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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/22

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LOUIS XVI

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senliment monarchique était si profondément ancré. A Paris, c’était un délire : « Je ne connais pas en vérité, écrivait une dame de la Cour, de nation plus aiuial)le que la nôtre. » Le trône semblait consolidé et la dynastie assurée d’un long avenir.

A cette date, Necker était ministre. Grisé par ses succès, infatué de ses mérites, et désireux d’initier le public aux secrets de sa gestion.il avait publié en janvier 1781 un Compte rendu au Roi, pour exposer la situation linancièi’e, et demandé, comme récompense, son entrée au Conseil. Le Roi, qui, au fond, n’aimait pas Necker, avait refusé, à l’instigation de Maurepas, jaloux de son collègue, et Necker, froissé, donnait sa démission le 19 mars. Quelques mois après, le 21 novembre, Maurepas mourait. Les Unances, très obérées par la guerre d’Amérique, restaient la grosse préoccupation. Un moment, Joly de Fleury, puis d’Ormesson en furent chargés : celui-ci, que son grand renom d’intégrité avait désigné à la conliance de Louis XVI, voulut en vain s’excuser. Le Roi lui imposa le poste ; mais quelques mois après, il dut le résigner. Galonné lui succéda, avec une réputation d’habileté, mais aussi de frivolité et de prodigalité. Au bout de trois ans, n’ayant plus de ressources, et ne sachant comment remplir le trésor de plus en plus vide, rêvant de remplacer une partie de l’impôt indirect par un impôt territorial, auquel seraient soumis les trois ordres, mais n’osant le décréter d’office, il proposa au Roi une assemblée des Notables, par laquelle il ferait ratilier ses projets. Le Roi, qui n’aimait rien tant que se rapprocher de ses sujets, accepta l’idée avec enthousiasme. Lesnotables furentconvoquéspourle 21 février 1787, et la veille Louis XVI écrivait à Calonne : « Je n’ai pas dormi celle nuit, mais c’était de plaisir. »

Malheureusement, quelques jours avant laréunion des Notables, Vergennes, dont la grande expérience et la froide raison eussent eu de l’autorité sur l’assemblée, mourut. Calonne, livré à lui-même, décrié, attaqué par Necker, mal vu des privilégiés dont il lésait les intérêts, peu soutenu par le Roi qui n’aimait pas la lutte, dut se retirer au bout de peu de temps. L’archevêque de Toulouse, Loménie de Brienne, lui succéda. Malgré la légèreté de ses mœurs et son scepticisme religieux, il jouissait dans le monde politique d’une grande réputation. On avait une haute opinion de ses mérites. L’opinion était surfaite. Ses projets mal digérés soulevèrent une opposition formidable. Brienne voulut lutter, imposer au Parlement l’enregistrement de ses édits. Le Parlement refusa, réclama des éclaircissements sur lasituation financière. « Vousdemandez des états de recettes et de dépenses, s’écria un conseiller, l’abbé Saliaticr ; ce sont des Etats Généraux qu’il vous faut ! »

La redoutable question était posée : elle l’était dans un jeu de mots ; mais il était désormais impossible de s’y soustraire. Brienne tomba à son tour ; Necker fut rappelé. L’enthousiasme fut énorme : on crut tout sauvé. Mais les difficultés restaient les mêmes, aggravées par toutes ces agitations. Le Roi, si populaire naguère, si acclamé pendant son récentvoyage en Normandie, avait perdu son prestige. La Reine, malgré lapartqu’elle avait prise au rappel de Necker, portait toujours le poids des calomnies et des haines de la Cour, ravivées par le malheureux procès du Collier. La province s’agitait, des soulèvements éclataient en Bretagne et dans le Daupliiné. Necker, financier habile, n’était qu’un médiocre politique. On ne pouvait échapper aux Etats Généraux ; mais on eût peut-être pu les diriger. Au lieu d’arrêter un plan, d’avoir un programme net pour la tenue des Etats, le ministre soumit au public les questions

