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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/894

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LAICISME


« La table n’était point dressée. La vieille mère

n’avait aucun veau gras à tuer, ni même l’énergie de préparer un peu de nourriture substantielle pour les airamés. U ne lui restait que la force de se mettre en colère. Elle lit le procès des fausses doctrines et des faux prophètes…). (P. Sauatif.r, 1. c.)

Réponses. — a) Les gouvernements précédents n’avaient-ils pas assez prêché et encouragé l’amour du bien-être, la jioursuite de la richesse, la chasse aux plaisirs ? La France risquait-elle beaucoup à devenir plus austère dans ses mœurs, plus endurante à la peine et à l’elîort ? N’est-ce jias justement durant ces quelques années où la France a fait pénitence et jirié davantage, qu’elle a étonné ses ennemis j>ar sa puissance de résurrection ? On pajait les milliards du traité de Francfort ; on pensait à la revanche ; en 1870, l’Allemagne, effrajée par la puissante vitalité de ce peuple, songeait à une nouvelle guerre.

b) Quant à ces aspirations profondes du peuple, auxquelles le clergé catholique n’aurait pas répondu, quelles sont-elles ? Serait-ce l’ambition de donner à la Franceun empire colonial en échange des provinces perdues ? Est-ce que le représentant du clergé catholique à la Chambre des députés, IVIgr FKEPrKL, ne fut pas à côté de Jules Ferry, au moment de l’expédition du Tonkin ? N’est-ce pas au moment même où ils étaient frappés par les décrets, que les Jésuites fondaient, d’accord avec le gouvernement, l’Université de ISeyroulh ? Où vit-on oubli plus complet des injures personnelles, pour n’écouter que le bien du pays ? Et les exemples abondent. Veut-on parler des aspirations sociales ? Certes, les futurs instaurateurs du laïcisme n’y songeaient guère à cette époque. Gambetla niait qu’il y eût une question sociale. Mais le clergé catholique, lui, s’en préoccupait. Qu’on relise la Vvcation sociale de M. de Mun. N’est-ce pas en 187 1 que se précisa chez les catholiques le désir de travailler aune refonte totale de la société ? Et quand M. de Mun entrejiril sa campagne, n’a-t-il j>as trouve sur sa route l’ajifiui du clergé, toujours disposé à le mettre en contact avec les populations ? N’est-ce pas le renouveau, que chantait la voi.x du grand orateur et qu’il faisait acclamera l’ombre des presbytères et dans les assemblées que présidait l’élite de l’épiscoi>al français ? El où avait-il pris sa doctrine ? Il nous le dit lui-même, et, avec lui. toute l’école de ceux qu’on devait appeler ]>lus tard les catholiques sociaux et qu’on traitait alors volontiers de socialistes : dans le Srllabiis, Pendant qu’à propos du centenaire de Voltaire, comme on devait le faire encore plus tard à propos de J. J. Rotisseau et de Diderot, les orateurs « laïques » réchaulTaient la viande creuse de la phraséologie révolutionnaire, continuaient à débrider les passions individualistes, en projiageant l’anticléricalisme le plus grossier, le chef de l’Eglise catholique proposait aux méditations des foules le Syllahus, cette « moelle des lions », qui n’a pas cessé de fournir un aliment aux penseurs préoccupés de restaurer un ordre social conforme aux requêtes les plus hautes de la nature et de la raison.

Ce qu’il faut dire — sans que nous puissions y insister ici — c’est que l’Eglise, représentée jiar ses pasteurs, n’a pas craint de se mettre en travers des engouements passagers, qu’clle était en déliancc contre les Hagorneries que les parlementaires adressent au suffrage universel, qu’elle n’était pas dupe du violent amour dont on faisait étalage pour la liberté, l’égalité, la fraternité, à la veille de jiratiqucr les premières exiiulsions. Puisqu’on l’accuse d’avoir prêché la pénitence, et d’avoir ainsi heurté le jieuplc, il faudrait raiijieler par le détail la campagne

des 363 : ce cpi’ils promettaient, eux — il en est qui se le rappellent fort bien — c’était, dans les petites villes et les campagnes, que les auberges et les cabarets cesseraient enfin d’être fermés pendant la messe et les vêpres. Ce fut en effet une des premières réformes de la politique du laïcisme, quand il arriva au pouvoir, une de ses premières conquêtes sur le cléricalisme. Avant de forcer la porte des églises et des couvents, il ouvrit toutes grandes les portes des cafés.

