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JESUS CHRIST

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reconnaît M. LoisY, il donne suffisamment à entendre f qu’elles se sont produites en des endroits différents et à des intervalles plus ou moins inégaux et éloignés’. » Parmi ces endroits, ajouterons-nous, il est tout à fait arbitraire de ne pas mettre d’abord Jérusalem. La première apparition mentionnée par Paul esl celle dont Pierre fut favorisé. Le seul des évangélistes qui en parle la place à Jérusalem. C’estajouter au teste que d’assimiler n fort probablement » cette vision avec celle qui est racontée dans le dernier chapitre de saint Jean’-. Là, Pierre est dans la compagnie d’autres disciples, en particulier des fils de Zébédée : Paul, dans son énumération, distingue au contraire Pierre tout seul, de Pierre considéré dans les groupes dont il faisait partie et où il tenait le premier rang : les Douze, les apôtres…

398. — Tous ces indices réunis nous autorisent à voir dans les souvenirs divers réunis par les récits évangéliques, des traditions complémentaires et non exclusives. Jésus apparut aux siens à Jérusalem et en Galilée. L’ordre et le temps exact des a[iparitions nous échappent en partie, et cela, de p, ir la nature des récits. On ne doit pas faire diflîculté de reconnaître, en effet, que l’analyse el la distinction des sources, dont abusent les critiques radicaux, n’est pas sans fondement dans les textes. Si nous ne possédions qu’une des deux séries de documents, nous n’hésiterions guère à localiser les apparitions soit en Galilée, soit à Jérusalem, tout de même que si nous n’avions que les Synoptiques, ou l’évangile johannique, la perspective historique, la chronologie el le théâtre habituel de la vie publique de Jésus seraient singulièrement réduits et simplifiés. Il est cependant tel détail (nous l’avons remarqué en son temps) de l’enseignement ou de l’histoire du Seigneur, tels que les rapportent les Synoptiques, qui ne prend tout son sens que dans la perspective joliannique ; et, à son tour, le récit de Jean met en scène bien des personnages qui sont supposés connus par les Synoptiques, sans lesquels on ne saurait s’expliquer leur attitude. Ces considérations amènent les historiens de la vie du Christ à compléter une tradition par l’autre, encore que si diverses. A plus forte raison dans le cas des récits de la résurrection, où c’est moins le ton général, les caractéristiques el le but des narrations qui différent, que des indications ou suggestions de temps et de lieu. Tout en reconnaissant dans les textes l’écho de deux groupes de souvenirs, plutôt juxtaposés que fondus harmonieusement, nous refusons (comme les évangélistes eux-mêmes) d’o|>ter entre ces données traditionnelles. Le cas se présente très souvent en histoire de souvenirs solidement attestes, mais à i>remiére vue peu cohérents entre eux el dont il faut renoncer à fixer avec certitude la suite exacte et détaillée : prendre texte de là pour choisir une seule série cohérente de souvenirs, en rejetant les autres ou en renonçant à les utiliser, est une simplification commode, mais peu scientifique, un procédé justement décrié par tout historien consciencieux’.

1. l.e.1 Evangilei synnptiques, II, p. 7 :  ! 9.

2. Ihid., p. "’il.

?. Ce proccfié est trop commode, d.ins sa rigueur somm ; iire, pour n’iHie pas fort ein|>lo.vii. Mais si un peu de srionce tranclinnle y condoil, beauioup de srience et le dcvelop]>emenl du sens historique en ramènent. Un des exemples les plus fiappanls porte sir les prcmièieB impressions catholiqnes de saint Augustin.

