète. La foi ne s’ai)[iuie pas sur la pliilosojjliie, cl les vrais motifs de crédibilité ne sont pas nécessairement en rapport direct avec les vues philosojdiiques. Une mauvaise philosophie est néanmoins dangereuse pour la foi ; car le contlil peut éclater un jour, et le crojant qui philosophe mal sa foi peut tôt ou tard rejeter sur la folles insullisanees de sa i)hilosophie. C’esl ce qui explique que l’Eglise, en face de tant d’erreurs modernes, en face notamment de l’erreur moderniste qui englobe en quelque sorte toutes les autres, insiste tant sur une |)liiloso pliie qui a fait ses preuves, qui a été baptisée pour ainsi dire dans la foi, qui a grandi avec elle, el qui, comme elle, est assez large el assez soiqde pour s’adapter à Ions les progrès de la pensée moderne et pour tout intégrer dans sa vaste synthèse.

« Il y a une grande indigence philosophique, disait

Mgr d’IIulst. La raison ne croit plus à elle-même. »

Seule tenante de la foi dans le monde, l’Eglise a été du même coup, et elle reste encore, la grande tenante de la raison. Elle ne la flatte pas en la leurrant de promesses vaines, en la divinisant ; mais elle y croit, elle a besoin d’y croire pour s’en servir, et en s’en serv-ant elle lui rend le plus signalé service.

Biiii-iOGnvriiiE. — Pour la section A, voir notamment M. BovER, Examen de la doctrine de M. de la Mcnnais, considérée sous le triple rapport de la philosophie, de tu théolof ; ie et de la politique, Paris, 1834 ; Rozaven, Examen d’un ouvrage intitulé : Des doctrines philosophiques sur la certitude dans leurs rapports at’ec les fondements delà théolo ^ie, parl’abhé Gerliet, i’édition, Avignon, 1833 ; J. Lli’US, l.e traditionalisme et le rationalisme examinés au point de vue de la philosophie et de la doctrine catholique, i volumes, Liège, 1858 ; A. Cii-vsTEL, Les rationalistes et les tradiliona-