11. Le véritable obj ectif de la lutte anticléricale : l’uine de la constitution de l’Eglise. — A). Histuire sommaire. Jiéclaralions et a’eii.r. — Les griefs que nous venons de réfuter, et qui furent surtout en usage, quoique non exclusivement, au début de la campagne laïque, avaient l’air de ne viser que les usurpations et les défaillances du clergé. En réalité, ils cachaient une hostilité plus radicale. C’est l’institution ecclésiastique elle-même qui était menacée.

On lui aurait pardonné d’exister si elle avait renoncé à exercer une action sur les âmes. Mais l’esl )ril de prosélytisme surtout constituait, aux yeux des auteurs de cette campagne, un tort inexpiable. Voir à cet égard les déclarations de Ciiallemel-Lacour, ! i décembre 1874. el la déliniliondu clérical’sme qu’en déduisait Bulïel, combattant à la tribune du Sénat les projets Ferry, en 1880. — (Cité par le P. nu Lac, France, p. loi-iob, Paris, igoi.)

Si les hommes politiques de la iiF Réimblique n’avaient eu que le désir d’arrêter les empiétements du clergé, rien ne leur eût été jilus facile. A jiartirde 1878, ils ont eu le pouA oir entre leurs mains, et les armes ne leur manquaient pas pour réprimer les excès du zèle sacei dotal. Ils avaient toutes celles que leur fournissait l’instrument légal du Concordai. Us avaient la force, l’influence, et le prestige que donne la possession à peu jirês incontestée du ]iouvoir. Par une singulière coïncidence, qui, dcvanl l’histoire, pèsera sur eux comme une charge accablante, en arrivant aux alTaires, ils trouvèrent en face d’eux, à la tête de l’Eglise catholique, l’un des jiontifes les plus amis de la France qu’on ail vus passer sur le trône de Si Pierre, et l’un aussi despUis enclins à l’indidgence et aux tractationsconciliatriccs.

LiioN Xlll avait été élu pape au conclave de février 1878. C’est aux élections du mois d’octobie de la même année, que les protagonistes de la hille anticléricale trioniphèrent déCnilivement avec les vainqueurs du 16 mai, les 363. Tous les atouts étaient donc dans leurs mains. A plusieurs reprises, la Papauté fit des avances ; j>our le bien de la paix, elle demanda à ses plus fidèles soldats d’onéreux sacrifices. La persécution religieuse, bien loin d’en être ralentie, en fut souvent aggravée. Quelle qu’ait été la bonne foi de quelques-uns des ministres répiddicains, il y eut toujours à côté d’eux des collaborarâleurs i>lus passionnés, qui firent échouer les moindres tentatives de modération. Et c’est en général à ces derniers que l’ensemble du |>arli a donné son approbation. En 1880, à l’instigation de M. de Fbeycinf.t, d’accord avec le nonce, les Congrégations acceptèrent de signer une déclaration publiciue, où elles aflirmaient leur soumission sans réserve aux inslitutions du pays, leur reconnaissance des droits du ]iouvoir civil, leur ferme propos de n’entretenir aucune intelligence avec les partis hostiles. M. Fi.ou-RENS, qui, de 1880 à 1888, fut ministre des affaires étrangères ou chargé de la direction des cultes, a raconté comment les collègues de M. de Freycinet empêchèrent la réalisation de cette démarche pacificatrice. {Itevue catholique des Institutions et du Droit, avril 191 4.) M. de Freycinel dut donner sa