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FRANC-MACONNERIE

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plus « chréliennes » professent en effet hautement qu’elles réinidicnt tout dogme ; et si elles laissent au Cln’ist la gloire d’avoir été le « premier héraut » des principes humanitaires qu’elles préconisent, elles ne voient rien que d’humain dans le Christ et sa doctrine. Le Grand Arcliitecte lui-même n’est plus guère pour elles qu’un mot : chaque maçon peut 1’  « interpréter » à sa guise et ne voir, par exemple, dans ce concept, que l’idéal du vrai, du bien, et du beau, ou que l’idéal de la civilisation, du « progrès » à réaliser maçonniquement dans le monde. C’est là le sens de cette « religion dans laquelle tous les hommes s’accordent », dont parle la Constitution de l’jaS, c’est-à-dire de cette religion de l’IJumaiiilé dont la maçonnerie était dès lors appelée à devenir le « centre d’union ». La même Constitution recommandait, il est vrai, au V.-. désireux d’  « entendre l’art royal », de n’être « ni unatliéestupidc, ni un libertin irréligieux » ; mais il faut interpréter ainsi le sens de ces mots : la maçonnerie devant transformer insensiblenu-nt (et par là plus sûrement) le système social ; l’athéisme plat et provoquant de ses membres ne ferait que heurter sottement les idées traditionnelles du milieu où ils vivent et compromettrait ainsi l’œuvre maçonnique. — L’histoire tout entière de la maçonnerie justifie, comme on l’a vii, cette interprétation. (Pour les tendances athéistes des maçonneries étrangères, voir "Whitbuead, Freenuisons-Clironicle, 1878, I, 196 ; Robert Fischer, Erlauterung der Freiinuiirer Kalechismen, m, question 18 ; Allgem. llaitdbucli der Freintuurerei’^, 1, 106 et suiv.)

Religion de l’humanité, centre d’union de tous les émancipés qui travaillent, par-dessus les pairies et les races, à un « progrès » dont l’accomplissement complet serait celui de la devise anarchique : Ni Dieu, ni maître », — et c’est précisément là, remarquons-le, ce qui la condamne à rinq)uissance finale et à la ruine, car d’une part il est aussi impossible d’établir aucun ordre social sur le « sens individuel » que de construire un monument sur les flots agités de l’Océan, d’autre part (à moins que ce ne soit la fin des temps), l’anarchie ne saurait être le terme de l’humanité, — la Franc-Maçonnerie a pourtant quelque chose de fixe, de traditionnel, de « social » (c’est-à-dire de supérieur aux individus) : son symbolisme. Et il convient d’autant plus d’en préciser la portée qu’il a donné lieu, même chez les F.-. M.., à de profondes méprises.

Les symboles maçonniques (rites ou cérémonies, emblèmes, signes, etc.) sont empruntés à la Bible, au christianisme, aux « mystères » de l’antiquité et aux anciennes corporations constructives ; mais il n’y a là qu’un emprunt matériel et artificiel : en conclure que la maçonnerie « spéculative » moderne remonte à la plus haute antiquité serait aussi absurde que de prendre le Premier Consul pour le successeur des consuls romains. Au fond, le symbolisme en question n’est maçonnique que comme moyen d’enseignement, comme système d’allégories destiné à illustrer et à inculquerles principes et les aspirations de la maçonnerie moderne.

Ainsi, tous les rites maçonniques possèdent trois grades, — apprenti, compagnon^ maître, — qui correspondent soit aux trois étapes des Mystères ou Initiations de l’antiquité, soit aux trois voies » de l’ascétisme chrétien (voies purgative, illuminative et unitive). Parmi les syud)oles cpii les accompagnent, citons la Bible, l’étoile flamboyante (Etoile de Bethléem), l’échelle Ihéologiquc et les trois k vertus théologales », leSaintdu Saint, le Tctragramme (Jahvcli). Or voici ce que signifient les grades.

