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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/895

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1777

LAICISME

1778

démission, et les Congrégations furent une iiremière i fois expulsées.

La politique tout entière du ralliement, l’une des grandes pensées du règne de Léon Xlll, a sombré lamentablement. Et ce ne fut la faute ni du l’ape, ni du clergé, ni des catlioliques de France. S’il y eut quelques réfractaires, la soumission aux directions romaines, chez un grand nombre, fut entière ; chez plusieurs, elle fut cordiale. Elle alla parfois bien au delà de ce qui était exigé, et même de ce qui était convenable. Mais vains étaient les elforls. D’après les conlidences faites à M. Flourens (art. cité plus haut), la politique du ralliement ne fut, dans la ]>ensée du ministre français qui l’ébaucha, qu’une tentative pour diviser les catholiques, exercer une pression plus active sur le St-Siège, et hâter la Séparation. En tous cas, la porte de la République laïque, à peine entre-bàilléc, fut bientôt fermée avec violence. Les Livres blancs, publiés depuis, sont là pour attester quelles étaient les exigences du gouvernement français et l’inlassable condescendance de LÉON XIII. En 1900, les assomptionnistes, à la demande de M. Waldeck-Rousseau, furent invités par Rome à cesser leur collaboration au journal I.a Croix, qu’ils avaient créé, et dont ils avaient fait le puissant organe des revendications catholiques. Ils n’en furent pas moins poursuivis, traqués, condamnés. Après la loi de igoi sur les Associations, LÉON XIII aurait pu donner aux Congrégations religieuses menacées un mot d’ordre qui eût mobilisé toutes les résistances. Il préféra, sinon faire crédit à la bonne foi des auteurs de la loi. du moins ne point |)araitre en douter ; et il laissa les Congrégations libres de se soumettre ou de se soustraire aux aléas de la demande d’autorisation. On sait comment le Parlement français répondit à cette mansuétude, sous le ministère (-onibes. Pas une demande d’avitorisalion n’a été agréée ; la plupart ont été rejetées brutalement ; quatre ou cinq demeurent en suspens. EnCn, en igo4, la loi du 7 juillet a retiré le droit d’enseigner à toutes les Congrégations, même autorisées, que le législateur avait cependant promis solennellement d’épargner. Et, deux ans à peine auparavant, c’est un statut légal que Waldeck-Rousseau avait fait espérer aux Congrégations. Mais déjà, en 1880, n’est-ce pas avec d’aussi lénifiantes paroles que M. de Freycinet adjurait le Sénat de voter l’article ^ ? «.Mi ! Messieurs, disait-il, si je croyais que cet article portât atteinte à la religion, je ne serais pas ici pour le défendre ! "(Lecanuet, p. 43,)

En vérité, tous ceux qui ont eu des illusions n’ont pas manqué d’occasions pour s’éclairer sur la véritable signification de la lutte anticléricale sous la III* République. Les promoteurs de cette campagne ne se proposaient pas de faire rentrer dans l’ordre quelques moines combatifs ou des évêques récalcitrants. Ce ne fut jamais là qu’un prétexte.

Le cléricalisme, dénoncé par Gambetta comme l’ennemi ampiel il faut faire la guerre désormais, c’est Tin parti, c’est une doctrine, c’est l’Eglise, dont le clergé est le rempart, ("est « le phylloxéra, dira Paul BitnT à.uxerre, qu’il faut exterminer par l’article 7. comme on détruit l’autre par le sulfure de carbone ». Entre l’Eglise et la République. il n’y a pas de transaction possible, « Il faut que l’un des deux succombe, écrit /e Siècle : voilà la réalité des choses et la logique de la situation. » Pourquoi ? parce que, dira plus tard M, Doijiukrcur, « nousavons afTaireà un gouvernement, celui de l’Eglise, dressé eonire le nôtre, opposant sa doctrine, son but, son droit propre aux nôtres, c’est le droit de l’Eglise contre le droit de l’Etal laïque ». (Séance du 18 janvier 1910.) Dès les premières escarmouches, tous les esprits

