Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

37

LOURDES (LE FAIT DE)

38

L’apologétique a donc le plus grand intérêt à les étudier.

Mais il faut qu’elle se garde avec soin des exagérations de la foule, soit par respect pour la vérité, soit par un sentiment de prudence, rien n’étant plus dangereux pour la cause qu’elle entend servir. Dans l’exposition et la discussion de ces merveilleux événements, l’apologiste doit apporter, avec une loyauté absolue, un esprit critique qui se défende de tout entraînement. Il s’appuiera toujours sur les documenls, contrôlera sévèrement les témoignages, et, dans l’interprétation d’un fait extraordinaire, ne recourra à la cause surnaturelle que dans le cas où toute autre lui apparaîtra certainement impuissante.

C’est dans ces conditions que nous allonsexaminer les apparitions de la Sainte Vierge à Bernadette et les guérisons miraculeuses, qui les ont suivies’.

II

Les Apparitions

Les iwiTs. — Bernadette.Soubirous avait quatorze ans, en 1858. Elle était lille d’un très pauvre meunier de Lourdes, chez qui le bois manquait l’hiver. Or ce jour-là, i i février, le froid était rigoureux. L’enfant sortit, avec sa sœur aînée et une de leurs amies, pour aller ramasser des branches mortes sur les bords du Gave. Comme elles arrivaient en face d’une grotte, qui s’ouvrait dans les roches Massabieille, elles se trouvèrent prises entre le torrent et le canal d’un moulin, qui s’y déversait à cet endroit et les enfermait ainsi dans une île, sans qu’elles pussent continuer leur route le long de la rive.

Les deux compagnes de Bernadette étaient nupieds dans leurs sabots. Elles citèrent leurs sabots et franchirent le lit du canal, presque vide à ce moment. Mais Bernadette portait des bas, à cause d’un asthme dont elle souffrait. Elle commença donc à se <léchausser, tandis que sa sœur et son amie longeaient le Gave.

Tout à coup l’enfant entendit un grand bruit, pareil à un bruit d’orage. Elle releva vivement la tête, cherchant d’où ce bruit pouvait venir. Tout était calme et silencieux autour d’elle. Mais presque aussitôt le même bruit frappa de nouveau ses oreilles, et, en face d’elle, de l’autre côté du canal, à quelques pas du lieu où elle était, elle aperçut un églantier, adossé à la paroi extérieure delà grotte, s’agiter comme sous le souille d’un vent violent.

En même temps, un nuage d’or sortit de l’ouverture du rocher et une femme apparut, au-dessus de l’églantier, dans l’anfractuosité naturelle, dont il tapissait le bord inférieur de ses branches.

« Elle était jeune et belle, dit Bernadette, belle surtout, 

comme je n’en ai jamais vu. Elle me regardait, me souriait, me faisait signe d’avancer sans aucune crainte et, en effet, je n’avais plus peur, mais il me semblait que je ne savais plus où j’étais. »

La voyante a souvent décrit le phénomène avec précision. « La Dame, disait-elle — c’est le nom qu’elle donnait à l’apparition — la Dame a l’air d’une jeune tille de seize à dix-sept ans. Elle porte une robe blanche, serrée à la ceinture par un ruban bleu, qui glisse le long de la robe, presque jusqu’aux pieds. Sur sa tête, un voile blanc laisse à peine apercevoir les cheveux ; il retombe en arrière, enveloppe

1. On a le droit d’employer le mot miraculeux pour un assez grand nombre de ces faits, puisqu’ils ont été déclarés tels par l’autorité épiscopale, dan » beaucoup de diocèses. Quant aux autres, si le mot vient dans ces pages, nous nous faisons un devoir de déclarer d’avance, conformément au décret d’Urbain VlU, qu’en l’employant nous n’entendons pas préjuger les décisions de l’Eglise.

les épaules et descend au-dessous de la taille. Les pieds nus, que couvrent en grande partie les derniers plis de la robe, portent chacun à leur extrémité une rose couleur d’or. Elle tient, sur le bras droit, un chapelet aux grains blancs et dont la chaîne d’or brille comme les roses de ses pieds. »

L’enfant avait pris elle-même son chapelet et était tombée à genoux. La « Dame x la regardait prier, unissant sa voix à la sienne, quand elle disait : « Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit. » Le chapelet fini, elle sembla rentrer dans l’intérieur du rocher, et le nuage d’or disparut avec elle.

Telle fut la prendére apparition. Dix-sept autres la suivirent. On en compta dune dix-huit, dont voici les dates : ii février, 14, 18, ig, 20, 21, 23, 24, 26, 26, 27, 28 ; i<"- mars, 2 mars, 4 mars, 25 mars, 7 avril, 16 juillet.

Quelle était l’attitude de Bernadette, durant la vision ? Nous pouvons en juger par ce que M. Estrade, receveur des contributions à Lourdes, raconte de la septième apparitii ii, à laquelle d’ailleurs il s’était rendu en sceptique :

« Bernadette, dit-il, se mit à genoux. Pendant

qu’elle faisait glisser entre ses doigts les premiers grains de son chapelet, elle leva sur le rocher un regard interrogatif, traduisant les désirs impatients de l’allcnte. Tout à coup, comme si un éclair l’avait frappée, elle fit un soubresaut d’admiration et parut naître à une seconde vie. Ses yeux s’illuminèrent et devinrent étincelants ; des sourires scraphiques apparurent sur ses lèvres ; une grâce indéfinissable se répandit sur toute sa personne ; Bernadette n’était plus Bernadette… Après les premiers transports provoqués par l’arrivée de la Dame, la voyante se mit dans l’attitude d’une personne qui écoule. Ses gestes, sa physionomie reproduisirent bientôt après toutes les phases d’une conversation. Tour à tour, Bernadette approuvait de la tête ou semblait elle-même interroger. .. L’extase dura envircm une heure. » (Estrade, Les apparitions de Lourdes, 1899, p. 89-90.)

Parmi ces dix-huit scènes, celle du vingt-cinq mars fut particulièrement remartiuable : l’Apparition se nomma. La voyante priait depuis longtemps, quand l’idée lui vint avec persistance de demander à la

« Dame » de vouloir bien lui dire qui elle était.

La « Dame » sourit d’abord sans répondre ; la voyante renouvela humblement sa question une seconde fois, puis une troisième.

« A ma troisième demande, dit-elle, la Dame joignit

ses mains et les porta sur le haut de sa poitrine. .. Elle regarda le Ciel… puis séparant lentement les mains et se penchant vers moi, elle me dit :

« Je suis l’Immaculée Conception. » 

Répété parmi les spectateurs, ce mot fut pour eux comme une révélation lumineuse. Ils tombèrent à genoux, et, au milieu de la foule, sur les bords du Gave, au haut du mamelon, partout, on entendit répéter l’invocation populaire : « O Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous’. »

— La nature des visions. — a) Sincérité de Bernadette. — Que Bernadette ait cru voir ce qu’elle a raconté avoir vii, ce n’est guère contesté de personne. Tous ceux qui l’ont connue ont rendu hommage à sa franchise absolue. Il ne faut même pas excepter les trois médecins, chargés officiellement par le préfet de Tarbes, M. Massy, de trouver en l’interrogeant le prétexte désiré, pour l’éloigner de la ville et en

I. (l’est cette attitude de l’Apparition, ramenant ses mains vers la poitrine et regardant le ciel, attitude reproduite admiiablement devant lui par Bernadette, que le sculpteur Fabisch a essayé de fixer dans la statue de marbre, placée dans la niche de la grotte.