Pnrlantdes dilTéiences manifestes de ton et de perspective qui ciislent entre le récit des Confessions sur la coiiviMsion d’Augustin et les premiers éciits (IfS Dialogue), heaiiconp plus proolies du fait, du saint, nombre de criliqnis ont voulu rejeter absolument, comme.(secondaire », incompatible avec les Dialogues ci en soinine inutilisable

399. — La nature des apparitions. — Ce que les critiques rationalistes laissent subsister des récits renferme toujours une ou plusieurs « apparitions » du Christ. De quelque façon qu’on les conçoive ou qu’on les explique, ces manifestations d’outre-tombe sont le postulat impérieux de la foi des apôtres en la résurrection. Il semble même que la tendance actuelle aille plutôt à élargir qu’à diminuer cette base de faits. Une vue plus intelligente des origines chrétiennes amène en effet nos contemporains à constater la place immense occupée dans la genèse de la religion chrétienne par la croyance et la doctrine du Christ ressuscité. La disproportion llagrante qui éclate entre les résultats d’une ])art et d’autre part la cause ou, pour mieux dire, le prétexte qu’on assignait à ce prodigieux mouvement des esprits, engage à ouvrir un peu plus grandes les avenues du « possible ». Ajoutez que les recherches récentes, et relativement précises, en matière de psychologie, fournissent un matériel d’analogies et de manifestations posthumes qui permettent, avec quelque virtuosité, défaire rentrer celles dont autrefois on ne voulait à aucun prix, dans un courant de faits classés et naturels. Enfin l’importance croissante, et justifiée, donnée au texte de saint Paul, ne permet pas de réduire à moins de cinq ou six le nombre des apparitions principales.

C’est dire que nous pouvons négliger l’hypothèse de l’hallucination « sous la forme ridicule que lui adonnée [et maintenue] Renan’».

400. — Les conjectures qu’on a substituées à celles de Renan forment un écheveau embrouillé, nuancé à la couleur des opinions philosophiques de chaque auteur. On peut distinguer les fils suivants, présents dans tous les systèmes ou à peu près :

I. Jésus n’a pu ressusciter, au sens propre du mot : il n’y a donc pas eu réanimation de son corps mortel. Sous quelque forme qu’elle se présente, cette notion doit être rejetée, et les traits où elle s’exprime taxés de légendaires ;

a. Les apparitions doivent donc être ramenées à un sentiment de présence avivé jusqu’à l’hallucination

historiquement, la belle narration des Confessions. Une étude plus calme et plus approfondie a montré la compatibilité fjénérale des deux tableaux, el permis d’utiliser le plus récent, tout en tenant compte de son caractère — comme on doit utiliser le quatrième évangile en même temps que les Synoptiques. Voir bi-dessus L. df Mo.n-DADON, Les pre’iiicres i’npressloiis catholiques de saint Augustin, dans les Eludes du 5 juin l’Jll, tome CXl.K, p 441 sqq. (Histoire de la controverse sur le point relevé ici, p kk.i, 414, note).

1. Kd. Le Roy, Do^me et Critique, Paris, 1907, p. 21’J. J ajoute : et maintenue. Car ce n’est pas seulement dans ses prem ers ouvrages : l’ic de Jésus, 18('>31s, p..’i’i’.l-450 ; Les Ap’lres, S6ti, p. !  ! sqq., que Renan attribue aux saintes femmes et en particulier à Marie de Magdala, l’hallucination qui aurait « ressuscité » Jésus dans le cœur de ses disciples. CeUe page de mauvais roman n’a pas cessé de charmer son auteur : il ne s’est pas lassé de lui donner des répliques égalecnent fades. La dernière, à ma connaissance, se trouve dans V Histoire du peuple d’Isiæl., vol. V, IS’.tl, p. 418 : « Sur de vagues indices, les femmes de la suite de Jésus, en parliculier Marie de Magdala, s’imaginèrent que.lésus était ressuscité et parti pour la (ialilée ; ce fut là sûrement le miracle suprême de l’amour. Il fut plus fort que la mort, il rendit la vie à l’objet aimé. Une ombre pvle comme un mythe, un être vulgaire n eut pas opéré cemir.icle. l’aire porter lout le fardeau d’nmourdes origines chrétiennes sur un pédoncule tr.ip faible pour le soutenir serait contraii-e h la statiipie de l’iiislnire, Jésus a été cbarmaut ; seulement son charme n’a été connu que d’une douzaine de personnes. Celles-ci ralTolèrent de lui à ce point que leur amour a été contagieux et s’ejl imposé au monde. Le monde u adoré celui qu’elles ont tant aimé. »