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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/199

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MARTYRE

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Cagliabi, dans un écrit qui porte le titre significatif Moricndum pro Ueo, parle tout autrement : « Ton empire, tlil-il, est vermoulu, branlant et pourri, et tu iras expier en enfer le plaisir d’avoir envoyé au ciel des milliers de martyrs, quoique tes évêques hérétiques te promettent le ciel en récompense des atrocités que lu nous as fait souffrir… Ces intrépides qui ne cèdent pas, qui peuvent mourir mais non apostasier, te crient : Nous mourrons avec joie pour la divinité du Fils de Dieu, et par là nous régnerons avec lui. Ainsi ta force échoue. Tous les jours on en tue, et ils te bravent de cœur, d’esprit et de corps ; tu les tues, mais tu ne les soumets pas… Vous avez massacré à Alexandrie et dans tout l’univers, vous avez exilé dans toutes les villes de l’Orient. Qu’avez-vous fait autre chose que des martyrs ? Vos victimes ont leurs reliques sur nos autels ; nous prions ces élus de vos vengeances, ils sont dans le paradis, vos proscrits sont nos protecteurs. »

Saint Athanase, qui écrit à Lucifer de Cagliari pour le féliciter de cette véhémente protestation, semble donc se porter garant de son exactitude. Luimême la conlirme, en. racontant les scènes qui se passèrent à Alexandrie en 356, alors que la violence le contraignit à partir pour la troisième fois en exil. Ouand les églises d’Alexandrie eurent été enlevées aux catholiques, ceux-ci se réunissaient dans les cimetières, a La semaine de la sainte Pentecôte, le peuple, après avoir jeûné, s’était rendu au cimetière pour prier. Tous avaient horreur de la communion de Georges (l’évêque arien). A cette nouvelle, ce profond scélérat excite le chef militaire Sébastien, et celui-ci, avec une troupe de soldats portant des armes, des épées nues, des arcs et des traits, se précipite, en plein dimanche, sur le peuple. Il ne trouve plus que quelques fidèles en prière, car la plupart s’étaient retirés à cause de l’heure ; et alors furent commis les crimes qu’on devait attendre d’un agent des ariens. Il allume un bûcher, place des vierges près du feu, et veut les forcer à dire qu’elles ont la foi d’Arius ; les voyant victorieuses, sans souci des flammes, il les fait dépouiller et battre au visage, au point de les rendre méconnaissables. » (Apologia de Fugn^ vi) De nouveau, « les caravanes de déportés reprirent le chemin de la Grande Oasis ; les dépositions d’évéques se multiplièrent, et beaucoup de ces vénérables vieillards, qui déjà avaient traversé tant de dangers, moururent par suite des mauvais traitements ». (G. Bardy, Saint Athanase, igi^, P-’36) Mais il y avait eu aussi des morts à Alexandrie : le 12 juilletest honoré un de ces martyrs, le sous-diacre Eulychius (ilart. hieron., v id. Jul.).

a. Dix ans plus tard, la persécution arienne se ranima . sous l’impulsion de l’empereur d’Orient Valens. Saint Gri^goirb de Nazianzb (Oratio xxv, g) parle de nombreux catholiques alors bannis ou mis en prison. L’évêque d’Edesse, saint Barsès, est exilé dans l’île d’Aradus. puis à Oxyrrhynque, où il meurt de chaleur et de faim (Théodorbt, ÎJist. eccl., IV, xni). Quatre-vingts prêtres étant allés à Nicomédie trouver l’empereur pour se plaindre des violences des ariens, sont enfermés dans un bateau qui doit, seiuble-t-il, les conduire sur la terre d’exil ; mais, exécutant un ordre du préfet du prétoire, une fois le navire parvenu en pleine mer, les matelots y mettent le feu et l’abandonnent : il s’engloutit tout brûlant avec ses passagers (ibid., xv). A Alexandrie, des vierges chrétiennes furent odieusement outragées, des moines furent envoyés aux mines, un diacre député près d’eux par le pape Damase fut marqué au fer rouge d’une croix sur le front et joint à ces forçats : des enfants mêmes furent mis à la torture, y

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périrent, et leurs cadavres, refusés aux prières de leurs parents, restèrent exposés aux oiseaux et aux chiens (ibid., xix).

