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JÉSUS CHRIST

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visuelle, jusqu’à une perceiilion sensible sans objet perceptible réel — encore que la cause spirituelle de cette perception ail pu être réelle’ ;

3. Ces apparitions se sont produites à plusieurs reprises, probablement en Galilée, dans des circonstances qu’il est actuellement impossible de préciser, à une date étçalenient incertaine, sutlisamment tardive pour rendre vraisemblable le travail subconscient,

« la réaction… profonde, mais progressive, qui

permit à la foi des apôtres en Jésus Messie de se ressaisir dans le milieu où elle était née’-' », et finalement de se projeter en visions ;

4. La nature de ces visions nous échappe : pour en donner quelque idée, on prend comme point de comparaison l’apparition du Christ à saint Paul sur le chemin de Damas — apparition dont on « spirilualise X l’objet, en pressant quelques-uns des termes employés à ce propos par l’apôtre. Puis on rappelle certains faits analogues, les visions de saint Thomas lîecket et de Savonarole, qui auraient apparu à tel de leurs disciples après leur mort, les « voix » de Jeanned’Arc, etc. Enlin l’on s’oriente dans le sens d’apparition de fantômes jjroprementdits. Les recueils de faits de ce genre, établis par les soins de la Société psychique de Londres, et étudiés spécialement par F. W. H. Myers-’, sont mis à profit dans ce but.

401. — La première remarque, et capitale dans l’espèce, qui s’impose à la lecture de ces thèses, (je me suis efforcé de les résumer sans les fausser) c’est la distance qui les sépare des données de fait, telles que les documents nous les livrent. Nous avons moins là une interprétation de ces données qu’une reconstruction des événements tels qu’ils ont dû se passer..u cours de cette restitution, on essaie naturellement de reprendre contact, çà et là, avec les textes, mais on commence par s’en séparer sur le fond et, des détails même, on ne garde que ceux qui se prêtent aux cadres plus ou moins étroits qu’on s’est tracés a priori.

402. — C’est ainsi d’abord que tousles textes assignentaux apparitions une cause sensible, encore que sui generis et échappant aux conditions communes. Cette cause sensible, c’est le corps du Seigneur, non tel qu’il était avant sa mort, mais constitué dans un état nouveau, glorieux, mystérieux tant qu’on voudra — tel pourtant que la présence de Jésus reste perceptible, tangible, corporelle. On aura beau ralliner sur le possible, développer à ce propos, avec M. Ed. Lr Roy par exemple, une théorie nouvelle de la matière, de l’incorporation et de la glorilication ^

1. Celle réserve permet à quelques aiitears de m : iiriteïiir une certaine réalité aux apparitio’13 sons admetire pour autnnt la réjuireciio.i. Ainsi M. K. Lake, The hislorical efidtnce of tlic Résurrection, p. 270 sqq. ; Ed. Le Roy, Domine et Critique, p. 218 sqq. Cette préoccupation mène à forger des expressions telles que : (( apparences subjeclivu-objectives », « hallucinations vraies i> ; Le Roy, ibid., p.’224|, etc.

2. AU. LoiSY, Les Evangiles synoptiques, II, p. "43.

3. La Society for Psychical Research a été f, , ndêo en 1881 par ! ’. W, H. Myers et E. Gurney. En cttlUiboi-ation avec K. Podmore il » ptihliérent les l’hanlasms nf the Lii’ins ; (adaptation fi-ançaise par Li-on.Marillier, 1891). Apres la mort de Myers, on é*iit.i son énorme ouvrage Hunian Personality (adaplaiion française très abrégée par le D’Jiinkélévitch, UtOJ). Les faits intéressant la question présente se trouvent dans le vol. II de Human Personaîity : Surviva’of Human Personaîity after death.

