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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/880

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JUIFS ET CHRETIENS

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les chi’éliens esclaves. Le juif qui traduisit l’Image du monde s’exprime ainsi : « Ce livre est la clef de toute intelligence… Voyant cette apparition, je me suis écrié : « O Dieu, pourquoi le (ils de l’esclave possède-t-il les habitations de l’intelligetice, tandis que le lils de la maîtresse est assis solitaire et silencieux » ? Cf. Renan, l/istoire littéraire de la France, t. XXVII, p. 503.

Bibliographie. — Bernard Gui, Practica inquisitionis heretice pravitalis, édit. C. Douais, Paris, 1886, p. 35-36, 39-40, 49-50, 288-292, 299-300 ; Nicolas Eymeric, Direclonum inqiiisitorum, édit. F. PeBa, Rome, 1578, p. 66, 138, 158-159, 241-243, 293, cf. les annotations de Peiia, p. gS 94 ; Marquard de Susannis, De Judæis et aliis in/idelilnis, Venise, 1558 ; A. Ricciulli, Tractalus de jure personarum extra Ecclesiæ gremium e.iistenlium, 1. II, Rome, 162Q, p. 129-132 ; J. Sessa, Tractatus de Judæis, eoruin privUegiis, ohseryantia et recti) inlellectu, Turin, i-]-) ; tous les commentateurs des Décrétâtes, , VI ; F. Revira Bonet, Armatara de’forti ovvero memorie spettanti agli infedeli Ebrei cite siano Turchi, Rome, i^gi ; U.Robert, Les signes d’infamie au moyen âge, Juifs, Sarrasins, hérétiques, lépreux, cagots et filles publiques, dans les Mémoires de la société nationale des antiquaires de France, 5" série, Paris, 1889, t. IX, p. 57-172 ; J. Guttmann, Das Verliæltniss des Thomas i’on Aquino zum Judenthum und zur jûdischen Litteratur, Goellingue, 1891 ; C. Auzias-Turenne, Les Juifs et le droit ecclésiastique, dans la lievue catholique des institutions et du droit, 2= série, Paris, 1898, t. XI, p. 289-319 ; H. Gayraud, L’antisémitisme de saint Thomas d’Aquin, 3* édit., Paris, 1896 ; S. Reinach. L’inquisition et les Juifs, dans la Ilevue des études juives. Paris, 1900, t. XLI, Actes et conférences, p. xi-ix-Lxiv ; S. Deploig’e, Saint Thomas et la question juive, 2’édit., Paris, 1902.

IV. — L’Eglise et les Juifs

La polémique antijuive

§ I. Les controverses orales. § II. Les écrits. § III. /.’apologétique chrétienne. Si IV. Les conversions. § V. Les attaques contre le judaïsme et le ton de la polémique.

§ I. Les controverses orales

70. Jusqu’en 1100. — Plutôt rares, les discussions enire Juifs et elirétiens ne furent pas inouïes. Nombre d’ouvrages de polémique antijuive se présentent sous la forme d’un débat entre deux interlocuteurs, dont l’un est chrétien et l’autre juif. C’est là, le plus souvent, pur arlilîce littéraire. Il n’est pas sûr, par exemple, quesaint Justin ail engagé avec un juif une controverse dont les principales idées sont reproduites dans le Dialogue avec Tryphon. Parfois, au moins au moyen âge, une discussion véritable fui racontée par l’un des antagonistes ou par tous les deux. Cf O. ZoEcKLEu, Der Ilialog im Dienste der Apologetili, Gtiler^lob, 1893. En tout cas, l’existence de controverses orales est attestée de bonne heure. C’est à la suite d’une discussion entre un chrétien et un i)rosélyte juif que Thrtullien écrivit son Adversus Judæos. Origènh apprit l’hébreu pour pouvoir disputer avec les Juifs et recommande l’étude des livres bibliques afin de pouvoir leur répondre ; il dit avoir eu des controverses avec eux, C. Cels., I, XLV, XLix, Lv, LVi ; II, XXXII. Saint Epiimiank eut une discussion avec le rabbin Isaac de Salamine. Saint

Isidore de Péluse, Epist., I, xviii, cxli, cm ; II, xcix ; m, XIX, xciv ; IV, XVII, documenta divers chrétiens qui avaient subi l’assaut des Juifs. Grégoire de Tours, H. F., VI, v, résume une discussion qu’il soutint, de concert avec le roi Cliilpéric, contre le juif Priscus. a Pavie, Alcuin assista par hasard à un débat entre le juif Jui.ius et maître Pierre de Pise. Saint XiL le jeune eut des entretiens tbéologiques avec le médecin juif SAuiiATAÏ Domnolo. Et saint Pierre Damien raconte que, de son tenqis, les discussions entre Juifs et chrétiens étaient fréquentes.

