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MODERNISME

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christianisme et le judaïsme » (Etudes évungéliqiies, 1902, p. 76).

Or, cette théorie se trouve réprouvée par la condamnation de la proposition 13 : » Les paraboles é’.'an^éliqites sont des compositions artificielles des évangétistes eux-mêmes, comme aussi des chrétiens de la seconde et de la troisième génération chrétienne ; c’est ainsi qu’ils ont rendu compte du peu de fruit de la prédication du Christ auprès des Juifs, n D’où vient cette liberté prise par les évanj^élistes vis-à-vis de leur sujet ? On nous le dit. « Duns plusieurs de leurs narrations, les J’anf(élistes n’ont pas tant rapporté le s’rai que ce qu’ils ont jugé det’oir être plus profitable aux lecteurs, fût-ce le faux. » (Prop. i !). Cette proposition n’a rien exagéré. N’at-on pas écrit des paraboles, qu’elles ne visaient que t’cditication des lecteurs et se proportionnaient à leurs besoins moraux ? Serait-ce donc qu’aux yeux des évangélistes, la Un justifiait les moyens ? Non, mais ce n’est pas sur la précision historique qu’ils ont fondé le christianisme. Le fait n’était après tout qu’un véhicule, un symbole de l’idée religieuse ; et une fois que celle-ci était entrée dans la conscience chrétienne, peu importait lo voie par laquelle elle y avait pénétré.

On devait aller plus loin dans cette direction, et le grand public ne soupçonne pas à quelles extravagances se sont portés des hommes à qui on donne couramment le nom de « critiques ». Un des livres qui ont eu, ces dernières années, le plus de retentissement dans les milieux où l’on prend intérêt aux études évangéliques, est celui de M. le professeur Wrede (Dus Messiasgeheimniss in den Evangelien, iqoi). Quelle en est l’idée maîtresse ? L’auteur veut y expliquer pourquoi Jésus-Christ recommande à ses amis île se taire sur sa mission messianique. C’est que, dit-il, dans la pensée de Jésus, le peuple ne devait pas savoir que le Messie était au milieu de lui. Le second évangéliste n’aurait pas d’autre but qne d’expliquer de la sorte aux Gentils comment il se faisait que Jésus de Nazareth n’avait pas été acclamé comme Messie par ses j)ropres compatriotes. A cette liii, non seulement Marc aurait habilement groupé les faits ; il en aurait inventé de toutes pièces. Une fois en si beau chemin, on ne devait pas s’arrêter. Hier encore, nous lisions <|ue, si les évangélistes ont raconté que Jésus avait été enseveli dans un tombeau neuf, scellé par ordre de la Synagogue, c’est uniquement parce qu’il leur importait de rendre croyable la résurrection corporelle du Seigneur, qui, du reste, n’a pas eu lieu.

Comme le quatrième évangile a été l’objet d’attaques particulières, que tout le monde connaît, le décret lui consacre trois propositions. La iG’affirme le caractère historique de ses récits, comme aussi des discours qu’il met dans la bouche du Christ. On y réprouve le sentiment de ceux qui ont prétendu que « les narrations de Jeun ne sont pas proprement de l’histoire, mais une contemplation mystique de l’Evangile (à sa’oir du récit fait par les trois premiers ) : les discours, qui figurent dans son é’ungile, sont des méditations théologiques sur le mystère du salut, dépoun’ues de vérité historique ». D’après cette vue, les noces de Cana, par exemple, seraient une pure composition allégorique du quatrième évangéliste, pour donner à comprendre le rapport de l’Evangile et de la Loi. L’ancienne économie était de l’eau en comparaison de la nouvelle ; le Christ est venu servir un vin nouveau à l’humanité religieuse. El pareillement les discours expriment les pensées de l’évangéliste, bien qu’il les prête à Jésus, comme devait faire plus tard l’auteur de l’Imitation. Aux termes du décret, c’est là un sentiment inacceptable ; le quatrième Evangile est historique, ne diiréranl pas essentiellement des trois premiers.

