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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/778

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JOB

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(i-iii, 2) et l’épilogue (xlii, 9-16) renferment les pensées Je rauteur sacré lui-même ; de même les passages où il introduit les interlocuteurs sur la scène, par exemple xxxii, i-5, etc. Quant aux discours de Uieu, ils sont au nombre de trois, xxxviii-xxxix, xl-XLT, XLII, 7, 8. Nul doute que tous ces passages ne jouissent d’une autorité divine. — 2) Les discours de Job présentent pour la plupart, sinon tous, une doctrine qu’on peut regarder comme divine. Jéhovah a approuvé dans leur ensemble les doctrines de Job, puisque, s’adressant à Eliphaz, il lui reproche ainsi qu’à ses amis de n’avoir point dit la férité comme Job son serviteur (xlii, 5). Les idées du saint patriarche sur Dieu, sur ses attributs, sa puissance, ses œuvres, etc., sont souvent citées par les Pères, au même titre que d’autres doctrines des Ecritures, et d’ailleurs, à les considérer en elles-mêmes, elles sont conformes à l’exacte vérité. Job ne dit pas tout, sans doute, et sa tliéologie demeure incomplète sur plus d’un point, par exemple sur la cause des maux que souffre le juste ici-bas. Mais n’oublions pas que le saint patriarche a devant lui des adversaires dont il veut réfuter les assertions erronées : il se place donc presque exclusivement à un point de vue spécial dans la discussion ; de là vient qu’il omet souvent d’examiner la question sous toutes ses faces, ou qu’il tombe parfois dans des exagérations et excès de langage. Lui-même avoue son ignorance et ses torts (Job, xxxix, 33-35 ; xlii, 3). Mais ces exagérations, qui portent beaucoup moins d’ordinaire sur le fond que sur la forme, ne faussent pas essentiellement les doctrines dont il se déclare le défenseur. — 3) Les assertions des trois amis de Joh, Eliphaz, Sopliar et Baldad, ne jouissent pus toutes d une autorité divine. En effet, Jéhovah reproche à ces personnages de s’être trompés (Joh, xlii, 7, 8) et, de vrai, ils s’étaient trompés, notamment sur deux points : d’abord en soutenant que le patriarche était coupable, ensuite que Dieu n’envoie l’épreuve aux hommes que pour les punir. Par conséquent, les discours où sont développées ces fausses théories ne jouissent pas d’une autorité divine. Mais il est quand même des assertions par eux proférées, dont l’autorité divine est manifeste : telle la phrase v, 13, citée par S. Paul, I Cor., iii, 19-20, au même titre ([u’un texte des Psaumes. Du reste Eliphaz, Baldad, Sophar, traitent certains points de doctrine en des termes que Dieu ne désavouerait pas. Le premier décrit magniliquement la providence et la justice de Jéhovah (v, 6-18), sa pureté infinie (xv, i^16 ; il fait un tableau saisissant des remords du pécheur (xv, i-^-ai]. Le second dépeint sous les plus vives couleurs la fragilité de la vie humaine (ix, 2027). Le Iroisième proclame éloquemment l’omniscience et la puissance de Jéhovah (xi, 7-11). la caducité de la fortune des impies (xx, 4-1 ;). Il est donc permisde regarder ces passages comme divins. — l)) Les discours d’Eliu jouissent d’une autorité divine, car ni Jéhovah, ni Job, ni l’auteur sacré ne blâment ses assertions. Elles sont d’ailleurs d’une irréprochable exactitude.sauf peut-être quand il paraît supposer trop exclusivement que les maux dont Job se plaint lui ont été envoyés du ciel pour le purilier des égarements occultes de son coeur (./o//., xxxiit, xxxvi).

En général, le meilleur critérium pour discerner la vérité objective, et donc l’autorité divine des paroles prononcées parles amis de Job, c’est d’examiner si ces paroles ne sont désapprouvées ni par Dieu, ni par l’auteur inspiré, ni par aucun des autres interlocuteurs.

