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MARTYRE

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t. XL, 1886, p. 403-46j, et J. FoRBES, Un procès à réviser : la conspiration des poudres, dans les Etudes, i. LXXVI, 1888, p. 164-189, 321-340, la persécution durait, cruelle et sanglante.

Ce qui frappe, au contraire, c’est le loyalisme des catholiques anglais. Les excommunications prononcées contre Henri YIII et Elisabeth n’ébranlent pas leur (idélité. Beaucoup meurent en affirmant leur attachement au souverain et en priant tout haut pour lui (Leclkrcq, t. V, p. 15-23, Sa). Peu nombreux sont ceux, pour la plupart émigrés, qui contestent la légitimité, pourtant bien douteuse, d’Elisabeth et son droit à la succession royale, et attendent de la politique espagnole le rétablissement du catholicisme (voir WiLLABHT, L’Angleterre et les Pays-Bas catholiques, dans Revue d’Histoire ecclésiastique de Louvain, janvier igoS, p. 52-53, et Lkchat, Les réfugiés anglais dans les Pays-Bas espagnols durant le règne d Elisabeth, Louvain, 1914). La prétendue société secrète, composée de membres des principales familles catholiques de r.

gleterre, qui aurait

été l’àme des complots tramés pendant les vingt dernières années d’Elisabeth et les premières années de Jacques 1°’, n’a existé que dans l’imagination de quelques historiens (voir J. Pollen, An error in Sinipson’s « Canipion », dans The Month, t. CV, 1906, p. 12-2C). Les historiens protestants parlent avec admiration et reconnaissance de l’élan i)atriotique qui souleva les catholiques anglais lors de l’expédition de l’armada, et montrent les gentilshommes catholiques, malgré les détiances dont ils sont l’objet, s’armant et armant leurs vassaux pour défendre l’Angleterre contre les attaques de Philippe II (HuMK, t. V, p. 289). Ils sont si peu fanatiques, qu’ils ont, comme les protestants, blâmé le massacre de la Saint-Barthéleray (lettre de sir Tno-M. .s Smith, citée par Acton, Massacre of St. Bartholometv, dans The History of Freedoni, p. 144). Chez beaucoup d’entre eux il y eut, particulièrement à l’occasion du serment d’allégeance, une tendance même exagérée à la conciliation. Dùllinger fait remarquer le ton modéré, bienveillant, irénique des écrits des catholiques anglais persécutés (cité par Acton, Dollinger’s historical Works, ibid., p. 388). On sait leur inébranlable fidélité pour le malheureux Charles I", dont la faiblesse laissa faire ou lit volontairement des martyrs, dans le lâche espoir de désarmer ses adversaires (Lingard, t. III, p. 317).

Ajoutons un dernier trait, qui fait comprendre l’esprit des catholiques anglais : quand, au xvii’siècle, également persécutés par les Stuarts et exilés volontaires, les puritains fondèrent en Amérique la colonie du Massachussets et les catholiques celle du Maryland, les premiers tirent revivre avec la plus grande sévérité sur leur territoire les lois pénales de la mère patrie en matière de culte, et les émigrés catholiques établirent dans leur colonie la liberté de religion (Garlibr, La République américaine, t. I, Paris, 1890, p. 92-370).

En résumé, à aucune époque de la Réformation anglicane la nécessité politique ne put excuser la persécution, et les catholiques morts sur l’échafaud, à la potence ou en prison, dépouillés de leurs biens, chassés de leurs maisons, privés de leurs droits civils et politiques, sous Henri VIII, sous Elisabeth, sous Jacques I", sous Charles I", sous Cromwell, sous Charles II et leurs successeurs, ont le droit le plus évident au titre de martyrs ou de confesseurs de la foi.

