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FRAXC-MACONNERIE

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influence politique et gouvernementale, ils s’insinuent dans les esprits à la faveur des pires équivoques, et s’il inlillrent » dans l’Kglise pour la désagréger. Il est, malheureusement, très dillicile d’explorer un terrain miné sous nos pas, comme l’était au xviii’siècle le terrain politique (et l’on sait combien de luttes il y eut alors !).

On sait qu’au cours du xix’^ siècle la Ilaule-Venie semble avoir pris la succession de ï’illuminisme dans la direction générale des sectes secrètes. Ses papiers, embrassant la période qui va de 1820 à 1846, sont tombés entre les mains du pape Léon XII et fui-ent publics par Crétixeau-Joly (L’Eglise romaine et la Résolution). Or, on lit dans les Instructions secrètes de NuBius (pseudonyme désignant le principal personnage de la Haute- Vente), des phrases comme celles-ci : < Quele clergé marche sous votre étendard en croyant toujours marcher sous la bannière des chefs apostoliques ; tendez vos lilets… au fond des sacristies, des séminaires et des couvents, n (Lettre n Volpe, 3 avril 18^/|.) Un autre membre de la HauteVeiite, expliquant comment tant de prêtres et de laïcs catholiques se laissaient séduire par l’égalitarisme et l’humanitarisme maçonniques, écrivait : u Us se persuadent que le christianisme est une doctrine essentiellement démocratique. » (Emm. Barbier, Les Infiltrations, pp. 5 et 6.)

Depuis, de multiples efforts ont été accomplis pour redonner à la maçonnerie l’influence philosophique, conforme à l’esprit de ses rites et de ses symboles, que ses impurs politiciens avaient déviée, et pour attaquer indirectement, par une sorte de mouvement tournant, les principes constitutifs de l’Eglise. Vers 1885. le Docteur Papls (M. ENCAUssE)reconstitu. T le niartinisme dont les premières loges fonctionnèrent à Montmartre en 1889 (voir les revues L’Initiation, Le Voile d Lsis et Iliram). Vers 1888, fut également restaurée la secte des Gnostiques devenue en 1898 l’Eglise gnostique ; en 1906, le patriarche Fabre des Essarts ayant formé une association cultuelle sous le nom d’Eglise gnostique de France, cette Eglise se partagea en deux branches, ayant chacune sa revue (Le Itéyeil gnostique et l, a Gnose). — Ce sont surtout ces groupements qui constituèrent r, J//ia/ice spiritualiste : ils recherchent le « même ésotérisme » qui est caché au fond de tous les cultes, et ils étudient le spiritisme, l’hypnotisme et la magie ; ils veulent cxpliiiuer le monde en écartant le dogme de la création et ils aboutissent au « panthéisme émanatiste i>, qui est la divinisation de l’homme. Leur princijjal sj’stème est 1’  « occultisme ->, qui prétend se rattacher à r « ésotérisme » des philosophes antiques (alexandrins et grecs), àl’  « hermétisme » duraoyen âge, aux doctrines des Templiers et des chevaliers Rose-Croix, ancêtres des Francs-Maçons ; leur « pontife » est M. Albert Jounet qui revendique le titre de chef incontesté des catholiques modernistes et qui, sous le nom d’Harmonie messianique, veut ériger « une synthèse qui, dressée entre l’Eglise et le monde nouveau, incorporerait les vérités modernes aux vérités chrétiennes, mais rejetterait les erreurs de l’Eglise et les modernes erreurs ».

