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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/896

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1779

LAICISME

1780

principes de la Révolution, n’aurait pas fait fortune en France bien long-temps : il ne serait en tout cas qu’une persécution, et n’aurait pas sa place dans ce Dictionnaire, s’il n’avait trouvé deux équipes de pionniers qui lui ont permis de faire figure de système rédéclii, en lui fournissant une doctrine à croire et un programme à réaliser : les francs-maçons, et la petite mais indomptalile cohorte des protestants libéraux. C’est sous leur iniluencc que la lutte anticléricale, qui eût lini par lasser l’esprit tolérant et léger des Français, s’est graduellement transformée en action laïque, en défense laïque, en politique laïque, et que le gouvernement républicain est devenu en quelque sorte l’Eglise ofTioielle du laïcisme, avec la mission de n’y jamais renoncer etd’en être l’apôtre, le porteétendard, à la face de l’univers.

/’) Les francs-maçons. — Le rôle de la francmaçonnerie sous la III" République est indéniable. Ce qu’il faut remarquer, c’est que beaucoup de catholiques ont longtemps refusé d’y croire. Impuissants à expliquer la guerre d’extermination faite à leurs coreligionnaires, ils se sont évertués à leur trouver des fautes ou des erreurs de lactique. Pas n’est besoin. La haine des francs-maçons y suffît. Il y a longtemps qu’elle avait élé dénoncée par les papes Ghégoirr XVI, Pie IX, LÉox XIU. Les historiens les plus indilfcrents sont obligés de lui assigner sa place dans la lialaille. « On ne peut nier son action, écrit M. Hanotaux, sur la Révolution française et sm- les crises politiques qui se sont succédé en France dans le cours du xix’siècle. Dès l’époque de la Restauration, dans le travail des sociétés secrètes, c’était bien la République — le mot est de SpuUer — que les loges cherchaient à fonder. » (f/isl.de la III Ilép., III, p. 503.) A propos des premiers projets de loi sur l’enseignement laïque, le même historien ajoute : Deux institutions acties et puissantes, la Francmaçonnerie et la Ligue de l’Enseignement, avaient préparé l’esprit aux solutions les plus énergiques et les plus fortes. » IV, p. 454-)

Or l’objectif principal de la franc-maçonnerie française, c’est la destruction du catholicisme. Ses membres les plus en vue n’en ont point fait mystère.

« La rupture avec Rome est faite, disait le F.-. Bonnet

au couvent de septembre 1904. La séparation la consommera. .. Un coup mortel sera porté… La destruction de l’Eglise ouvrira une nouvelle ère de justice et de bonté. »

Aussi n’avons-nous guère à en parler ici. La francmaçonnerie a été surtout une secte acharnée à détruire. Son rôle relève plutôt de l’historien. On n’a pas à discuter avec elle. Installée au pouvoir pendant de longues années, elle a dà cependant s’expliquer devant l’opinion. Elle ne pouvait se contenter perpétuellement de crier aux empiétements du sacerdoce. Elle a dû trouver une doctrine.

Cette doctrine, elle l’avait dans les principes de 8g : c’était la doctrine du Contrat social de J.-J. Rovsskau. Mais il fallait l’en extraire, en rajeunir les formules, les adapter aux courants et aux besoins modernes. Il faiblit surtout la frapper d’une empreinte nouvelle, pour faire oublier les convoitises grossières qu’elle avait contribué à démuseler, et la présenter aux regards inavertis comme une idéal bienfaisant et plein d’avenir.

c) Les protestants. — Ce fut la tâche de la petite équipe des protcst.Tnls libéraux, pasteurs ou fils de pasteurs, qu’on rencontre rivés dès le déliut au gouvernement de la République anticléricale et laïque. On trouve leur première trace historique, nous raconte l’un d’entre eux, au cours de l’année 1869.

