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MARTYRE

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en Angleterre au péril de leur vie pour y prêcher le catholicisme, ne cessent d’opérer des conversions. C’est « le témoignage des martyrs » dans toute son étendue. Thomas Pounde, prisonnier pendant trente ans, convertit par sa patience le forgeron chargé de river ses fers. Après la mort de Campion, le gardien de sa prison, Delahaye, fut tellement touché de la sainteté dont il avait été témoin, qu’il se lit catholique. Au moment où le bourreau dépeçait le corps du martyr, un spectateur, Walpole, fut éclaboussé par le sang : il se sentit à l’instant comme obligé d’embrasser le catholicisme, devint aussi Jésuite, et fut à son tour martyrisé en Angleterre. John Roberts avait été condamné à être pendu en même teuips que des voleurs : debout sur le charriot, il prêche ces malheureux, les exhorte à croire à la sainte Eglise catholique, leur promet de les absoudre l’un après l’autre s’ils font publiquement un acte de foi. Un des condamnés éclate en sanglots, et déclare qu’il veut mourir catholique : le témoin qui rapporte ce fait n’a pu savoir ce qui advint des autres. Alban Roc convertit de même un condamné de droit commun qui allait mourir avec lui, lui fait abjurer l’hérésie, a le temps de le confesser et de l’absoudre ; puis, s’adressant au ministre protestant qui était là :

« J’aurai souvenance de vous », dit-il, et le ministre, 

tout ému, répond : « Je vous en prie ». Le prêtre Hugues Greene, martyrisé à Dorcesterle i g août 1642 (et qui fut dépecé vivant), avait converti dans la prison deux femmes condamnées pour crime : quand il fut au pied de la potence, on voulut l'éloigner d’elles, atin qu’il ne pût les assister jusqu’au bout ; mais les deux malheureuses, élevant la voix, lui firent leur confession publique, et reçurent de lui l’absolution. Dieu permit que plusieurs fois, sur ce Calvaire, se renouvelât la scène évangélique du bon larron.

1) Tous les âges, toutes les conditions sont représentés dans l’héroïque phalange des martyrs anglais : depuis Margaret Pôle, comtesse de Salisbury, décapitée en 1541 « pour le seul motif qu’elle était vraie catholique et mère d’un cardinal » (PA.sTOR, t. V, p. 688), jusqu'à la jeune et charmante femme d’un boucher d’York, Margaret Clitherow, accusée d’avoir caché des prêtres et condamnée en 1586 à mourir écrasée sous les pierres ; des octogénaires comme John Kemble, qui, apercevant de loin le lieu du supplice, dit au gardien qui le lui montrait : « C’est bon, c’est bon, asseyons-nous ici pour que je regarde tout à mon aise en fumant une bonne pipe ii, ou le prêtre John Lockwood, exécuté en 1642 à l'âge de quatre-vingt-dix ans, qui, montant avec peine les degrés de l'échelle, dit avec un bon sourire au bourreau : « Prenez patience, c’est une rude tâche pour un pauvre vieux comme moi de monter à l'échelle, mais je ferai de mon mieux, car le ciel est au bout » ; un tisserand, Wrenno ; un cultivateur, Milner, père de dix enfants ; un aubergiste, Alexander Blake, puni pour avoir laissé entrer chez lui un prêtre ; un relieur, James Duckett, qui a relié des livres catholiques ; un teinturier, Welby, exécuté avec le prêtre Alfrid pour avoir distribué un livre attestant que les catholiques, sous Elisabeth, étaient innocents du crime de trahison ; un gentilhomme campagnard, Marmaduke Dowes, condamné pour avoir donné l’hospitalité à un prêtre, et pendu en même temps que celui-ci, sans avoir eu le temps d'ôter ses bottes de cheval ; un autre gentilhomme, Swithun Wells, grand chasseur et jovial compagnon, qui, condamné à mourir avec un Jésuite qu’il avait hébergé dans son manoir, crie à l’un de ses amis : « Adieu la chasse et les plaisirs d’autrefois, je suis maintenant une voie meilleure ! » Plusieurs de ces martyrs, William Ward, John Lockwood, John Almond, se souvenant, comme More, de

saint Cyprien, l’imitent en donnant au bourreau des pièces d’or ou d’argent pour le récompenser du service qu’il va leur rendre.