Que faut-il penser — au point de vue de l’inspiration — du langage imité du paganisme et des réminiscences de la mythologie antique que renferme le

livre de Joh ? On y parle d’Orion, des Hyades, du Dragon, des Pléiades (cf. ix, 9 ; xxvi, 13 coll.Aeneid., lib. I, 539), de la Grande Ourse et de ses petits cf. xxxvii.i 31-33 coll. Georg., lib. I, 138) ; on y trouve des allusions auCocyte, au noir ïartareetaux Titans (cf. XXI, 33 coll. Georg., lib. I^’, 4/9 ; xxxvi, 5-6, coll. Aeneid., lib. VI, 577-081), même à la musique des astres dont parle Cicéron dans un ouvrage célèbre (xxxviii, 7, 37). — Remarquons d’abord que la présence dans le li^Te de Job de noms empruntés à la mythologie païenne ne porte pas plus atteinte à son caractère inspiré que notre religion n’est par nous blessée quand nous appelons certaines planètes. Mercure, Mars, Vénus, etc. Ensuite, est-on bien sur que ces emprunts à la mythologie antique soient véritablement de l’auteur ? Ne sont-ils pas plutôt le fait du traducteur ? (Sur les rapports et difl’érences des versions de yoi avecl’hébreu massorétique.voirBiCKELL, Deindoleacralioneversionisalexandruiæininterpretando libro Johi. En réalité, les LXX et la Vulgale substituèrent des noms païens aux mots hébreux, lesquels, à parler rigoureusement, ne désignent que les étoiles et les constellations d’étoiles les plus brillantes du tirmament, peut-être les mêmes que Virgile appelait « Orion », les « Hyades », les a Pléiades a (cf. Hieronym., in h. l. : Gesenius, Thésaurus, pp. 890-896, 701, 665 ; Ghiringhello, De lih. poetic. Antiqui. Fæd., pp. 178-180 ; Knabenbauer, Comm.’m Job., pp. 130-131. C’est le cas de répéter avec s. Jérôme : o Magis sensus a sensu quam ex verbo verbum translatus est » (Præf. in Judith) Quant au Cocyte et au Tartare, sombre demeure des Titans, l’original hébreu n’en parle pas ; en place, il mentionne le Scheol et VAbaddôn, séjour d’attente pour les âmes justes jusqu’à la venue et l’ascension de J.-C. De la musique désastres, le texte original xxxviii, 7, 37) ne parle pas davantage. Lire au surplus les commentateurs.

IV. Historicité de Job ; son scepticisme. — « Dès l’époque de l’exil, on connaissait en Israël le nom de Job, comme celui d’un juste des anciens âges » (Lucien Gautier, fntrod. à l’Ane. Test.’-, t. II, p. 97). Il a réellement existé. Nous en avons pour garants le prophète Ezcchiel qui met Job sur le même pied que Noë et Daniel (Ezech., xiv, 14, 20) et l’apotre s. Jacques (v, 1 1) qui rappelle sa patience et le donne comme modèle à tous les chrétiens, « Cette persuasion, ajoute M. Le Hin (Le livre de Job, p. 229), fut celle de toute l’anliiiuilé juive et chrétienne, si l’on excepte quelques talmudistes. »

Mais que penser du scepticisme de Job ? Ses discours sont scandalisants : il parle comme un désespéré, maudissant le jour de sa naissance et appelant la mort de tous ses vœux (m, 3-io, 1 1-19) : son audace va jusqu’à l’impiété lorsqu’il accuse Dieu de le poursuivre injustement (ix, 16-23 ; x, 2, 3 ; xiii, 3, 22-20 ; xxiii, 3, 4, 7 ; etc.) ; son scepticisme devient manifeste dans iii, 16-19 ; ^’"1 9’'^’22-24 ; x, 18-22 ; XIV, 7-14 ; etc.). Même il semble qu’il y ait une op[iosition irréductible entre le Job du poème, insoumis, violent, et celui du prologue et de l’épilogue, patient et résigné. D’(uï plusieurs concluent que Job, personnage contradictoire, n’est qu’un être liclif créé par l’imagination de poètes différents, et qu’en tout cas son histoire répugne à la dignité d’un livre inspiré.

Que Job ait commis, dans la forme surtout, des excès de langage, nous l’avouons (cf. Ji>b, xxxix, 34-35 ; XLII, 6) ; sa vertu et sa patience ne pouvaient être celles d’un chrétien. On a exagéré pourtant.

Ses imprécations étaient des cris de douleur écluippant plutôt à la sensibilité qu’à la raison sous l’étreinte de la souffrance (vi, 26). Son désespoir ne fut jamais absolu, car au milieu de l’épreuve le