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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/110

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MARIE, MERE DE DIEU

même de sa sancUQcation, elle ne fut pas purement passive, mais que dès lors son esprit et son cœur coopérèrent aux prévenances de la grâce. Nous sommes autorisés à croire que la première orientation de son âme vers Dieu fut détinilive, que ses ascensions se poursuivirent sans intermittence ni défaillance, que tous les instants de sa vie et tous les battements de son coeur furent marqués par des accroissements de grâce. Nous sommes autorisés à croire que, comme elle échappa aux blessures de l’ignorance et de la concupiscence, elle échappa à l’infirmité commune, par l’absolue maîtrise qu’elle exerça en tout temps sur les actes de sa vie intérieure, n’étant distraite de Dieu ni par la fatigue ni par le sommeil. La justiûcation précise de ces positions appartient à la théologie. Qu’il suffise à l’apologiste d’en avoir indique le principe en tenues généraux.

La psychologie de Marie ne doit pas être assimilée simplement à celle du Christ, car l’union hj’postatique projetait dans l’âme du Christ des clartés (fue l’âme de Marie ne possédait pas. Mais, sans perdre de vue la distance infinie qui sépare la mère du Fils, on doit avoir égard aux exigences de la Providence unique impliquée dans l’Immaculée Conception. Pour donner quelque idée des développements suggérés par la piété envers Marie, touchant ces voies toutes miracnleusrs de la Providence, nous citerons R. M. DE LA Broisb, La Sainte Vierge, c. ii, p. 41-U :

I L’Immaculée, pensent communément les théologiens, reçut le bienfait de la sanctiQcation dans une âme pensante et libre, et avec une parfaite correspondance à l’action de son Créateur. La grâce est une mystérieuse union entre Dieu et la créature intelligente. La dignité de cette union demande, si rien ne s’y oppose d’ailleurs, qu’elle soit librement acceptée, et que l’amour créé réponde, en se tournant vers lui, aux avances de l’amour infini. C’est d’ailleurs l’ordre de la Providence de donner le plus possible d’action personnelle et de mérite aux créatures. Ainsi Adam, ainsi la multitude des anges, lorsque Dieu, dès le premier moment de leur existence, les éleva à l’ordre surnaturel, ne furent ni inconscients ni passifs. Par la connaissance et l’amour, ils attirèrent la grâce, au moment même où Dieu la répandait en eux. En tout supérieure aux anges et à l’homme innocent, Marie n’a pu être sanctiliée d’une façon moins parfaite. Pour elle, 11 est ^Tai, l’usage de l’intelligence, naturel pour l’ange et pour le premier homme créé adulte, ne pouvait être que l’effet d’un miracle ; mais ce raii-acle, comment Dieu le lui aurait-il refusé, au moment où il prodiguait pour elle ses merveilles ?

« Bien entendu, même avec ce pouvoir d’user de

ses facultés spirituelles sans le concours des sens, Marie ne pouvait ni mériter la première grâce actuelle, toujours et essentiellement gratuite, ni se disposer à être sanctifiée par un acte qui précédât, dans le temps, sa sanctification elle-même. Mais, par les actes de ces facultés qui échappent à la loi du temps, elle pouvait se tourner vers Dieu au même moment où il se tournait vers elle, et par là mériter, d’un mérite de convenance, que la grâce sanctifiante fut aussitôt versée dans son âme. Quand la lumière du matin vient toucher et ranimer la fleur, la tige se relève d’elle-même vers le soleil ; la corolle s’ouvre et se dilate, comme pour attirer et boire avidement les chauds rayons. Ainsi, prévenue par l’action divine, Marie ouvrit à la grâce, aussi largement que possible, toutes les issues et toutes les capacités de son âme.