attentifs ont pu mesurer la gravité de la lutte qui s’engageait sous le nom d’anticléricalisme ou de laïcisine entre l’Eglise et la m" Répulilique. C’est une véritable déclaration de guerre », écrivaient à propos des projets de loi Jules Ferry, en 1880, les évêques de la [irovince de’Jours, « Il y a, écrivait M. Vaoiieuot, lia n s la campagne qui se poursuit, avec nue persévérance déscsiiérante, plus que des représailles, plus que des jiassions, i)lus que des haines. Il y a un parti pris, un dessein conçu, un plan arrêté, il y a l’œuvre d’une secte, encore plus que d’un parti. Ce n’est plus une alTaire politique, c’est une alîaire de doctrine, on serait ju’esque tenté de dire une affaire de dogme et de religion, où se montre quelque chose de l’ardeur et de l’àpreté des luttes religieuses… ("est une lutte entre deux i)rincipes, deux esprits, deux tendances, dont il est impossible de mesurer l’intensité et la durée. » (Iteiiie des Tiens : Mondes,

! « novembre 1879,)

Mais quel est cet esprit, qui constitue, d’après les laïcisatenrs, l’essence de la société moderne, et qu’ils se donnent la mission de proléger, an besoin, par la force et par la persécution ? Avant de l’étudier en lui-même, il sutlit de rappeler quels en sont les promoteurs principaux pour comprendre que le but visé, c’est la ruine de la constitution de l’Eglise, de l’organisme catholique tout entier.

B). Les Promoteurs de l’Anticléricalisme.

a) Les héritiers de la Itéiolution française. — Il n’est rien dont les promoteurs de la liiUe anticléricale se réclament avec plus de fréquence et de vigueur que de l’héritage île la Révolution. « Nous vous convions, dit J. Ferry, à soutenir avec nous le combat de tous ceux qui procèdent de la Révolution française, de tous ceux qui ont recueilli son héritage. » (Disc, des 5 et G mars i 880.) Ces principes fournissent un viatique oratoire commode pour les réunions publiques, les l>anqnels, et pour la tribune parlementaire, aux politiciens qui n’ont jias d’autre doctrine qu’un anticléricalisme violent et abject, comme Gambetta, Conslans, Goblet, Combes. Les pliiloso])hies anliehréliennes du xyiii et du xix’siècles, issues de la même atmosphère que ces principes, leur fournissent facilement un appoint ; elles permettent d’arguer des droits de la raison, de la nature, du progrès, de la science, aux esprits moins simplistes et soucieux d’une attitude intellectuelle plus soignée, à des voltairiens comme Clemenceau, à des savants comme Berthelol, à des politiciens cultivés comme Paul Bert, Jules Ferry, Viviani, dont le laïcisme farouche cherche des points d’appui dans les hypothèses philosophiques du positivisme et de l’évolutionnisme. Des professeurs lettrés comme Burdeau n’ont pas de peine à faire fusionner la Déclaration des droits avec l’autonomie de la personne humaine, préconisée dans les sj’stènies de Kanl. Aux juristes férus de la suprématie du pouvoir civil, comme Waldeck-Rousseau, la Révolution fournit un code, où il n’y a qu’à puisera pleines mains pour renforcer les armes un peu fourbues des parlementaires et des légistes de l’ancien régime.

Avec son cortège de drames grandioses et effroyables, qui datent d’un siècle, elle acquiert de plus auprès des foules une valeur de mythe, de légende sacrée. C’est un thème incomparable sur les livres des libres penseurs sectaires, qui, n’ayant point de dogmes à prêcher, imposent le culte de la Révolution, et, tenus par leurs principes mêmes au respect des convictions d’aulrui. peuvent se réclamer des grands ancêtres pour autoriser les pires violences à l’égard de la liberté de ceux qui ne pensent pas comme eux.

L’anticléricalisme cependant, même étayé sur les