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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/434

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INQUISITION

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était organisée vers le milieu du siècle. Le Fiiero leal, code promulgué par Alphonse le Sage en 1255, et las Hiete l’arlidas de 1205 reproduisent les prescriptions insérées contre l’hérésie dans les décrétales de Grégoire IX et celles qui, édictées par les papes du xiii’siècle, figurèrent plus tard dans le Texte de Boniface VIll (Sielc Paiiidas, i, 6, 58 ; vii, 21J, 7 ; VII, 20. El Fuero rciil, iv, 1).

C’était d’Italie que les premiers Cathares étalent venus en France, vers l’an mil ; c’est avec l’Italie que les Albigeois se tenaient en communications constantes au cours du xii’siècle et c’est en Lombardie, comme en Aragon, que les faidits se portèrent on masse après la victoire de la Croisade. Les registres de l’Inquisition toulousaine et carcassonnaise mentionnent souvent l’établissement dans les villes lombardes de colonies d’hérétiques languedociens. Ces faits nous prouvent que le manichéisme fut de bonne heure fort répandu en Italie et que sa puissance fut accrue par les coups qui lui étaient portés au sud de la France. EriENNs dk Bourbon rapporte qu’au dire d’un hérétique converti, il n’y avait pas à Milan moins de dtji-sepl sectes hétérodoxes, luttant avec acharnement entre elles. On peut cependant, comme en France, les réduire à deux sectes principales, les Cathares ou Patarins et les Vaudois. Vers le milieu du xm’siècle, Rainerio Sacconi énumère leurs églises. En Lombardie et dans les Marches, il y avait environ cinq cents Parfaits cathares de la secte des Alhaiioiises, plus de quinze cents Concorrezenses et quelque deux cents liajulenses. Il s’en trouvait un nombre égal à Florence et à Spolèle, plus, en Lombardie, un appoint d’environ 150 réfugiés venus de France. Rainerio Sacconi estime le nombre total des Cathares, de Constantinople aux Pyrénées, à quatre mille, sans compter l’incalculable foule des Croyants, On voit donc que près des deux tiers de ces hérétiques étaient concentrés dans l’Italie se])leiitrionale, surtout en Lombardie, et qu’ils y constituaient une notable partie de la population (Lea, IIlsl. de rinqiiisilion, II, p. 231). Aussi, dans la plupart des villes de la vallée du Pô, l’hérésie était-elle i)rofesséc au grand jour, comme en Languedoc avant la Croisade.

Non contente de la liberté qu’elle j- trouvait, elle s’était faite persécutrice et, de toutes manières, elle attaquait l’Eglise catholique, ses prêtres et ses fidèles. En voici quelques preuves empruntéesà Lea, dont les sympathies pour les hérétiques et la haine pour l’Eglise éclatent cependant dans plusieurs pages de son livre. En 1204, les Cathares déchaincrent la guerre civile à Plaisance et firent chasser de la ville l’évêque et son clergé. Ces derniers s’étant réfugiés à Crémone, la haine des sectaires les y poursuivit ; à leur instigation, les Palarins de Crémone se soulevèrent et expulsèrent, avec les catholiques réfugiés de Plaisance, l’cvêque et les orthodoxes de leur propre cité. Ce ne fut qu’en 1207, après trois ans d’exil, que les catholiques purent rentrer à Plaisance et y rétablir liniidcment leur culte. Des faits du même genre se déroulaient dans un grand nombre des villes où dominaient des municipalités ou des tyrans gibelins tels que Ezzelin de Roinano, le plus puissant seigneur de la Marche de Trévise. Gibelins et hérétiques s’entendaient souvent pour porter les mêmes coups aux orthodoxeset aux allies politiques du Saint-Siège. Aussi les Patarins célébraient-ils déjà leur triomphe définitif et l’écrasement du catholicisme, tandis que les catholi(]ues s’attendaient à la ruine en Italie de leur Eglise. C’était le sentiment de l’abbé Joachim de Flore « qui, dans son Commentaire de l’Apocalypse, voj’ail dans les hérétiques les sauterelles armées du venin des scorpions, surgissant.

au son de la cinquième trompette, des profondeurs de l’abinie sans fond. Ces hérétiques étaient, à ses yeux, l’Antéchrist lui-même. Leur pouvoir ne fera que croître ; leur roi est déjà choisi… Contre eux toute résistance est vaine. Ils s’uniront aux Sarrasins, avec lesquels, dit-il, ils sont, dès 1195, entrés en négociations » (Lea, op. cj/., II, p. 234).