Par l’n initiation », rû/j^ ;  ;e « (/, s’affranchissanl des servitudes et des aveuglements du monde « profane »

reçoit la vraie a lumière », et accède ainsi à la liberté, à la dignité, et à la grandeur. — C’est « une sorte de décrassement intellectuel et moral », dit O. Wirth. (Liyre de l’apprenti, p. io5.)

Le maçon va devenir « un penseur et un sage » (il’id.).

Par le « passage » entre les deux colonnes (Boaz et Jakin) et par l’étude assidue des sciences et des arts libéraux », le compagnon prépare sa « divinisation », son accomplissement maçonnique dans l’Humanité pure… Il reçoit comme « récompense » naturelle la supériorité sur tous les profanes, ainsi que la sérénité île l’état parfait (symbolisée par la pierre cubique).

Par l’ « élévation » ou transfiguration, le maître se divinise complètement. Après la mort mystique qui le dépouille des préjugés et des vices du monde profane, il renaît à une vie nouvelle toute maçonnique. Dans le combat contre les puissances ennemies (superstition, fanatisme, despotisme), il sera prêt à tout sacrifier, même sa position et sa vie. La « planche à tracer » symbolise la tâche du maçon parfait, qui consiste à construire l’édifice maçonnique social de l’avenir, embrassant toute l’évolution de l’humanité.

Nous nous bornerons à ces quelques indications, car nous ne pourrions même pas énumérer ici les multiples symboles qui représentent le combat de la lumière contre les ténèbres, l’adogniatisme, le cosmopolitisme et l’occultisme maçonniques. Retenons-en seulement le caractère commun : ils ne sont rien en eux-mêmes, sinon un moyen d’arracher l’initié à la civilisation qui l’enserre de mille liens, et de l’amener à ne penser et à ne vouloir que par lui-même.

« Vous ne saurez en maçonnerie que ce que

vous aurez trouvé vous-même. » (i/i/p de l’Apprenti, 1>. 3.) Ce mot résume toute la philosophie initiatique de la maçonnerie : elle n’imjKjse aucune croyance, aucun système doctrinal ; elle achemine seulement les initiés vers le progrès indéfini de l’idéal maçonnique.

Ambiguë à l’extrême, elle s’accomniode du reste à toutes les interprétations, à toutes les contingences sociales, à tous les états d’esprit (sauf à celui du catholique, du croyant, rebelle a priori à ses suggestions). Elle possède enfin une force d’attraction considérable, puisqu’elle satisfait les esprits à tendances mystiques par le charme du mystère, puisqu’elle flatte l’orgueil humain en lui promettant la quintescence de la sagesse de tous les âges et de tous les peuples, puis(]u’ellc fixe les âmes détachées de Dieu, mais altérées de certitude, en leur montrant la maçonnerie comme la religion universelle de l’avenir, religion naturelle dont toutes les religions passées et présentes ne seraient que des phases « historiques » ou passagères ; puisqu’enfin elle déguise aux yeux de tous, sous les |)lus glorieuses apparences, les desseins les plus dévastateurs.

Une seule autorité, vraiment, pouvait, dés l’origine, dévoiler une pareille « conjuration », et reste assez forte pour défendre contre elle la civilisation chrétienne : celle du Représentant de Dieu sur la terre.

XIll. Les « infiltrations » maçonniques et les nouvelles formes de la maçonnerie. —.vaut de parler des condamnations pontificales portées contre la maçonnerie proprement dite, il nous ])arait indispensable de dire quelques mots au moins des courants

« éo-.s^(n’<Ha//.’ ; (e.’i, occultistes, kal>balistcs, tliéosopliiques, 

etc., qui semblent bien se rattacher à la conjuration antichrétienne, et qui, d’ores et dcjà, ])a. raissent plus dangereux que le Grand- Orient lui-même ; car tandis que celui-ci exerce surtout une