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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/17

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LORETTE

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(Sess. xiii, de lief., c. i. Cf. Instr. S. C Ep. et lieg., II juin 1880, n. 1-8). Quel article du Code d’instruction criminelle prescrit l’équivalent aux tribunaux correctionnels ? La loi du sursis elle-même n’a pas introduit dans les prétoires français, à l’égard des prévenus adultes, des habitudes aussi discrètes. D’un autre côté, parmi les peines qu’inflige le for ecclésiastique, un lion nombre sont i médicinales », c’est-à-dire que le premier but qu’elles visent est l’amendement du délinquant. Les criminalistes contemporains s’cflorcent d’orienter dans le même sens les sanctions de la justice séculière ; ils voudraient rendre la peine éducatrice, et se montrent très fiers des quelques progrès réalisés sous ce rapport à leur instigation. Sans qu’ils s’en doutent, peut-être, l’Eglise depuis longtemps avait frayé la voie ; en punissant les fautes de ses enfants prodigues, elle se préoccupe toujours de leur amendement (Cf. Holl-WECK, loc. cit., § 21, p. 84 ; Webnz, loc, cit., t. VI, n. 72, p. 80 ; n. 78, p. 84), parce qu’elle est leur mère, cl que toute son action procède de cette unique pensée : sauver les âmes I

Concluons. Dans la série des systèmes juridiques ]iassés ou présents, le droit canon se détache avec une physionomie originale qui n’appartient qu’à lui. l’ormé d’éléments humains qu’il emprunta pour parlie au droit romain ou autres législations profanes, il a su les transfigurer. La Providence, qui assiste incessamment l’Eglise, a veillé sur ses lois comme sur les autres manifestations de sa vie, et elle les a marquées d’un sceau divin. Quelle que puisse être, au point de vue purement technique, la valeur du droit canon, pour la beauté morale et l’eflicacilé sanctificatrice il est sans rival ; il a sa transcendance à lui. J’accorde qu’elle ne se montre pas toujours avec un éclat éblouissant. Certaines régions du domaine canonique semblent encombrées de prescriptions minutieuses ou terre à terre. Cependant l’inspiration qui les a dictées ne laisse pas que d’être très haute, et si l’on y regarde de près, l’ensemble des institutions ecclésiastiques, avec l’unité de leur histoire et la fécondité de leurs résultats, se distingue par des traits extraordinaires, que n’explique pas suflisamment le jeu des activités naturelles. Dansune galerie de peinture, si au milieu de toiles de second ordre on a glissé un chef-d’œuvre, le gros public passera devant tous ces tableaux sans remarquer de différence ; un artiste, au contraire, s’arrêtera devant le chef-d’œuvre et reconnaîtra d’emblée le pinceau d’un maître. De même dans le monde juridique. Qu’un amateur distrait feuillette successivement tous les Corpus juris du monde, il n’y verra que des collections, égales entre elles, de textes souvent coml >liqués et quelquefois bizarres ; mais supposons un observateur attentif et de bonne foi, libre de préjugés, sachant ce que veulent et peuvent les législateurs humains, ce qu’ils demandent aux peuples et ce qu’ils en obtiennent ; que cet homme étudie, à coté du droit des sociétés profanes, le droit de l’Eglise, il découvrira vite que celui-ci n’est pas de tout point pareil aux autres, que sa formation, son développement, ses effets, échappent aux lois sociologiques communes. Quelqu’un de plus grand qu’un homme, dira-t-il, a passé par là : Digittis Dei est hic.

