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GALILEE

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1° Ce n’est pas à la science que l’Eglise s’attaque, mais à l’erreur qui menace la doctrine dont elle a la garde. A un moment donné, cette doctrine peut lui paraître menacée par des conclusions prétendues scientiliques et alors elle se doit d’intervenir. Si ces conclusions sont légitimes, elles triompheront d’ellesmêmes, fortes de leur vérité ; l’Eglise, dans ce cas, les accueillera volontiers, persuadée qu’elle est que le vrai ne saurait contredire le vrai.

2° Par sa fonction même, l’Eglise est essentiellement conservatrice ; corps enseignant, la prudence lui fait un devoir de contrôler activement toutes les nouveautés ; delà un danger, qui n’est pas chimérique, celui de faire, momentanément, opposition à des nouveautés qui sont en même temps des vérités.

3" Les erreurs, les excès, les abus de pouvoir, quand ils se produisent, ne sont pas le fait du magistère souverain en vertu duquel l’Eglise définit la doctrine en matière de foi et de mœurs ; ils sont le fait de ce que nous avons appelé son droit de police doctrinale. Ces obstacles, rares et temporaires, mis au progrès sur un point très particulier, sont comme la l’ançon de 1 unité et de la sécurité de doctrine que toutes les sociétés envient à l’Eglise catholique.

CONCLUSIONS

1° Galilée croyait-il réellement à la valeur du système d « Copernic ? — La question est délicate ; de plus, elle est importante car, de la réponse que l’on y fera, ilépend la réponse à cette accusation, souvent répétée, que Galilée fut violenté dans sa conscience et forcé d’abjurer une doctrine qu’iltenait pour certaine.

Ici, une remarque préalable s’impose : nous n’avons le droit de juger des sentiments intimes de Galilée que d’après ses actes et ses paroles, d’après les documents qui nous ont été transmis, et ces documents doivent être interprétés d’après les règles ordinaires et les lois comnmnes de la psychologie. Il est de la plus élémentaire honnêteté de ne pas prêtera Galilée d’autres sentiments et d’autres pensées que ceux qu’il a manifestés : s’il en eut d’autres et quels ils furent. Dieu seul le sait.

Ceci posé, il faut avouer que nous nous trouvons en présence de documents assez contradictoires.

D’une part, un fait paraît certain : si Galilée ne fut pas toujours irréprochable au point de vue des mœurs, il fut toujours un chrétien foncièrement convaincu. Ici, les témoignages abondent ; nous en citerons quelques-uns qui se rapportent directement à la condamnation de ses idées et qui sont adressés à des correspondants sans position officielle dans l’Eglise.

« Je m’arracherais l’œil, écrivait Galilée, le iG février

1614> plutôt que de résister à mes supérieurs, en soutenant contre eux, au préjudice de mon âme, ce qui me paraît certain aujourd’hui comme si je le touchais de la main’. »

Et, le 6 octobre 1632 : « Je veux me montrer ce que je suis, lils très obéissant et très zélé de la Sainte Eglise’. >.

Et, le 3 luai 1631 : « Si vous pouviez voir avec quelle soumission et quel respect je consens à traiter de songes, de chinières, d’équivoques, de paralogismcset de faussetés lovites les preuves et tous les arguments qui paraissent âmes supérieurs ecclésiastiques étaycr le système qu’ils désap|)rouvcnt, vous comprendriez, vous et le pulilic, combien vif est le sentiment que je professe de n’avoir, en cette matière,

I. Op. Gal., t. XII, p. 28.’1. Op. Gal., t. XIV, p..’102.

d’autre opinion et intention que celle qu’ont eue les Pères et les docteurs de la Sainte Eglise’. »

Devant ses jugesde 1633, Galilée parlera de même :

« C’est parce que je suis convaincu de la prudence

de mes supérieurs ecclésiastiques que je me suis rangé à leur avis. » Et il ne cessera de protester de sa soumission et de sa déférence.

D’accord avec ces sentiments, dont nous n’avons aucune raison de douter, Galilée affirme n’avoir jamais adhéré intérieurement, d’une façon expresse, au système de Copernic : « Avant le décret de 1616, a-t-il avoué, j’étais indécis ; je tenais les deux opinions de Ptolémée et de Copernic pour soutenables et je pensais que l’une aussi bien que l’autre pouvait être fondée en nature. Depuis le décret de 1616, toute indécision a cessé dans mon esprit, et je liens l’opinion de Plolémée pour vraie et indubitable. »

Et pourtant, ces assurances, il faut en convenir, étaient en contradiction avec l’attitude générale de Galilée. Dans ses con>ersations, dans ses lettres, dans ses ouvrages, il soutient le système de Copernic, pai-fois avec acharnement. Inutile, sur ce point, d’accumuler des citations ; un simple coup d’œil sur les œuvres du savant suffirait à convaincre les plus, incrédules.

Comment concilier tout cela ? Les membres du Saint-Office, en 1633, ne crurent pas possible de le faire, et ne pensèrent pas pouvoir accepter des affirmations et des protestations si catégoriquement démenties par les actes de l’accusé.

Si l’on ne veut pas admettre que, en présence de ses juges, Galilée a subi une défaillance de sa volonté, il faut croire qu’une conviction ferme et rationnelle manquait à son intelligence, et cette explication nous semble la plus naturelle et la phis exacte.

Livré à son propre génie et tout à l’enthousiasme de ses premières découvertes astronomiques, Galilée pensa d’abord que ses preuves du mouvement de la terre avaient uneréelle valeur. Le respect qu’il témoignait à l’autorité ecclésiastique changea le cours de ses idées ; ses opinions scientifiques n’étant pas absolument arrêtées, il les sacrifia à ce qu’on lui présentait comme une vérité certaine, persuadé qu’il mettait ainsi sa raison d’accord avec sa foi.

Puis, lorsqu’il se retrouva en présence de ses livres et de ses instruments, en compagnie de ses amis, fervents coperniciens pour la plupart, et dans le fende la lutte contre ses adversaires, de nouveau l’autre côté de la question s’éclaira pour lui d’une vive lumière. De rai)ides intuitions, des probabilités impressionnantes sollicitant de nouveau son génie, les idées d’obéissance passaient au second jilan, et Galilée se sentait redevenir, presque malgré lui, champion de Copernic.

Durant son second procès, remis en présence defs arguments d’autorité qui l’avaient, une première fois, arrêté, passant au crible serré de la réflexion des preuves scientifiques qui, dans le fond, n’étaient pas convaincantes, il se reprenait à douter de Copernic et de sa propre raison, et abandonnait l’opinion qui, un instant, l’avait séduit. Il est faux qu’rprcs son abjuration Galilée ait prononcé la fameuse exclamation :

« E pur si muovc ! », mais ce mot, s’il ne franchit

pas ses lèvres, put fort bien se formuler en son esprit.

De 1633 à sa mort, Galilée garda-t-il toujours une sérénité parfaite au souvenir de sa condamnation ? Nous avons des motifs de penser le contraire. Les suggestions de ses amis, les attaques de ses adversaires durent exciter en lui des retours offensifs. Des scnliuicuts de révolte semblent même avoir fait

1. 0 ; >. G.t/., I. XIV, p. 258.