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GALILEE

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explosion dans quelques notes qu’il jeta sur le papier, et montrent que, malfjré sa docilité, il n’avait pas perdu toute foi dans son pénie et dans ses découvertes. Mais rien ne nous permet de penser qu’il ait regretté son abjuration. La soumission intellectuelle à la manière de voir de l’Eglise était habituelle en lui, sous l’intluencede sa volonté. Rien d’étonnant qu’aux heures de doute et de souffrance sa volonté n’ait pas toujours gardé un parfait empire. En cela, du reste, Galilée est excusable, car l’adhésion intérieure qu’il devait n’était ni complète, ni absolue, et n’était basée que sur des motifs de prudence.

Galilée a donc pu être torturé dans son intelligence ; quiconque se trouve dans l’alternative de désobéir à l’Eglise ou de sacrifier de chères idées, connaît cette torture. Mais il semble faux d’affirmer que Galilée a été forcé d’abjurer une doctrine qu’il tenait comme certaine ; il est faux qu’il ait été violenté dans sa conscience. Ue la vérité du système de Copernic, Galilée n’eut jamais l’évidence et la certitude, tandis que jamais il ne douta de son devoir.

C’est ici le lieu de répondre à une confusion que l’on a faite parfois. Le devoir de Galilée, dit-on, était net, après 1616 ; il ne pouvait plus enseigner le mouvement de la terre, en quelque manière que ce fût. Aux termes du décret de 1616, rien doplusexact ;

— nous l’avons fait remarquer déjà, les documents officiels portaient en elTet quoris modo ; — mais ces mots ne se trouvaient pas dans la pièce remise à Galilée par Bellarmin. Il n’y a pour nous aucun doute : Galilée était loyal en pensant qu’il lui était permis encore de parler du système de Copernic comme d’une hypothèse scientilique. Le 6 mars 1616, il écrivait : Il L’issue de cette alTaire a montré que mon opinion n’est pas acceptée par l’Eglise. Celle-ci a seulement fait déclarer qu’une telle opinion n’était pas conforme aux Stes. -Ecritures ; d’oii il suit que les livres voulant prouver ex professo que cette opinion n’est pas opposée à l’Ecriture sont seuls prohibés*. «  Et, de fait, Galilée s’abstint dès lors de parler exégèse.

Celte interprétation du quovis modo n’était pas particulière à Galilée et plusieurs pensaient comme lui sur ce point 2. Si donc, en 1633, l’on a failà Galilée un reproche d’avoir continué à enseigner le système de Copernic, malgré qu’il fût contraire à la Ste.-Ecritvrc, c’est que, en dépit de ses protestations, l’auteur du Dialugo parlait toujours ex tliesi et non pas ex liypothesi, comme on le lui avait prescrit. Et ceci est tellement vrai que l’un des chefs de l’accusation de 1633 est précisément que le prévenu a affirmé que l’on peut enseigner une vérité scientilique comme encore probable, alors qu’elle a été déclarée contraire àl’Ecriture. En parlant ainsi, il semblait révoquer en doute le droit qu’a l’Eglise d’interpréter authentiquement l’Ecriture, puisqu’il témoignait par sa manière de parler qu’il n’admettait pas le sens propre des passages discutés. On admettait la possibilité de l’inlerprétation au sens métaphorique, mais on refusait à Galilée le droit de donner cetteinterprétation comme seule vraie, tant qu’il n’aurait pas fourni de preuves convaincantes.

2" Les adversaires de Galilée, leurs motifs et leurs excuses. — On a dit etréi)cfé que la condamnation de Galilée n’était que le résultat d’une machination ourdie contre lui par d’envieux adversaires. Nous avons montré qu’au point de vue juridique, cette condamnation s’était faite d’une façon absolument régulière. Pourtant, même dans un procès ré 1. Op. Gal., t. XII, p. 243.

2. Up. Gal., t. XIII, p. 203.

gulièrement institué et conduit, il peut y avoir place à des dessous ; les intentions qui animent accusateurs et juges, peuvent être plus ou moins louables ; bien des influences secrètes peuvent s’exercer et peser sur les décisions prises. Il est donc nécessaire, pour éclairer la question au point de vue apologétique, d’examiner la part qui revient aux principaux adversaires de Galilée et d’éclaircir les motifs qui les ont réellement guidés.

Parmi ces adversaires, on a rangé les papes Paul V et Urbain’VIII, le cardinal Bellarmin, les Jésuites, les péripatéticiens. Examinons la responsabilité de chacun d’eux.

Des auteurs, peu au courant des règles canoniques et des usages de la cour romaine, ont fait au pape Paul’V un grief de son intervention dans le procès de 1616. Cette intervention est historiquement incontestable : elle ressort de l’examen des pièces officielles ; mais elle s’est produite d’une façon absolument normale. Paul V, en présidant les séances du Saint-Office, remplissait un des devoirs de sa charge, puisque le pape est, de droit, préfet de cette congrégation ; en approuvant le décret del’lndex in forma cornmuni, il faisait un acte de tout point conforme aux dispositions légalement établies ; l’ordre qu’il donne au St.-Office de procéder administrativemcnt contre Galilée et d’abandonner contre lui les poursuites judiciaires, loin de prouver sa malveillance à l’égard du savant, montre bien plutôt le désir sincère qu’il avait de ne pas le voir entrer en démêlés avec l’Inquisition. Sans doute, les hautes protections que Galilée invoquait, à Florence et à Rome, purent entrer en ligne de compte dans cette décision, mais l’on sait, d’autre part, que Paul V admirait Galilée et qu’ilétait fort bien disposé à son égard. Il lui donna de nombreux témoignages de sa bienveillance, le reçut plusieurs fois avec grand honneur, et six jours seulement après la publication du décret de l’Index, lui déclarait qu’il était persuadé de la droiture de ses intentions.

Pour le pape Urbain VIII, la question est plus complexe et plus délicate. N’étant encore que cardinal, Maffeo Barbcrini professait pour Galilée la plus vive admiration et la plus tendre sympathie : n’allat-il pas jusqu’à lui dédier, en 1620, une ode latine en dix-neuf strophes, dans laquelle il célébrait ses découvertes astronomiques’. Ce fut, paraît-il, sur son invitation, que Galilée publia son Traité des taches solaires. La conclusion de cet ouvrage est ouvertement favorable au système de Copernic ; elle ne déplut pourtant pas à Barberini, qui déclara trouver danscetëcrit « des choses neuves, ciu-ieuses, établies sur de solides fondements- ». En 1623, à peine élevé au trône pontifical, Urbain VIII accepte la dédicace du Saggiatore ; en 1624, il fait à Galilée l’accueil le plus flatteur : a Sa Sainteté m’a accordé de très grands honneurs, écrit le savant, le 8 juin, et j’ai eu avec elle, jusqu’à six fois, de longues conversations. Hier, elle m’a promis une pension pour mon fds ; trois jours auj)aravant, j’avais reçu en présent un beau tableau, deux médailles, une d’or et une d’argent’. » Il est permis de croire qu’Urbain VIII n’était pas opposé à la doctrine copernicienne’et qu’il était prêt, tout comme plusieurs prélats de sa cour, à encourager sou développement, pourvu que cette doctrine se maintînt dans les limites de l’astronomie pure.

l.Cf. S.Pieralisi, Urbano VIIIe Galileo Galilei, Rome, 1875, p. 22.

2. Op. Gai, t. VIII, p. 208.

3. Op. Gal., t. Xiri, p. 182.

4. Cf. P. Aubanel, Galilée et l’Eglise, Avignon, 1910, p. 88.