« Son esprit s’éveille à la vie, plein d’idées qu’il

n’a pas acquises, mais que le Créateur y a mises en

lui donnant l’Etre. C’est Dieu qui est là, présent à son intelligence, non pas vu dans son essence, mais se révélant clairement comme l’infinie beauté, le bien parfait, la Un où il faut tendi-e par le Verbe médiateur. Excitée en même temps par la grâce prévenante, l’âme se jette tout entière dans ce bien suprême, qui l’invite et l’attire ; l’intelligence acquiesce à la révélation qu’il fait de lui-même, la volonté se donne sans réser%* par le plus ardent amour. Dans le même indivisible moment où Marie produit ces actes, la grâce déborde en elle, suivant l’insondable mesure de son amour pour Dieu, et la mesure plus insondaijle encore de l’amour de Dieu pour elle. Avec la grâce sanctifiante, ce sont tous les privilèges qui tiennent à l’essence même de cette grâce ou en forment le brillant cortège : pailicipation de la vie divine, relation d’amitié avec Dieu, habitation de la Trinité sainte dans l’âme comme dans un temple consacré, dons du Saint-Esprit, dispositions données aux facultés pour leur faire produire les actes de toutes les vertus. Et toutes ces divines énergies ne sont pas en elle à l’état de germe et encore sommeillantes, comme chez tout enfant que la grâce vient de régénérer ; Marie est, dès l’origine, pleine d’une vie surnaturelle développée et agissante ; déjà son âme est le jardin de délices qu’embellissent toutes les llcurs et qu’embaument tous les parfums… »

Dans cette vie spirituelle absolument unique, le point initial devait être marqué par une grâce insigne.

La piété des théologiens appuya sur ce fondement de magnifiques constructions à la gloire de Marie. Avant tout, elle revendi(]ua pour Marie l’exemption absolue de toute faute actuelle. Nous n’avons pas à revenir sur les soupçons injurieux dont certaines scènes évangéliques ont fourni l’occasion et qui s’exprimèrent quelquefois par la plume d’un TertuUien, d’un Origène, d’un saint Basile, d’un saint Uilaire, d’un saint Jean Chrjsostome, d un saint Cyrille d’.A.lexandrie. On a vu plus haut comment l’Evangile, mieux lii, ne donne aucune prise à ces imputations. Et depuis le cinquième siècle, on peut dire que le sens public de l’Eglise en a fait justice. Le jugement de saint Augustin, De nalttra et gratia, xxxvi,

! i, I’. L., XLIY, 267 : … Sancla virgine Maria, de

qiia, projiler honorem JJumini, nallcun prorsus, ciim de peccalis agitur, huheri volo quæstionew, s’est imposé à tous, au nom du respect dû à la Mère du Seigneur, et le Concile de Trente l’a fait sien en affirmant, dans une définition solennelle, le privUège de la Vierge, s. vi, can. 28, D. B., 833 (916) : Si quis hominem semel iusiificatum dixerii… passe in tota vita peccata omriia, eliant yenialia, vitare, nisi ex speciali Dei privilégia, quemadmodum de Beala Virgine ienet Ècclesia, A. S.

Mais l’exemption de toute faute n’est que l’aspect négatif de la sainteté de Marie. Sur l’aspect positif, les théologiens ne sont pas moins unanimes. Ceux d’Orient avec une profusion d’épithètes et d’images qui répond à l’éclat de leur pensée ; ceux d’Occident avec une langue plus sobre, déclarent d’une seule voix que — Jésus mis à part — aucune sainteté n’approche, même de bien loin, de la s.ainteté de Marie ; et les raisons qu’ils en donnent sont renfermées dansleprincipeexcellemment formulépar saint Thomas o’Aquin : Celui-là participe plus largement à la grâce, qui approche de plus près la source de toute grâce. P. III, (]. 27, art. 5 : Qiianlo aliquid mugis appropinquat principio in quolibet génère, tantomagis participai efjectiim illiiis principii…Iieala aulem Virgo Maria propinquissima Christo fuit secunduni humanitaiem, quia ex ea accepit humanam