Ce point capital une fois acquis, aux exégètes de voir et de préciser, pour le mieux, la part qu’il convient de faire au mouvement particulier que le génie propre du quatrième évangéliste a imprimé à son œuvre tout entière, surtout aux discours. Ce droit de la critique est aussi ancien que l’exégèse elle-même, puisque la plus haute antiquité chrétienne a caractérisé l’Evangile de saint Jean d’un mot singulièrement significatif, en l’appelant spirituel.

Le décret consacre une proposition, la 17’, à assurer le caractère historique des miracles racontés dans le quatrième évangile. Non seulement ils ne sont pas do purs symboles, créés par l’évangéliste ; mais on ne doit pas dii’c qu’il les a majorés en vue de les mieux faire servir à son but. « Le quatrième Evangile a exagéré les miracles, non seulement pour qu’ils apparussent plus extraordinaires, mais aussi pour qu’ils devinssent de la sorte plus aptes à signifier l’œuvre et la gloire du Verbe incarné. » Ce qu’on interdit ici, c’est, au sujet des miracles, une position intermédiaire entre le pm- symbolisme et le sentiment traditionnel. Elle consiste à tenir que l’évangéliste a plié les faits, et, pour autant, les a dénaturés, pour leur donner une significatiou, ime portée qu’ils n’avaient pas eue, en réalité. Ce qiii n’empêche pas que l’évangéliste ait pu choisir entre les faits à sa disposition, ou entre les différents traits d’un seul et môme fait, ceux qui lui ont semblé plus aptes au but qu’il se proposait.

La proposition 18 résume en quelque sorte les deux précédentes. Jean revendique pour lui, il est vrai, la qualité d’un témoin du Christ ; en réalité, il n’est qu’un témoin, hors de pair, de la vie chrétienne, à savoir de la vie du Christ dans l’Eglise, à l’issue du premier siècle. » Et c’est, en effet, l’attitude que l’on a prêtée au quatrième évangéliste vis-à-vis de son Christ. « Le témoin du Christ qui parle de sa gloire, pour l’avoir vue, et qui la décrit en forme d’histoire symbolique, parce que lui-même l’a conçue de cette manière, n’est, en fait, qu’un témoin spirituel. Il apparaît, et il a besoin d’apparaître comme un témoin réel : sa méthode l’exige et l’intérêt de son œuvre ne l’exige pas moins impérieusement. Une espèce d’équivoque enveloppe donc le disciple anonyme, qui n’est aucun individu déterminé, et qui est pourtant quelqu’un ; qui n’a pas vu Jésus, et qui pourtant a vu le Christ ; qui ne raconte pas l’Evangile, et qui pourtant le décril et l’interprète. Bien qu’il n’y ait pas proprement de fraude, il y a là quelque chose qui serait pour nous un manque de sincérité. Mais ce manque de sincérité ne fut pas conscient chez l’évangéliste… » (.. LoisY, /, e quatrième Evangile, igoS, p. 131 ; cf. 8gi).

3° Le droit de l’Eglise en matière d’exégèse biblique. —

« Le magistère de l’Eglise ne peut pas, 

même par des définitions dogmatiques, déterminer le sens original des.Saintes Ecritures. : (Prop. 4) Cette proposition est en opposition directe avec la doctrine et la pratique de l’Eglise catholique. Saint Irénée, Clément d’Alexandrie et Tertullien rappelaient déjà, avec insistance, que le sens ecclésiastique des Livres saints est une règle inviolable, et qu’il faut s’y tenir. Les Papes et les Conciles n ont pas manqué, à l’occasion, de renouveler les prescriptions anciennes, en décrétant « que dans les choses concernant la foi et les mœurs, qui concourent à l’établissement de la doctrine chrétienne, il faut tenir pour vrai sens de l’Ecriture Sainte, celui qui a été et qui est encore tenu comme tel par notre Sainte mère l’Eglise, à qui il appartient de juger du vrai