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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/107

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MARIE, MERE DE DIEU

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2 ; vil, I. Sa croyance à la naissance virginale ne procède donc nullenient d’une croyance incomplète au mystère de l’Incarnation.

Un demi-siècle plus tard, à Rome, saint Justin commente la parole de Dieu au serpent (Cen., iii, |5), et développe le parallèle entre Kve et Marie. A la parole du serpent, Eve, encore -vierge, conçoit et enfdiile un fruit de mort ; à la parole de l’ange, Marie, vierge, conçoit et enfante un fruit de vie (Dial. citm Tryphone, c). Ailleurs, il insiste sur l’oracle d’Isaïe {/s., vil, 115) et sur le mystère de cette génération inénarrable (/s., lui, S). Nulle part on ne voit que la conception virginale en épuise le miracle ; au contraire, il ramène assidûment cette expression a né de la Vierge », dont le sensplénier déborde évidemment la notion stricte de conception dans le sein d’une vierge.

Ces exemples montrent clairement que l'éclosion du docétisme ne fut pas la première apparition du merveilleux, dans la cbristologie ; elle n’en fut que la déformation. Saint Matthieu et saint Luc, en allirmant la conception virginale, avaient sulUsamment orienté les pieuses méditations des fidèles vers un monde surnaturel où ils ne pouvaient manquer de rencontrer le mystère de la naissance du Christ ; ils en raisonnèrent selon des analogies de foi qui, dans l’espèce, ne pouvaient être trompeuses.

C’est ce que fait saint Irknke, le premier théologien de l’Eglise, dans l’ordre des temps. G. Hkrzog nous assuie (p. 484) qu’lrénée soumit la naissance du Christ à la loi commune. Et il expédie ce témoignage en trois lignes, dans une note. Il faut y regarder de plus près.

Peut-on bien, sans en être impressionné, transcrire, d’après un homme tel qu’Ii'énée, cette formule jidv. Jlær., IV, xxxiii, 11, P. G., VII, 1080 : Filius Dei filius liominis parus pure puram aperiens yulvam ? Cela paraît dillicile, car enfin ces mots parus pure puram forment un bloc homogène et malaisé à disjoindre. Surnaturel est l’enfant, d’après la pensée incontestable d’irénée ; surnaturelle sa conception dans le sein virginal ; donc surnaturel aussi, sauf preuve évidente du contraire, le mode d’enfantement. Le sens très clair des adjectifs purus, puram, dicte l’interprétation de l’adverbe qu’ils encadrent. Ailleurs, saint Irénée affirme, entre l’Incarnation du Verbe d’une part, sa passion et sa résurrection d’entre les morts de l’autre, sa naissance de la vierge — Tr.v 'sz ïly.pOé-Mu /tni)'^vj —. Ce sont là, pour lui, événements de même ordre. Et notez que cette aâîrmation se rencontre, non dans un développement oratoire quelconque, mais à la page la plus grave du traité Contre les hérésies, dans l'énumération solennelle des articles de notre foi. Adi'. //aer., 1, s, 1, P. G., VU, 549.

Il y a bien les mots aperiens vuU’am, et c’est de quoi l’on s’autorise pour soutenir qu’lrénée a soumis la naissance du Christ à la loi commune. Mais peuton bien faire fond sur ces mots, quand on sait que les Pères du ve siècle, habitués à confesser de bouche et de cœur la virginité in partu, sur laquelle on ne discutait plus enli’e catholiques, ont coutume de citer ces mêmes mots de l’Ecriture sans aucun embarras, comme simple figure de style, innocente catachrèse, tout à fait indiÛ'érente à leur croyance ? Quand, de plus, on voit saint Ircnée, après saint Justin, commenter l’oracle de l’Emmanuel (/s., vii, 14), en insistant, non pas seulement siu- sa conception, mais sur sa naissance delà Vierge ? Ad^'. llær., m, XXI. 4-6, P. G., VII, 950-9.53 : Eum qui ex Virgine nutus est, Emmanuel… — Si^ni/icunte Spiritu sanclo (ludire volentihus repromissionem i/uam repromisit Deits, de fructu i’entris eius suscitare regem,