« Il y a vingt-neuf ans que nous nous sommes rencontrés

i>, disait 1I. Ferd. Buisson en 18y8 aux

obsèques de M. Jules Steeg. « C’était à Neufchatel, en Suisse. » Il y avait là M. Félix Pécaut, qui est venu a|)piiyerde sa grave parole un cITort tenlé pour dégager du christianisme traditionnel et ecclésiastique ce qu’on pouirait appeler le christianisme éternel, une sorte d’évangile fait de la moelle du vieil évangile, une religion laïque de l’idéal moral, sans dogmes, sans miracles, sans prêtres. » Il y avait Jules Steeg, « alors un jeune et oliscur pasteur protestant », connu déjà cependant « comme un libre penseur religieux ». Il ne s’était d’abord agi que d’organiser une « petite et hardie Eglise libérale », dans la Suisse française La France ne tarda pas à leur oll’rir un champ beaucoup plus vaste. M. Steeg y rentra bientôt. Installé à Livourne, il fonda un journal, prit parti contre l’Empire, se lança dans la politique militante. Il ralluma le brandon des discordes civiles et religieuses dans les endroits mêmes où, aux xvi et xvii’siècles, elles avaient été si vives. M. Ferd. Buisson ajoute, parlant de M. Steeg et de ses amis : « Le vieil esprit huguenot les avait faits républicains avant l’heure, en plein Empire. » (Fui laïque, p. 62-65.)

En retour, ils devaient travailler, pendant de longues années, à donner au gouvernement de la République, sous le nom d’esprit laïque, d’idéal laïque, ce qui subsistait d’essentiel, après trois siècles, de la doctrine du libre examen, pour laquelle s’étaient passionnés leurs pères.

M. Jules Stbbg, de 1881 à 1898 au parlement, puis dans l’Université, par ses manuels scolaires, et son lu’osélytisme incessant ; M. Félix PiicAUT, de 1880 à 1896 inspecteur à l’école de Fontenay-aux-Roses, en réalité véritable directeur de conscience de cette école, où se forment celles qui seront ensuite, dans les écoles normales, les édueatriees des futures édueatrices des jeunes tilles de France ; M. Ferdinand Buisson, de 1879 a 1896 directeur de l’Enseignement primaire au ministère de l’Instruction publique, puis professeur à la.Sorbonne, député, conférencier, tels sont les hommes qui ont façonné l’hérésie nommée par l’un d’entre eux « l’hérésie de la laïcité ». (Foi laïque, p. 277-282.) Les dogmes en étaient épars dans toutes les philosophies anticatholiques du xviiie et du XIX’" siècles ; ils les ont rassemblés pour les appliquer à la refonte d’une société et d’un gouvernement nouveaux. Ce que J.-J. Rousseau et des initiateurs de la « Déclaration des Droits » ont été pour la Révolution française, ils l’ont été pour la 111° République. Il faut leur adjoindre M. Paul Sabatiuh, qui, bien qu’écarté par qnelques-uns de ses travaux et la nature de son talent du champ de bataille, n’a jamais cessé d’y apparaître ]iour i)rècher aux catholiques la coni^iliation avec les dogmes île la société niodc^rne

— le plus souvent au prix de leurs croyances les plus chères.

Notons aussi que beaucoup de ministres ont été l)rotestants. Presque pas d’éi|uipc ministérielle qui n’en ait compté dans son sein. Le premier ministère de J. Grévy avait à sa tête un protestant et trois autres parmi ses membres, trois et demi, dit M. Haiicitaux, à cause de Mme Rardoux. C’est souvent le ministère de l’Instruction publique ou celui de l’Intérieur qui leur fut attribué.

Tels sont les principaux inspirateurs du laïcisme. Ils sont les vrais ti ! s de ceux ijui avaient décrété la Constitution civile du clergé eu 1791, des fauteursdu libre examen au xvi’siècle, des sectaires et des fanatiques qui, sous le couvert des sociétés secrètes, ont toujours eu pour but la destruction de l’I’glise..Vutour d’eux ont gravité beaucoup de politiciens, hommes de grande valeur intellectuelle parfois, que des vues plus terre à terre ont attachés au régime