71. Après IIÛO. — Elles le sont davantage en avançant dans le moyen âge. L’esprit d’iNNOCENT III, impétueux et combatif, anime les catholiques. Les Dominicains elles Frères mineurs donnent à la polémique anti-juive un tour pressant. Des Juifs baptisés entrent dans les ordres. Grâce à eux, le clergé et les moines s’initient à la littérature rabbinique. Les Dominicains surtout étudient l’hébreu, l’arabe, la Bible et le Talmud, afin de se munir d’armes efficaces. Des polémistes instruits, parfois Juifs de naissance, sortent de leurs rangs. La création de six écoles de langues orientales en Europe, décrétée par le concile de Vienne (131 i), facilite la lâche.

Les plus importantes controverses de vive voix entre chrétiens et Juifs furent celles de Paris (1240), à la cour de saint Louis, entre le juif baptisé Nicolas DoNiN et R. Yehiel de Paris ; de Barcelone (1263), en présence du roi Jayme, entre le dominicain Paul Christiani, juif baptisé, et Moïse ben Naiiman ; de Tortose (1413-1414). devant Benoit XIII (Pierre de Luna), entre le médecin, juif converti, JÉ-HÔ. MK de Sai.ntr-Foi et vingt-deux rabbins. D’autres controverses, moins solennelles, avaient lieu devant des auditoires plus restreints, tantôt d’un commun accord entre chrétiens el Juifs, tantôt provoquées par les Juifs, par leurs attaques et leurs moqueries, tantôt imposées par les chrétiens, spécialement en Espagne, où les Juifs baptisés, voulant à toute force convertir leurs anciens coreligionnaires, se prévalaient d’ordres royau.xqui obligeaient les Juifs à venir <liscuter avec eux.

La controverse publique n’était pas sans périls pour la cause chrétienne. Celle-ci courait risque d’être mal défendue. L’agresseur pouvait être habile. Certaines malicres ne sont guère susceptibles d’une discussion publi<|ue profitable. L’objection est aisée à saisir, elle reste ; la ré[)onse, même excellente, est au-dessus du gros des auditeurs, et s’oublie vile. On sait le mot de saint Louis « que nul, s’il n’est très bon clerc, nedoil disputer avec ces gens-là ; le laïque, quand il entend médire de la loi chrétienne, ne la doit défendre que de répce.doiil il doit donner dans le venlre, tant comme elle y peut entrer ». Le roi, comme l’observe M. Sepet, Saint Louis, 2"= édit., Paris, 1898, p. 75-7(1, distingue entre les clercs elles laïques et s’exprime, « dans ses entretiens familiers, avec une véhémence huiuoristique dont il serait, ce nous semble, un jieu lourdaud de prendre les pieuses saillies huit au pied de la lettre ». Mais les polémistes, de leur côté, signalèrent les dangers et l’inanité de ces discussions publiques. Cf. Pierre de Blois, Cnnira)>erfidiam Judæorum, i. Saint Thomas d’A(iuin, II’II", q. iii, 7, traça les règles à suivre. Ghkgoire I. (bulle Su/ficere dehuerat, 5 mars 1233) manda aux évoques d’Allemagne de ne pas permeltre ces controverses orales en publie. Elles n’eurent lieu de plus en plus qu’exceptionnellement.

Les controverses privées, au contraire, ont été de tous les temps, soit qu’elles se soient déroulées entre un petit nombre de disculeurs, comme celles qui se produisirent chez Pic de la IMirandnlc, au ra[iport de Marsii.k Ficin, Epistolae, Nuremberg, 1^97, fol.