Pour les martyrs de Constance et de Valens, voir encore Socrate, Hist. eccL, II, xxxvii-xxxvm ; IV, II, XV, XVI, XVII, XVIII, XXI, XXIV ; Sozoméne, /list. eccL, l, III, xxx ; VI, xviii, xix, xx. Dans la partie du tome VI, 1699, des Mémoires de Tillbmont, intitulé

« Histoire de l’Arianisme >, lire les articles lu.

Il Idée générale de la persécution de l’Eglise par Constance tirée de saint Athanase » ; liv, Idée de la même persécution, tirée de saint Hilaire » ; lv, i< Remarques de Lucifer et de quelques autres sur la mesme persécution » ; pp. 366, 371, 37/1,

b) Dans l’Afrique Vandale. — En 429, le roi vandale Genséric, après avoir ravagé l’Espagne, aborda en Maurétanie. En peu d’années, il se rendit maître de la plus grande partie de l’Afrique romaine. La domination vandale dura plus d’un siècle, jusqu’à la reprise des provinces africaines, en 533, sous l’empereur Justinien. Ariens fanatiques, les Vandales y persécutèrent à plusieurs reprises les catholiques : sous Genséric (429-477), sous Ilunéric (477-4^4), enfin, pendant la dernière période de leur domination, sous Thrasamund (493-633). Cette dernière persécution fut violente, et le fanatisme de Thrasamund est attesté par les chroniqueurs contemporains ; mais on n’a sur elle que peu de détails. Au contraire, celles de Genséric et d’Hunéric sont longuement décrites par Victor, évêque de Vite, qui avait entendu raconter les faits qu’il rapporte de la première, et qui fut témoin oculaire de la seconde, pendant laquelle lui-même fut exilé pour la foi. Il est peu de relations martyrologiques aussi précieuses que les cinq livres de son Historia perseciitionis Afrcanæ proi inciae, écrite vers 486 ou 487, au lendemain de la mort d’Hunéric : ils ont la même valeur documentaire pour cette période de l’histoire religieuse que le De martyrihus Palestinæ d’Eusèbe et la dernière partie du De mortibus persecutorum de Lactance pour la persécution de Dioctétien. — Sur les persécutions vandales en Afrique, voir Ruinart, In Itistoriam persecutionis Vandalicæ commentarius historiens, 1694 (reproduit dans Migne, P. L., t. LVIll) ; Tillemont, Mémoires, t. XVI, 1707, art. sur saint Eugène, p. 491-614 ; Gorres, Christenverfolgungen, dans Kraus, Real-Encyhlopiidie der christlichen Alterihiimer, t. I, p. 359-282 ; Audollent, Carlhage romaine, 1901, p. 541-555, et art. Afrique, dans le Dict, d’Iiistoire et de géographie ecclésiastiques, t. I, p. 8a3-833 ; F. Martroye, L’Occident à l’époque byzantine, Goths et Vandales, 1904, p. 179-218 ; Genséric, la conquête vandale en Afrique, 1907, p. 828359 ; Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. II, 1908, p. 930-935 ; Leclercq, L’Afrique chrétienne, t. II, p. 143-213. On trouvera dans le tome III, 1904, du recueil de dom Leclercq, Les Martyrs, p. 344407, la traduction française de VHistoria persecutionis de Victor de Vite.

I. La persécution de Genséric eut deux causes : la politique et la haine des hérétiques contre les orthodoxes. Voulant asseoir sur une terre romaine la domination d’envahisseurs peu nombreux, il proscrivit ce qui avait le plus d’attachement pour Rome, l’aristocratie et l’épiscopat, dépouillant les uns de leurs biens, les autres de leurs églises, et confisquant le tout à l’usage des conquérants. Mais à ce sentiment s’en joignitun autre : si Genséric ne promulgua aucun édit de persécution, il laissa toute liberté à son clergé arien, barbare d’origine et fanatique en religion, qui prit la direction des poursuites, et commit contre la liberté et la foi des catholiques les plus cruels attentats : lui-même partageait ce fanatisme

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