impletam esse in Vir^inis, h. e. in Mariæ picrlii.' — Quoniain inopinaia salus hominihus inciperet fieri, Deo adiuvante, inopinatus et parlus ]'irf(inis fiebat, Deo dante sifçnum hoc. Même lanj^age dans le Ei ; i-niosi^i-j T&y à.T^o^Tz/ t/.'jù z/îcUyy/T^ ; , décoin’erl dans unç version arménienne et restitué de nos jours à Irénée Liii-Liv, trad. Bartiioulot, Paris, 19 : 6. La loi de l’Exode, applicable aux mères en Israël, fondait sur l’existence d’une impureté légale l’obligation d’un rite purificatoire. Etait-ce bien le cas de tant appuyer sur la pureté transcendante de cet enfantement — purus pure puram — pour affirmer au mot suivant <|ue Marie avait encouru la souillure commune ? A tout le moins, une accumulation de mots si extraordinaire nous avertit qu’il y a là une question réservée, que le texte présente une nuance délicate, et qu'à y vouloir appliquer une exégèse brutale, nous le faus serons infailliblement. Ou l’adverbe /( « ce ne signifie absolument rien, ou Irénée a voulu faire entendre que cette naissance ne ressemble jias à toutes les naissances.

Passons condamnation sur Tertullien, mais en observant deux choses. La première est que, si Tertullien mena rude guerre contre le docétisme, Irénée avait déjà combattu la même hérésie avec une égale vigueur : il serait donc puéril de chercher dans une différence d’attitude à l'égard du docétisme la raison de leur divergence quant à la virginité in partu. Tertullien reprit, vingt ou trente ans après Irénée, la campagne contre la gnose valentinienne, sans la confondre un instant avec le catholicisme. En second lieu, quand Tertullien se prononça comme on sait contre la virginité in parlu, il avait cessé d’appartenir à l’Eglise catholique. C’est la réponse de saint Jérôme à Helvidius, qui se réclamait de Tertullien : De Tertulliano niliil quidem amplius dico, quam Ecclesiæ hominem non fuisse. On ne trouvepas trace de cette opinion dans ses écrits de la période orthodoxe. Mais, après comme avant sa défection, Tertullien réprouve aussi fermement qu’lrénée la chimère gnostique, d’après laquelle Jésus aurait passé par le sein de Marie non comme les autres enfants passent par le sein maternel, mais comme l’eau passe par un canal, sans lui rien prendre. Cette chimère va directement à nier la maternité humaine de Marie ; et en cela consiste proprement la contribution du docétisme à la mariaiogie. — Voir Irénée, Ilær., III, XXII, 2 ; Tertullien, Apologettcum. xxi ; Adv. Vulenlinianos, xxvii ; iJe carne Christi. xx ; et notre Théologie de Tertullien, p, ig^-igô.

Jusqu’ici nous n’avons constaté — tant s’en faut — nulle trace de docétisme chez ces premiers témoins de la doctrine chrétienne sur Marie. Par contre, nous les avons vus, dans leurs écrits catholiques, s’arrêter devant le mystère de la naissance du Seigneur, pleins de respect et d’adoration. Mais il y a le Protét’angile de Jacques. Dans cet apocryphe, qui sous sa forme la plus ancienne a dû exister avant la fin du U8 siècle, il y a une page entachée de docétisme ; et l’on nous assure que de là procède l’idée, antérieurement inédite, de la virginité in partu.

Nous avons reproduit intégralement cette page, col. iG5 ; nous ne contestons ni l’ancienneté du Prolévangile de Jacques, ni la réalité de l’influence qu’il exerça sur le développement de la mariaiogie. Mais nous ne voyons pas qu’il ail subi l’influence du docétisme ; encore moins voyons-nous qu’il ait servi de pont entre cette hérésie et la doctrine catholique.

La contribution du docétisme à la mariaiogie consista, disions-nous, à supprimer la réalité de la maternité divine, en attribuant à Jésus je ne sais quel corps astral qui ne devrait rien à sa mère. Contribution toute négative : cette hérésie n’a point passé