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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/630

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JEANNE D’ARC

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sa valeur aux tlélails et aux renseignements fournis par Jeanne même sur sa vie dans les interrogatoires qu’on lui lit subir. Le procès de revision l’emprunte aux cent quarante-quatre témoignages recueillis en diverses enquèles judiciaires, de la bouche de personnages qui avaient vii, connu, ouï l’héroïne. Sous ce rajiport, ces documents sont des sources historiques du plus grand prix. Mais en possédons-nous l’original, ou seulement des expéditions authentiques ?

La minute originale du procès de Rouen était en français, sauf quebiues pièces de procédure rédigées, selon l’usage reçu, en latin. Le docteur de Paris, Thomas de Courcelles, dans les années qui suivirent le supplice de Jeanne, mais avant la mort de l'évêque de Beau vais, mil les pièces de la cause en forme et traduisit en latin le français des vingt-cinq interrogatoires, du réquisitoire et autres parties. Il y eut donc d’abord deux minutes du procès de 1431, l’une en français, l’autre en latin. Toutes deux sont perdues. Des cinq copies ou expéditions authentiques qui furent faites de la minute latine, trois seulement nous restent : deux sont conservées à la Bibliothèque nationale, l’autre à la Bibliothèque du Corps législatif. De la minute française, nous ne possédons que des fragments retrouvés dans le manuscrit dit de d’Urft.

Le procès de réhabilitation fut mis en forme par deux notaires de l’Université de Paris, Denis Lecomte et François Ferrebouc. Des minutes et pièces originales, aucune ne nous est restée. Trois expéditions authentiques du procès en forme furent délivrées par les notaires. Nous n’en possédons que deux : on peut les voir à la Bibliothèque nationale. Keste à déterminer l’autorité soit judiciaire, soit historique, afférente à chacun île ces documents.

Dans le procès de condamnation, l'évêque de Bcauvais joue un double personnage : il est tout ensemble juge et historien.

A litre de juge, son autorité et celle de son œuvre judiciaire sont nulles. Les douze articles, résumé de l’acte d’accusation de la cause, ont été (lélris. L’abjuration au cimetière de Saint-Ouen, dans laquelle toutes les règles canoniques avaient été violées, l’a été pareillement ; quant aux deux sentences, elles ont été invalidées et cassées par le tribunal de Calixte 111.

A titre d’histoire, l'œuvre de Pierre Cauchon est absolument suspecte ; ses alVirmations ne doivent être acceptées que sous les plus grandes réserves ; plus d’une fois la critique l’a pris en llagrant délit d’invention, d’erreur et de mensonge. Dans les interrogatoires, les réponses de l’accusée ont été parfois supprimées, souvent modiliccs et altérées.

Le fait de la prétendue « abjuration canonique » de Jeanne est une invention de l'évêque de Beauvais : il en est de même du fornmiaire qu’on lit au procès. Le guet-apens de la prison, après le premier jugement, est passé sous silence. Les explications de la jeune lille sur la reprise de rhal)it d’homme ne figurent point au [irocès-verbal de l’interrogatoire du iiH mai ; et, à la faveur de la tradviction latine, Thomas de Courcelles a pratifpié dans ce texte cinq altérations ayant pour objet de persuaderait lecteur que Jeanne avait abjuré canoniquement en cause de foi. Ennemi mortel de la prisonnière des Anglais, historien et jiige partial, poursuivant per fa.i et riefts In perte et le déshonnevir de sa victime, Pierre Cauchon courr)nna son onivre inique en inventant et rédigeant l’Information posthume, libelle calomnieux f|ue les notaires eux-mêmes refusèrent de signer et d’insérer dans le texte du procès.

Dans le procès de revision, les juges ne font pas,

comme l'évêque de Beauvais, œuvre d’historiens. Ils sont juges et pas autre chose. Seulement, ils ont jugé selon le droit et la justice, et aucune autorité, aucun tribunal, pas même celui de l’histoire, n’a infirmé, encore moins mis en doute le bien fondé de leur sentence. Au cours du procès, ils ont multiplié les informations de nature à les éclairer et à renseigner aussi les historiens de l’avenir ; mais sur ces documents précieux ils n’ont construit aucune thèse, basé aucun récit, et ils ont laissé à d’autres la tâche d’en éprouver la vérité, la solidité, et s’il y avait lieu, de les réfuter.

C’est ce que ne paraît pas avoir compris l’auteur des Apert^iia niiu^euiix sur l’histoire de la Pucelle qui, un peu trop légèrement, après avoir dit des juges de 1^56 qu’ils étaient « la probité même », les accuse d’avoir pratiqué ou laissé pratiquer dans les dispositions des enquêtes des retranchements ou modifications qui en altéraient la substance (J. Qcicherat, Jperriis nouveaux…, p. 150, 151). J. Quicheral accuse ; mais selon son habitude, il ne présente i)as de preuves à l’appui de ses accusations ; ou bien s’il en présente, elles portent à faux. Nous croyons l’avoir démontré dans notre troisième série d’JStudes critiques, p. 152 et suivantes.

f.es deu.f procès et la critique. — II est peu d’historiens, antérieurement au xix*^ siècle, qui, parlant de la Pucelle, n’aient mentionné l’un et l’autre des lieux procès : ils eussent rendu un plus grand service à l’Eglise et à la France, s’ils en eussent étudié, collationné et publié le texte.

Dès 1628. le docteur de Sorbonne Edmond Riciibr signalait l’importance et l’opportunité de cette publication. Si son appel eut été entendu, l’histoire de l’héroïne se fût achevée cent ans au moins plus tôt.

Vers 1840, la Société de l’Histoire de France se ressouvint de l’appel d’Edmond Richer. Informé du projet que nourrissait à ce propos l’historien allemand de Jeanne d'.rc, Gnido Gônni.s, elle le prévint, et Jules QuicniîRAT, élève sortant de l’Ecole des Chartes, fut chargé de préparer le texte des manuscrits des deux procès et d’en surveiller l’impression. Le premier volume paraissait en 18^1, le cinquième et dernier en 18/19.

L'éditeur nous api>rend qu’il se proposait d’y joindre le texte des ylperçus nouveaux, dans lequel il exposait sa pensée sur l’histoire et principalement sur le j)rocès de l’héroïne. N’ayant pu exécuter ce projet, il publia ses Aperçus dans un volume à part, (irande fut la surprise des érudits lorsqu’ils virent l'éditeur des ]irocès se constituer le défenseur d’idées tendant à rabaisser Jeanne et à justifier l'évêque de Beauvais ! Au demeurant, Jules Quicherat se posait en théoricien du système inauguré parMichelet et Henri Martin au sujet de la Pucelle et adopté depuis par des professeurs de l’Université. En face de cette école qu’on a proposé d’appeler francocauchonieune, à cause de la grande autorité qu’elle reconnaît à Pierre Cauchon, se sont levés des liistoriens que réttide des deux i)rocès a pénétrés de convictions dilTércntes. Représentants de l'école française et catliolique, ils défendent les thèses documenlaireinent inattaquables de l’objectivité des Voix de Jeanne, de son héroïsme intégral et de sa vraie sainteté.

Des Voie de Jeanne d’Arc et de sa mission d’en haut. — Un fait constant de la vie de la Pucelle, qui la distingue de toutes les héroïnes connues et lui imprime le caractère du merveilleux le plus étonnant sinon du surnaturel même, c’est le fait des visions, révélati<ms et Voix, dont elle fut favorisée depuis sa treizième année jusqu'à sa mort. D’après