H. AUFFROY, S. J.


LORETTE. — La question de Lorette intéresse l’apologiste de la foi catholique, soit à raison de la dévotion attachée depuis des siècles au célèbre san « luaire, soit à raison des encouragements donnes par l’Eglise à cette dévotion. Elle présente d’ailleurs deux aspects forts distincts, l’un doctrinal, l’autre

historique. Quelle est au juste la portée des encouiragcments donnés par l’autorité ecclésiastique à la dévt>tion de Lorette ? Première question, qui intéresse le théologien. — Les murs de la Santa Casa sont-ils identiquement les mêmes qui abritèrent à Nazareth le Verbe incarné, la Vierge Marie et saint Joseph ? Deuxième question, qui déborde les cadres de la théologie et sur laquelle l’Eglise n’a pas négligé d’entendre les historiens et les archéologues.

Nous retiendrons la question de principes, et sur la question d’iiisloiie enregistrerons le jugement autorisé de la Sacrée Congrégation des Kites, renvoyant le lecteur, pour toute discussion approfondie, aux auteurs spéciaux.

1. Question de principes. — Les principes généraux (lui dirigent l’Eglise dans l’appréciation des faits ré[)utés miraculeux et des traditions pieuses ont été déjà formulés ci-dessu3(article Likux saints) ; nous les rappellerons brièvement, d’après l’Encyclique l’asccndi (IIP partie, c. vi) :

n En ce qui regarde le jugement à porter sur les pieuses traditions, voici ce qu’il faut avoir sous les yeux. L’Eglise use d’une telle prudence en cette matière, qu’elle ne permet point que l’on relate ces traditions dans des écrits publics, si ce n’est qu’on le fasse avec de grandes précautions et après insertion de la déclaration imposée jtar Urbain VIII ; encore ne se porte-t-elle pas garante, même dans ce cas, d^ la vérité du fait ; simplement, elle n’empêche pas de croire des choses auxquelles les motifs de foi humaine ne font pas défaut. C’est ainsi qu’en a décrété, il y a trente ans, la Sacrée Congrégation des Rites (décret du g mai 1877) : Ces apparitions ou rét’élO’tions n’ont été ni apjiroufées ni condamnées par le Saint-Siè( ; e, qui a simplement permis qu’on les crût de ftii purement humaine, sur tes traditions qui les relatent, corroborées par des témoignages et des monuments dignes de foi. Qui tient cette doctrine, est en sécurité. Car le culte qui n pour objet quelqu’une de ces apparitions, en tant qu’il regarde le fait même, c’est-à-dire en tant qu’il est relatif, implique toujours comme condition la vérité du fait ; en tant qn’ahsolu, il ne peut jamais s’appuyer que sur la vérité, attendu qu’il s’adresse à la personne même des saints que l’on veut honorer. Il faut en dire autant des reliques. »

Celte doctrine est parfaitement claire. La raison fondamentale et indéfectible du laissez-passer ac cordé par l’Eglise à la dévotion de Lorette est la réalité même du mystère de l’Incarnation, que les fidèles venaient honorer en ce lieu ; la croyance, qui identifie le sanctuaire de Lorette à l’ancienne habitation de la sainte Famille, n’avait à attendre de l’Eglise aucune garantie, et en l’autorisant, sur les témoignages humains qui l’aflîrmaient, les papes du XVI’, du xvn’, du xviii", du xix’et du xx" siècle, n’ont pas engagé sur cette question leur magistère infailUljle. Qui tient cette doctrine, est en sécurité.

Que les principes généraux énoncés ci-dessus trouvent leur pleine application dans le cas de Lorette, c’est ce qui ressort de la teneur même des documents jiontilicaux. La série en est longue ; nous citerons deux des plus anciens : celui de Paul II, où apparaît pour la première fois la crojance à la translation miraculeuse de la madone lorétane, et celui de JuLBS II, où apparaît pour la première fois la croyance à la translation miraculeuse de Pédicule lui-même.

La bulle de Paul II est datée du i 2 février 1470 ; on y lit :

« Cupientes eccicsiam B. Marie de Laureto, in honorem

ejusdem sacratissime Virginis extra muros Racanati miraculose fundataiu, in qua, sicud fide dignorum habet asserlio et universis potest constare