(. Cette théorie, qui est fonction d’une conception générale idéaliste, exposée ailleurs par l’auteur, est appliquée à la résurrection, en particulier à la notion de u corps glorieux », par M. Le Roy, dans Dogme et Critique, p. 23ri sqq. N<>us n’avons pas à la discuter ici, sinon en tant qu’elle ne rend pas compte des données de fait. Sur le

on doit reconnaître qu’aucun témoin n’a parlé dans l’hypothèse d’une jjrésence « mystique », incorporelle, ni dans celle — qui s’est posée pour eux et qu’ils ont délibérément rejelée — d’une apparition en songe ou de la vision d’un fantôme. U est d’ailleurs certain que saint Paul a toujours distingué la vision qu’il eut sur le chemin de Uamas (la seule qu’il assimile à celle des autres témoins de la résurrection ) des simples visions extatiques, d’ordre privé, dont il jiarle ailleurs. Celles-ci lui laissent un doute sur le mode, même la ])rincipale (U Cor, xii, 1-2) :

« S’il faut se gloritier (ce qui ne convient guère) j’en

viendrai aux visions et révélations du Seigneur. Je connais un homme… élevé, il y a quatorze ans — corporellenient ? je ne sais ; incorporellemeiil ? je ne sais, Dieu le sait ! — jusqu’au troisième ciel, etc. » Dans cet état, qu’il ne peut i)réciser (il y insiste, iliid., XII, 3), Paul entend « des paroles ineffables, qu’il ne sied pas de dire ». La vision de Damas au contraire ne laisse aucun doute à l’apôtre sur la façon dont il a vu le Seigneur ; elle le constitue apôtre au même titre que ceux qui ont vu Jésus au lendemain de la résurrection : Pierre, Jacques, les cinq cents frères… La doctrine de la résurrection des corps, exposée au chapitre xv de la première Epitre aux Corinlhiens, identilie le corps glorilié, spiritualisé, transmué, avec le corps charnel, mortel et corruptible’. Tous les étais scripturaires de la théorie des visions non sensibles s’écroulent donc : elle n’a pas d’ap[iui dans les textes pauliniens ; elle contredit manifestement les autres.

403. — Quanta l’hypothèse fondamentale, bien qu’elle soit faite à dessein d’expliquer les fails, on ne peut qu’en souligner l’invraisemblance, soit qu’il s’agisse de ceux auxquels on prête la vision sans objet sensible, soit qu’il s’agisse de l’hallucination elle-même et de ses résultats. La jiréparation psychologique qu’on suppose à l’origine des visions : regrets profonds du Maître adoré, se tournant peu à peu en conviction qu’il n’a pu mourir, qu’il n’est pas mort tout entier ( « les héros ne meurent pas 1 ») ; sourd travail subconscient des paroles autrefois entendues ; réminiscence et application des figures et prophéties du Vieux Testament ; besoin de se reprendre, par-dessus la catastrophe du Calvaire, aux espérances d’autrefois, et le reste : autant de conjectures sorties tout armées du cerveau des critiques rationalistes.

404. — Tout nous montre au contraire, dans le groupe apostolique dispersé, découragé, décapité,

cor/tment de la réanimation du corps et de sa transformation en corps glorieux, qu’il s’agisse du coips ressuscité du Christ, ou des nùtres, on peut consulter le cardinal Billot dans son traité de Nofissimis-, Rome, 1903.

1. Sur cette question secondaire, que je ne puis ici qu’effleurer, on lira l’étude considérable de M. E. Mange-NOT, La Résurrection de Jésus, i" partie, cli. Il et iii, surtout pp. 123-17fi. L’eiigèse de I Cor., xv, est un peu morcelée dans la Théoto/ ; ie de saint Paul de Kerd. Pbat. Le passage le ]>lus imporlanl. vol. I, p. lS.i-19’i. M. LoisT recoanait que « les apvtres et saint Paul n’entendent pas raconter des impre-sions suljjcctives ; ils parlent d une présence du Christ objective, extérieure, sensible, non dune présence idéale, bien moins encore d une présence imaginaire. Quoique le corps de Jésus ait été en quelque sorte spiritualisé par la résurrection, les disciples ne se représentent pas le Sauveur comme un pur esprit, ni la résurrection coomie la ppruianence de son fline immortelle, .. Pour eux, le Sauveur éliiit vivant, par conséquent avec le corps qu il avait eu avant sa mort. Le » conditions d’existence de ce corps étaient différentes, mais c’était le même qui avait cle mis dans le tombeau, et que l’on croyait n’v être point demeuré i>. Les Evangiles synoptiques, 11. p. 74 : f. T’i’i. Cest l’éTide.icc même pour reix qUî il’avcugle l>os Vapriarisme.