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MARIE. — IMMACULEE CONCEPTION

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héréditaire ; d’une façon plus concrète, par la négation des effets du péché originel, qui viennent d'être rappelés, ou par l’allirniation des effets contraires : amitié divine, état de justice, de sainteté, de pureté ; présence de la grâce sanctifiante ; pleine inimitié avec le démon ; immunité par rapport à la loi de la concupiscence, de la souffrance et de la mort envisagées comme peine ou rançon du péché commun.

Enfin, s’il faut que, dans le développement dont ils sont susceptibles, les dogmes chrétiens « gardent leur plénitude, leur intégrité, leur propriété, et qu’ils croissent dans leur genre, c’est-à-dire dans l’identité du sens, dans 1 identité de la pensée », ce qui suppose manifestement un rapport ou lien objectif de continuité entre la croyance du présent etcelle du passé, ou du moins entre la croyance présente et la révélation, explicite ou implicite, comme point de départ : il n’est pas moins vrai que la défense rationnelle de la croyance à l’immaculée conception de la Mère de Dieu peut présenter une différence notable, suivant qu’on admet, sur la manière dont s’est faite la révélation de ce mystère, l’une ou l’autre des deux hypothèses qui ont cours parmi les théologiens catholiques. Dans l’hypothèse d’une révélation explicite, on est infailliblement amené à chercher dans les premiers siècles du christianisme une croyance correspondante, c’est-à-dire explicite, qu’il faut établir par des témoignages positifs, à moins qu’on ait recours, pour suppléer aux lacunes, à un argument de prescription, dont la valeur n’est pas, dans l’espèce, incontestable. Dans l’hypothèse contraire d’une révélation seulement implicite, la situation est différente. Il y a liieu à un développement réel, bien que relatif, de la doctrine, pour que de l’implicite elle passe à l’explicite, soit dans la connaissance ou la profession des croyants, soit dans la proposition ou la sanction du magistère ecclésiastique. L’allirniation expresse du point de doctrine n’est pas, de soi, nécessaire dès le début ; il suffit qu’il y ait croyance à la vérité plus générale qui le renferme, ou même à divers éléments dont la synthèse réfléchie amènera définitivement la reconnaissance et la profession publique de ce point de doctrine. Des étapes pourront donc exister, des périodes distinctes pourront se succéder, où la croyance ne se présentera pas dans les mêmes conditions. Et cette circonstance donne son intérêt et sa valeur à l’examen, qui va suivre, de la croyance à l’immaculée conception de Marie dans les siècles chrétiens. Cet examen aura, en outre, l’avantage de fournir comme une pierre de touche pour contrôler par les faits les deux hypothèses qui ont cours dans la théologie catholique.

II' Partie. La croyancb a l’I.mmaculke Co>'CErTio.v LIE Marie dans les siècles postéphbsiens.

Le cadre de ce Dictionnaire apologétique ne permet pas d’envisager la question de l’Immaculée Conception dans toute son ampleur, comme il sera fait bientôt dans le Dictionnaire de Théologie cathnliriiie. On trouvera d’ailleurs dans notre bibliographie d’abondantes indications en vue d’une étude complète. Obligés de nous borner, nous irons droit au point critique.

Les premières sections de cet article ont marqué Us fondements scripturaires du dogme, parmi lesquels il suffira de rappeler le protévangile de la r.enèse (Cen., iii, 15) dans la perspective duquel Marie apparaît comme la nouvelle Eve, et la salutation de l’ange à la vierge pleine de grâce (/.kc., 1, 28). Elles ont aussi fait connaître quelques-unes des

anticipations les plus notables du dogme dans la tradition des anciens Pères. Pour éviter des redites infinies, nous inviterons le lecteur à se référer à ces développements, et prendrons la question au point où elle entre dans la tradition explicite de l’Eglise ; point qu’on peut fixer approximativement au lendemain du concile d’Ephèse.

Nous allons suivre le développement de la croyance à l’Immaculée Conception après cette date, d’abord pour l’Eglise orientale jusqu’au schisme, puis pour l’Eglise occidentale.

I. La croyance bn Orient depuis le concile d’Ephèse jusqu’au schisme db Micbbl Gkrolaiub (/138-io54). — La réaction contre l’hérésie nestorienne activa et précisa le mouvement inarialogique dans l’Eglise orientale. La négation de l’unité de personne en Jésus-Christ faisait de Marie la mère d’un homme spécialement uni à la divinité, mais non pas la Mère de Dieu. Le glorieux titre de Q^otm : , consacré solennellement au concile d’Ephèse, devint le point de départ d’un double développement : l’un d’ordre doctrinal, dans les écrits des Pères et des écrivains ecclésiastiques qui les continuèrent ; l’autre cultuel, qui se traduit dans les monuments liturgiques et dans l’institution de fêtes en l’honneur de Marie.

a. Développement doctrinal : Pères et écrivains ecclésiastiques. — C’est à cette période (iu’a|>partiennent la plupart des témoignages patristiques dont les rédacteurs de la bulle Inefjahitis Deus se sont inspirés pour dépeindre la sublime dignité de Marie, sa perpétuelle innocence, son incomparable pureté et son ineffable sainteté. La perfection qui se dégage de cet ensemble de témoignages dépasse manifestement la virginité corporelle et même une plénitude de grâce qui, se réalisant au jour de l’Incarnation, n’assurerait la toute-sainteté de Marie qu'à partir de ce moment-là. Dépasse-t-elle une plénitude de grâce antérieure, mais qui consisterait unique ment dans l’absence de fautes personnelles et dans une sanctification faite à une époque indéterminée ? En d’autres termes, la sainteté propre à la Mère de Dieu englobe-t-elle sa personne dans le cours entier de son existence, excluant donc la présence en elle, même au moment de sa conception, d’une souillure héréditaire, d’un état de mort spirituelle et d’inimitié avec Dieu, d’un assujettissement temporaire au démon ? Telle est la forme sous laquelle le problème se pose pour les Pères grecs de l'époque postéphésienne.

Quiconque étudie de près leurs écrits fait bien vite une constatation : ces Pères conçoivent la sainteté, la pureté, la plénitude de grâce, comme toutes les autres perfections de Marie et son rôle de nouvelle Eve, en fonction de son titre de Qictwo^. Basile de Séleucib (458) énonce une idée courante quand il déclare que, pour louer dignement la Mère de Dieu, il prendra son point de départ de celui-là même à qui elle doit d’avoir réalisé et porté ce titre. Oral. XXXIX, In Annant., 2, P. G., LXXXV, ^29. L’appellation d'(//i « &£c, Tcxoi, Sainte Mère de Dieu, ne signifie pas seulement que Marie est sainte, mais qu’elle est sainte en Mère de Dieu, d’une façon et dans une mesure proportionnée à sa dignité et à ses destinées. Si l’application va tout d’abord à la Vierge devenant effectivement, au jour de l’Annonciation, Mère de Dieu, par voie de conséquence il y a réaction sur l’existence antérieure, qui fut la préparation de Marie à son rôle unique : c’est en Mère de Dieu qu’elle vit, qu’elle naît, qu’elle est conçue ; partout et toujours l’Eve nouvelle, jamais inférieure à l’ancienne en pureté, en sainteté. Remontant ainsi du plein midi à l’aurore, les Pères grecs postéphésiens salueront en Marie, du premier instant où