qu’il aurait du résoudre lui-même sur leur constitution, surle nombre des députés, surlemodedê votation. Des Ilots de brochures virent le jour, remuant tous les problèmes, agitant les esprits, montant les têtes, émettant les idées les plus étranges, conmie si la France était une terre neuve, oùl’on n’avaità compter ni avec les traditions ni avec les mœurs, où il fallait tout détruire et tout reconstruire. Un Conseil du 27 décembre i’j88 décida la double représentation du Tiers, et quand il eût été sage de fixer le siège de l’Assemblée à quelque distance de Paris, où l’elTervescence était à redouter, à Tours ou à Orléans par exemple, Necker, pour une raison d’économie imprudente et mesquine, le fit placer à Versailles.

C’est là qu’ils se réunirent en elTet le."> mai 1789. La veille, une grande procession avait parcouru la ville. Le silence glacial qui avait accueilli la Reine, les applaudissements qui avaient salué le duc d’Orléans, ennemi affiché de la Cour, ne révélaient que trop l’esprit qui animait la population. Aussitôt les difficultés commencèrent. Necker avait laissé indécise la question du vote par ordre ou par tête et celle de la vérification des pouvoirs. Des négociations s’engagèrent entre les trois ordres ; mais au bout d’un mois, le 17 juin, le Tiers, impatient de ces lenteurs, se proclama seul Assemblée nationale, A la suite de cette « scission désastreuse » — le mot est de Malouet — le Roi, ayant fait annoncer une séance royale pour le 22 et fermer en conséquence la salle des Menus, où se tenaient des séances, le Tiers se réunit dans la salle du Jeu de paume, et là, irrité contre la Cour, exaspéré par les bruits de coup d’état qu’on répandait, lit serment de ne pas se séparer, avant d’avoir donné, avec ou sans le Itoi, une Constitution à la France. Prétention audacieuse, que n’autorisaient ni les mandats des députés ni les principes constitutifs des Etats Généraux, et que ne lardaient pas à regretter ceux mêmes qui, comme Mounier, en avaient été les initiateurs.

Le Ilot était déchaîné. Le Roi, dans son discours du 28 juin, eut beau annoncer la plupart des réformes réclamées par les Cahiers ; on tint moins compte de ce qu’il accordait que du silence qu’il gardait sur certains points. Les prétentions avaient grandi et s’étaient exaspérées de toutes les fluctuations du prince et de son ministre, de toutes les faiblesses qu’on sentait sous le ton, ferme en apparence, et même en quelques endroits cassant, de son discours.

Dès lors, les événements se précipitent. Le 1 1 juillet, Necker était invité à donner sa démission, et un ministère était constitué, sous la présidence du baron de Breteuil. La nouvelle, répandue à Paris, y produisait une émotion extraordinaire. La foule s’assemblait au Palais Royal, brûlait les barrières, pillait le couvent des Lazaristes. Le 14, après avoir enlevé les armes des Invalides, elle s’emparait de la Bastille, qui n’était pas défendue, massacrait le gouverneur, de Launay, et le prévôt des marchands, Flesselles. « C’est donc une révolte ? » demandait Louis XVI au duc de Liancourt, qui lui annonçait les événements. — « Non, Sire, c’est une révolution », répondait le duc.

Le 17, le prince se rendait à Paris pour calmer l’elTervescence ; il y était reçu en vaincu plutôt qu’en roi. Necker était rappelé, mais ne ramenait ni la paix ni la confiance. L’agitation delà capitale gagnait les provinces ; des bruits sinistres, propagés on ne sait par qui, mais avec toutes les apparences d’un mot d’ordre, y répandaient la terreur et l’effervescence ; on pillait les châteaux ; on massacrait les châtelains soupçonnés être hostiles à la Révolution ; on parlait d’envahir Versailles. Le gouvernement,