y) L’hypocrisie des persécuteurs anglicans fut de prétendre que les catholiques ainsi mis à mort étaient punis, non pour la lidélilé à leur religion, mais pour des crimes politiques. En 1586, les commissaires chargés d’interroger Marie Stuart lui disent à plusieurs reprises que a personne n’a encore été puni pour la religion ». (Journal de Bourgoing, dans LeCLKRoQ, Les Martyrs, t. Vlll, p. 16g, 178.) En effet, les sentences de mort prononcées contre les catholiques les déclarent ordinairement coupables de haute trahison ; mais la haute trahison consistait pour les prêtres à dire la messe ou à administrer les sacrements, pour les fidèles à assister à la messe ou à donner asile aux prêtres, pour tous les catholiques à reconnaître comme leur chef spirituel le Pape et non le roi. « Ne pas reconnaître dans le roi la puissance spirituelle », a dit un historien protestant, « n’attaquait aucun des droits temporels de la royauté », et, en faisant un crime de cet acte de conscience, « le Parlement avait foulé aux pieds tous les principes sur lesquels un peuple lilire, encore plus un peuple civilisé, doit être gouverné » (HuMH, t. IV, p. 345). D’ailleurs, comme les martyrs de l’Empire romain, comme les martyrs de la Perse, comme les martyrs des persécutions vandales, les catholiques traduits devant les tribunaux d’Angleterre pour crime de félonie ou de trahison n’avaient poir être acquittés qu’un mot à dire : il leur suffisait de renoncer à leur croyance et d’abandonner l’Eglise catholique pour l’Eglise anglicane : les juges, avant de rendre la sentence, les pressent de se sauver par cet acte d’abjuration : une telle option n’eût pas été offerte à des gens coupables d’un véritable crime politique.

Les événements extérieurs augmentent contre eux la colère des princes et en redoublent la violence, mais ne changent pas cet état des choses. L’excommunication d’Henri VIII par Paul 1Il en 1538, d’Elisabeth par saint Pie V en 1 670, la tentative d’invasion espagnole en 158'7, après laquelle Elisabeth « célébra sa victoire, dit Lingard, par des hécatombes humaines », sont postérieures aux premières lois portées par ces princes contre les catholiques, puisque c’est en 1535 que furent prononcées les premières condamnations pour méconnaissance de la suprématie ecclésiastique du roi. et que sous Elisabeth onze évêques catholiques ont été, dès 1558, soit emprisonnés à la Tour de Londres, soit relégués dans les maisons de prélats anglicans, et sont morts dans cette captivité (voir G. Phillips, Tlie extinction of the ancient hierarchy.An accoitnt ofthe death of tlie eleven bishops hono’ured at Rome amongsi the martyrs of the Elisabethan persécution : Archbishop Heat of York, Bishop Tunstall. lionner, and companions. Londres, igoS ; reproduction de la fresque représentant des scènes de la persécution en Angleterre, peinte en 1583, avec la permission du pape Grégoire XllI, dans l'église du collège anglais à Rome), que plusieurs cvêques irlandais ont eu le même sort, et que de nombreux catholiques ont, de 1558 à iS^o, déjà expié par la mort l’assistance à la messe ou l’hospitalité donnée aux prêtres (voir dans la Be^'ue des Questions historiques, t. LVIll, 18g5, j). 456-517, l’article du P. Forbbs : La Ré^'olution religieuse en Angleterre à l’avènement d’Elisabeth). La conspiration des poudres, en 1605, œuvre de quelques exaltés, amena contre les catholiques innocents de terribles représailles : mais, avant comme après cet événement, odieusement exploite parleurs ennemis (voir E. Prampain, La conspiration des poudres, dans Beince des Questions historiques,