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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/24

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LOURDES (LE FAIT DE)

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tortures de chaque jour, aux insultes des geôliers il n’opposa que la plus admirable sérénité et la plus chrétienne résignation. Il souffrait plus que tout autre de cette réclusion, lui qui avait tant besoin d’air et de mouvement ; il souffrait de voir souffrir sa famille ; il souffrit plus encore, quand on le sépara de sa femme et de ses enfants. Il lisait beaucoup, donnait des leçons à son lils et jouait au trictrac avec Mme Elisabeth. Il priait beaucoup aussi et se montrait strict observateur des lois de l’Eglise. Les municipaux, qui le gardaient, étaient émerveillés de sa patience, de sa bonté, de son instruction solide et étendue. Les injures des journaux, que quelques-uns se faisaient un plaisir malsain de lui montrer, le laissaient froid : « Les Français, disait-il, sont malheureux de se laisser tromper ainsi. »

Le 3 décembre 1792, la Convention, qui avait succédé à la Législative, décida que Louis XVI serait jugé et qu’il serait jugé par elle. Le 1 1. le maire de Paris, Chambon, vint donner lecture au prisonnier d’un décret portant que Louis Gapet serait jugé par la Convention nationale, « Capet n’est pas mon nom, dit le Roi, c’est celui d’un de mes ancêtres ». Il consentit cependant à se rendre à l’Assemblée et là discuta avec un rare sang-froid les griefs qui lui étaient imputés. Il choisit comme conseils Tronchet et Malesherbes, qui s’adjoignirent un jeune avocat de talent, de Sèze. En même temps, n’ayant aucune illusion sur le sort qui lui était réservé, il lit prévenir un prêtre dont sa sœur lui avait donné le nom, l’abbé Edgeworth de Firmonl. Le 25, jour de Noël, il lit son testament, cet admirable monument, a-t-on dit justement, « d’un cœur d’honnête liommeetde héros chrétien ». Le 26, il comparut devant la Convention ; de Sèze prononça un admirable discours, dont le Roi avait supprimé la péroraison. « J’espère peu les persuader, avait-il dit ; mais je ne veux pas les attendrir. » Le 16 janvier seulement, l’Assemblée prononça son arrêt ; l’appel nominal dura jusqu’au 17 au malin. Trois cent soixante-six députés, les uns par haine, les autres par peur, sous les menaces et les vociférations des tribunes, votèrent la mort. Quand Malesherbes vint l’annoncer au Roi : » Depuis" deux heures, dit-il, je cherche si j’ai donné volontairement à mes sujets quelque juste motif de plainte. Je vous le jure en toute sincérité, je ne mérite de la part des Français aucun reproche ; je n’ai jamais voulu que leur bonheur. » Le 20 janvier, à 3 heures du soir, la Convention rejeta toute demande de sursis, et le même jour, le ministre de la justice. Garât, vint le signifier au condamné.

Le soir, le Roi put voir sa famille ; ce fut une douceur, mais plus encore un supplice. Les princesses et les enfants éclataient en sanglots ; le Roi, cruellement atteint, mais se résignant et se raidissant, recommanda à son lils de ne jamais venger sa mortî puis, s’arrachant à cette déchirante entrevue, il se retira dans son cabinet avec l’abbé de Firmont. Il se jeta sur son lit et dormit paisiblement. Le 21, à cinq heures, son ûdèle domestique Cléry, l’éveilla. Il s’entretint encore avec son confesseur, entendit la messe et communia.

A 9 heures, Santerre parut : « Vous venez me chercher ! dit le Roi ; attendez. » Il rentra un instant dans la tourelle, demanda une dernière bénédiction au prêtre, puis revenant aux municipaux : c Partons », dit-il. Pendant le trajet du Temple à la place de la Révolution, il ne cessa de prier. Quand il fut arrivé à l’échafaud, il descendit tranquillement, enleva ses vêtements, voulut s’opposer à ce qu’on lui liât les mains, mais, sur une observation de l’abbé, se résigna à ce dernier outrage ; puis, s’avançant au bord de l’échafaud : Je meurs innocent, s’écria-t-il d’une

voix forte ; je pardonne aux auteurs de ma mort et je prie Dieu que mon sang ne retombe pas sur la France. » Santerre se précipita, donnant aux tambours l’ordre de battre pour étouffer cette voix importune. Les bourreaux s’emparèrent du condamné le poussèrent sous la guillotine, dont le couteau retomba. Le lils de saint Louis était monté au ciel ; il était dix heures vingt-deux minutes du matin.

Indications bibliographiques. — Louis A’VJ, par le Comte de Falloux ; Louis XVI, étude historique, par Marins Sepet ;.Ju couchant de la.Uonarc/ne, par le Marquis de Ségur ; les Correspondances de Marie-Antoinette, Marie-Thérèse, Joseph II et Léopold 11, publiées par M. le chevalier d’Arneth et MM. Geffroy et Flammermont ; le recueil du regretté Marquis de Beaucourt, sur la Captivité et les derniers moments de Louis AVI, les innombrables Mémoires sur le XVIII’siècle et la Nétolution, publiés dans les collections Barrière, Lescure, etc. On nous permettra d’y joindre l’Histoire de Marie- Antoinette, par Max de la Rocheterie et les belles études de M. P. de Nolhac sur Marie Antoinette, dauphine et reine.

Max de la Rocheterib.


LOURDES (LE FAIT DE). — Sur le fait de Lourdes, on peut examiner trois questions, dont la première est une sorte d’introduction : I. Lourdes et l’apologétique ; II. Les apparitions de Lourdes ; III. Les guérisons merveilleuses de Lourdes,

I

Lourdes et l’Apologétique

Le fait de Lourdes se relie étroitement à l’apologétique. Il s’y relie de deux manières. D’abord, s’il est prouvé que la Sainte Vierge soit apparue réellement, peu après avoir été proclamée immaculée par une définition solennelle du Souverain Pontife, et qu’interrogée sur elle-même elle ait répondu : a Je suis rimmaculée Conception », on est obligé de reconnaître que Dieu a ratifié la décision du pape et allirmé, aux yeux de tous, l’autorité et la vérité de son enseignement.

Mais l’apologétique tire surtout un profit incomparable des guérisons prodigieuses, dont la Grotte pyrénéenne est le théâtre presque permanent. Car ces guérisons sont un argument sensible et éclatant, en faveur de l’existence du surnaturel. Elles établissent que Dieu est le maître souverain des lois physiques, de la santé et de la maladie, de la vie et de la mort, et qu’il intervient personnellement, quand il lui plaît, dans le jeu des forces naturelles : il donne à leur action une rapidité et une puissance dont elle est incapable, abandonnée à elle-même, ou bien au contraire il en arrête brusquement les effets.

La conclusion naît d’elle-même : tout ne se fait pas ici-bas par les lois de la nature ; au-dessus des agents visibles, il existe un agent invisible, qui leur est supérieur, qui les dirige où il veut, qui les maîtrise à son gré et qui, au besoin, se passe d’eux.

Et cet Être, plus puissant que les lois, ne prouve pas seulement qu’il est, puisqu’il agit ; il montre qu’il a partie liée avec l’Eglise, qu’il l’approuve et la protège. S’il fait des miracles, en effet, c’est pour répondre aux prières qu’elle enseigne ; le plus souvent même, c’est au cours d’une cérémonie qu’elle a établie, qu’elle recommande et qu’elle préside. Visiblement, il est avec elle. Les faits divins de Lourdes sont ainsi autant de lettres de créance, données à l’Eglise et qui garantissent son autorité.