A ces écoles, il convient d’ajouter la Kabbale et la Théosophie. — La Kabbale, qui forme un groupement très considérable et atteste aussi le progrès de l’influence des Juifs dans le monde intellectuel, prétend se fonder strictement sur la tradition hébraïque ; son chef est le marquis de Saint-Yves d’Alveydrk. — La Théosophie, sans se réclamer ouvertement de la tradition universelle (comme la Gnose), ni de l’interprétation de l’Ecriture (comme la Kabbale), est une révélation intérieure de la science et de la vie divine, obtenue par les secrets de la contemplation

qu’elle emprunte au… brahmanisme et au bouddhisme. Au reste, ses doctrines n’ont rien d’original et sont, dans leur ensemble, identiques aux précédentes :

« Quelle est la religion future de l’humanité ? (demandait

au Congrès spiritualiste de 1908 M. Blecii, président de la Société tliéosopliiquc de France). Elle dilfère de toutes celles qui l’ont précédée ; ce n’est plus une fui ejtclusiye et séparatiste, mais une reconnaissance que les mêmes vérités se trouvent dans toutes les religions, qu’il n’existe qu’une seule vraie religion, la Divine sagesse, et que chaque religion, prise à part, n’est vraie que dans la mesure où elle incorpore les principaux enseignements de cette divine sagesse. » En d’autres termes, les théosophes veulent absorber le catholicisme dans une religion purement humanitaire (l’homme devant trouver en lui-même les enseignements dit’ins), et M. Blech remarquait que le modernisme condamné par Pie X était déjà l’n une des formes » de la théosophie. — Voir Léonce de Graxd.maison, Théosophes et Théosophie. Le lotus bleu (collection Science et Religion).

Faut-il rattacher cette soi-disant « renaissance spiritualiste » à l’action ou aux idées maçonniques ? Incontestablement, et les preuves en abondent. M. J. DoiNEL, restaurateur de la Gnose, était membre du Conseil de l’Ordre du Grand-Orient. (Cf. /.n Gnose, mars 1910, p. 184. — M. J. Doinel s’est d’ailleurs converti depuis au catholicisme.) Le Congrès spiritualiste de 1908, en fédérant toutes les sectes occultes, n’a pas caché son but : la restauration de la Franc-Maçonnerie déchue de son véritable esprit par suite de ses entraînements politiques. Le secrétaire général, M. V. Blanchard, exprima l’espoir de voir tous les rites de la maçonnerie française venir renforcer « l’armée des chevaliers de l’idéalisme chrétien i> ( !), et il termina ainsi son discours d’ouverture :

« C’est alors qu’ils [ceux que tourmente

le problème de l’Ilyperphysique] prépareront consciemment V Avènement sur la terre de la Véritable Fraternité et du Règne du SaintEsprJ ou de la Science alliée à la Fui, de la Raison unie à l’Intuition. .. » Après ce discours, on lit dans le compte rendu ce titre des travaux de la seconde partie du Congrès : « Consent maçonnique des rites spiritualistes.

! > De fait, trente et unepuissances maçonniques

étaient représentées au Congrès, dii à l’initiative des loges marlinistes : on y blâma « les ig^norances et les fautes de la maçonnerie française ii, et on y mit en lumière les moyens dehàter 1’  « évolution » que deux mois auparavant le M.’. Hiram avait préconisée dans l’Acacia (mars 1908) : il faut, avait-il dit (dans son jargon spécial) n dépoliticiser >. la Fr.-. M.-, et faire revivre son symbolisme traditionnel. En avril 1910, La Gnose émit des idées analogues au sujet de r Cl orthodoxie maçonnique », et montra dans le symbolisme m.*. « la forme sensible d’une synthèse philosophique d’ordre transcendant ou abstrait ». Ainsi sera réalisée, selon les expressions du M.’. Hiram, une a nouvelle forme de la lutte contre l’Eglise », conséquence de « laréaction ritualiste, symboliste, … religieuse au sens social du mot, ([ui commence dans la maçonnerie française ».

Ces brèves indications (confirmées par les théories qu’exjiose le Fr.". Osvvald Wirth dans son Livre de l’Apprenti) suffisent à montrer quels périls résultent du changement de front et de méthode des sectes occultes, périls d’autant plus grands que certains catholiques n’y voient qu’un retour possible à leurs croyances, et paraissent faciliter de toute leur transcendante naïveté le succès de la nouvelle stratégie.

XIV. Les condamnations pontificales. — Depuis