k) C’est la conviction bien arrêtée de tous les contemporains catholiques. Le fondateur du collège anglais de Douai (1568), le cardinal Allen, parlait ainsi aux futurs apôtres qu’on y préparait : « Si

vous êtes envoyés aux païens, on vous dira : Il n’y a pas de salut en dehors du Clirist ; et si vous êtes envoyés en Angleterre, on vous dira qu’il n’est pas de salut en dehors de l’Eglise catholique. Que vous mouriez poiu- l’une ou l’autre cause, vous êtes assurés du même gain. » (Cité par G. Co.nstant, art. Allen, dans le Dict. d’histoire et de géographie ecclésiastiques, t. II, col. 603) Ces paroles furent bien comprises, car du collège deDouai sortirent cent soixante ecclésiastiques immolés en Angleterre pour leur foi, sans compter un bien plus grand nombre morts eu prison ou punis de la détention ou de l’exil (T. G. Law, a calendar of the English martyrs of the xvi* anrf xvii’centuries, 1876 ; J. H. Pollkn, Acts of English martyrs, 1891). Dès les premières années de son existence, le séminaire anglais de Rome, œuvre, en 1675, du même fondateur, reçut le glorieux surnom de Seminarium martyrum, et saint Philippe Néri, lorsqu’il en rencontrait les élèves, s’écriait : « Salvete, llores martyrum I » Quand John Almond, qui devait être martyrisé à Tyburn en 1610, soutint au séminaire anglais une thèse de théologie, en présence des cardinaux Baroniiis et Tarugi, l’illustre historien et l’autre prince de l’Eglise s’approchèrent du jeune étudiant pour lui baiser le front et la tonsure, en prévision du martyre auquel il aspirait (Pollen, p. 172). Saint François de Sales ne pensait pas autiemenl : lorsque son père cherchait à le détourner de sa périlleuse entreprise du Chablais, il répondit : « Et que serait-ce, si on nous envoyait aux Indes ou en Angleterre ? Ne faudrait-il pas y aller ? Certes, ce serait un voyage bien désirable, et la mort que nous endurerions pour Jésus-Christ vaudrait plus que mille triomphes. » (Cité par le P. Mbs-SELOD, Les Missions catholiques françaises, t. II, p. 375)

/) Il serait trop long de donner une bibliographie complète des uiartjrs anglais ; j’indiquerai seulement les ouvrages suivants : J. H. Pollen, S. J., Acts of English martyrs, hitlierto unpublished, ivith a Préface by J. Morris, Londres, 1891 ; J. H. Pollen, A brief history of twelvc Révérend Priests Father Campion and his companions, by William cardinal Allen, tt’ith contemporary verses by the Vénérable Henry IValpole and the earliest engravings of the martyrdûm, Londres, 1908 ; Dom Bede Cam.m, O. S. B., Lives of the English Martyrs declared Blessed by Pope Léo XIll in ISSd and 1895, writtenby Fathersof the Oratory, of the secular Clergy and of the Society of Jésus, vol. I, Martyrs under Henri VIII ; vol. II, Martyrs under Queen Elisabeth, Londres, 1904-1906 ; Dom Bede Camm, The Life and Times ofthe Venerableservani of God Dom John Roberts, O. S. B., Londres, 1897 ; J. FoRBBs, Une accusation contre Edmond Campion, dans Revue des Questions historiques, 1893, t. LU, p. 545-563 ; J. Trésal, Les Origines du Schisme anglican, Paris, 1908 ; William Roper, Life of Sir Thomas More, with a Foreword by Sir Joseph Walton, Londres, igoS ; H. Bbemond, Le Bienheureux Thomas More, Paris, 1904 ; Bridgbtt, Life of Blessed John Fisher, Londres, 1888 ; A. J. Dbstombes, La persécution religieuse en Angleterre sous Elisabeth et les premiers Stuarts, Paris, 1883 ; J. Forbes, S. J., Un missionnaire catholique en Angleterre sous le règne d’Elisabeth. Mémoires du P. Gérard, Paris, 1872 ; J. FoRBES, S. J., L’Eglise catholique en Ecosse àlafin du xvi’sièc/e. Jean Ogilvie, Ecossais, Jésuite, torturé et mis à mort pour la foi à Glascow le 10 mars 1615, déclaré Vénérable, Paris, 1901 ; Histoire de la persécution présente en Angleterre, enrichie de plusieurs réfle.xions morales, politiques et chrétiennes sur la guerre civile et sur la religion, par le sieur de Marsys, i 646 (l’auteur de cet ouvrage