Ce fut pour tenir tête aux hérétiques que les évêques, dans leurs diocèses, établirent l’inquisition épiscopale, et que, couronnant leurs elTorts par une organisation d’ensemble, les papes confièrent à des délégués du Saint-Siège, choisis de préférence parmi les Prêcheurs et les Mineurs, X’iiifjuisilio generalis dans les différentes régions de l’Italie. Dès 1224, HoNORius III chargea les évêques de Brescia, de Modène et de Rimini du soin de poursuivre les hérétiques dans l’Italie du Nord. En 1228, Goffhedus, cardinal deSaint-Marcetlégatdu Saint-Siège en Lombardie, rendait obligatoire à Milan la loi qui ordonnait la destruction des maisons d’hérétiques, et faisait un devoir à l’autorité civile tie mettre à mort, dans les dix jours, les hérétiques condamnes comme tels par les triliunaux ecclésiastiques. En i-jSo, le dominicain Guala, évéque de Brescia, promulguait et faisait exécuter dans sa ville épiscopale le sévère décret rendu par Frédéric II contre les hérétiques en I2a4) Pt son exemple fut suivi dans plusieurs villes du nord de l’Italie. Coordonnant ces elTorts isolés, Grégoire IX nomma le dominicain Aldlhic inf|nisiteur en Lombardie (1282), le dominicain l’iunuE de Vkronk (saint PieiTe martyr), inquisiteur à Milan (1233), les dominicains.li>oiuiandim Calvai.c.ante et Ruggibri Calcagni, iniquisiteurs à Florence, le premier en 1230, le second vers 1241 (Lea, op. cil., Il, p 237204 piissim). L’empereur FRÉoicnic II seconda de tout son pouvoir l’œuvre du pape et de ses légats ; en I231. il publia une loi qui rendait exécutoires dans tout rcuq)ire et en Italie les mesures édictées, en 1 229, à Toulouse contre les hérétiques ; en août de la même année, à Amalli, il promulgua un nouvel édil qui déclarait l’hérésie crime de lèse-majesté, passible de mort, et ordonnait de rechercher les hérétiques. Tout suspect devait être traduit devant un tribunal ecclésiastique et brûlé vif si le tribunal le reconnaissait coupable (cité par VACANOAno, l’Inquisition, p. 135). L’ordonnance de Ravenne de 1282 étendait à l’empire tout entier l’application de celle d’AmalU ; et c’est ce que répétaient les ordonnances ultérieures du 14 mai 1238, du 26 juin 1288, du 22 février 1289 (Pebt/., f.eges, II, p. ig6, 281 cl sqq.).

A Rome, le sénateur Annibaldi fit, en 1281, un règlement pour le fonctionnement régulier de la répression de l’hérésie dans la cité f>ontificale(BoRHMER, Acta impcrii selecta, XllI, p. 3^8). Gki’.goire IX rappela, dans ses lettres, les constitutions et règlements de Frédéric II et d’Annibaldi, et en les communiquant à ses légats et aux évêques, il ordonna de les faire insérer dans les lois municipales et de les appliquer partout.

En Allemagne, ce fut le dominicain Conrad de Maudouhg qui fut chargé de faire exécuter les ordonnances impériales et les bulles |iontificales qui établissaient l’inipiisition. Une lettre de Grégoire IX, en date du Il octobre 1281, lui expliquait comment elle devait fonctionner. « Lorsque vous arriverez dans une ville, lui disait le pape, vous convoquerez les prélats, le clergé et le peuple et aous ferez une solennelle prédication ; puis, vous vous adjoindrez quelques discrètes personnes et ferez avec un soin diligent votre eiuiucte sur les hérétiques et les suspects. Ceux qui, après examen, seront reconnus coupables ou suspects d’hérésie, devront promettre d’obéir absolument aux ordres de l’Eglise ; sinon.