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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/32

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LOURDES (LE FAIT DE)

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Tour à tour, ou même à la fois, ils ont placé le principe des guérisons, soil dans la vertu curalive de l’eau de la Grotte, soit dans l’elBcacité de la suggestion, soit dans le mystère des forces du monde, encore inconnues.

Suivons-les sur ce triple terrain.

— L’explication par l’eau de la Grotte. — Pour expliquer par l’eau de la Grotte les effets tliérapeutiques observés à Lourdes, on a fait intervenir les propriétés chimiques de cette eau, ou sa température et les bains froids qu’elle permet, ou enfin, plus récemment, une puissance radio-active, qu’on lui attribue d’ailleurs gratuitement.

La première hypothèse fut exploitée surtout au début. Ce fut l’arme favorite de tous ceux des libres penseurs d’alors, qui voyaient de trop près les événements pour les révoquer en doute. Mais le désenchantement fut prompt. M. Filuol, de la Faculté des sciences de Toulouse, le chimiste le plus en renom du Midi, avait été chargé ofliciellement de faire l’analyse de la source. Le préfet de Tarbes l’avait signalé comme l’homme le plus compétent, d’autant qu’il avait déjà fait des études consciencieuses sur la plupart des eaux minérales des Pyrénées. On attendait impatiemment son rapport. Il vint enlin, et voici quelle en était la conclusion : « Cette eau ne renferme aucune substance active, capable de lui donner des propriétés thérapeutiques marquées. >

Dans la lettre au maire de Lourdes, qui accompagnait son rapport, l’éminent professeur ajoutait que les effets extraordinaires, qu’on assurait avoir obtenus à la suite de l’emploi de cette eau, no pouvaient pas être expliqués par les sels dont l’analyse y décelait l’existence.

Ce fut un coup de massue pour l’opinion qui avait hypothétiquement publié le contraire : elle ne s’en est jamais relevée.

On voudra bien me permettre d’ajouter que je possède une analyse comparée, faite dans ces dernières années, par un homme du métier. Il en résulte que l’eau de la Grotte diffère de l’eau du Gave, mais qu’elle est chimiquement semblable à celle de la fontaine publique, qui se trouve dans la ville. Dès lors, si elle devait à sa composition chimique l’efficacité tliérapeutique qu’on lui reconnaît, l’eau de la ville l’aurait elle aussi, étant d’une composition identique ; or elle ne l’a à aucun degré.

Mais, dit-on, l’eau de Lourdes est froide, et l’on sait qu’en thérapeutique les bains froids ont parfois d’heureux eflets.

Sortons du vague, où la vérité ne trouve jamais une atmosphère favorable ; exprimons-nous avec précision. Quels effets l’hydrothérapie obtient-elle ? Lui arrivet-il, comme à l’eau de Lourdes, de faire disparaître subitement une maladie organique ? — Non, jamais ; cela ne fait de doute pour personne. L’a-t-on vue, par exemple, guérir, en quelques minutes, un large ulcère couvrant les deux tiers de la face externe de la jambe, comme chez Joachine Dehant (v. le certificat du D Froidbise, 19 septembre 1878 ; Histoire critique, p. 156), ou délivrer un aveugle, avec la rapidité de la foudre, d’un double décollement de la rétine qui remontait à sept années, ainsi que Vion-Dury (v. la communication du médecin protestant Dor à la Société française d’ophtalmologie le ï" mai iSgS ; ibid., p. 160), ou coudre instantanément — qu’on pardonne le mot — les bords d’une plaie et tarir pour toujours l’écoulement, dans une ostéite tuberculeuse, comme chez la jeune Clémentine Trouvé, que Zola a vue et qu’il a peinte sous le nom de Sophie Couteau ? (Ihid., p. 269 et suiv.)

L’eau de la Grotte a fait ces merveilles. Quelle autre les fit jamais ?

Supposons même que notre source soit radioactive. C’est une conjecture, une simple conjecture, que rien absolument n’autorise, sinon le besoin qu’ont de l’admettre les adversaires du miracle. Mais entrons-y, puisqu’elle leur plaît, et qu’ils paraissent aimer à se réfugier dans l’ombre propice des forces mal connues et plus mal encore définies.

Raisonnant donc dans cette gratuite hypothèse, je prierai le lecteur de remarquer qu’on peut et qu’on doit affirmer, sur la radio-activité de l’eau, ce qui vient d’être dit sur sa température. Pas plus que l’hydrothérapie, la radio activité n’a jamais produit les cures graves et subites dont on admire le spectacle autour de la Grotte.

Enfin une observation générale s’impose, qui doit dissiper toute équivoque, s’il pouvait en rester une. Que l’on croie à la vertu des qualités chimiques de l’eau de la source, ou à celle de sa température ou à l’efficacité radio-active dont elle serait douée, on est bien obligé de reconnaître que, pour éprouver le bienfait de ces diverses influences, il est nécessaire d’en user. Un malade, qui n’entre pas en contact avec l’élément qu’on en dit chargé, ne saurait en tirer profit, c’est l’évidence même, et, s’il guérit, c’est à une tout autre cause que doit nécessairement être imputée sa guérison.

Or beaucoup de miraculés de Lourdes ont guéri ailleurs que dans les piscines. Que dis-je ? Il est permis d’avancer que, depuis vingt ans, c’est le plus grand nombre. On pourrait même citer bien des malades, qui ont retrouvé la santé, sans avoir pris un seul bain dans l’eau miraculeuse, non seulement au moment de leur guérison, mais dans les jours et les mois qui l’ont précédée. Tel est, pour n’en citer qu’un parmi tant d’autres, le Belge Pierre de Rudder : les fragments de ses os brisés se soudèrent brusquement, à Oostacher, près de Gand, dans une chapelle dédiée à Notre-Dame de Lourdes, sans qu’il eût jamais vu ni les piscines ni les cannettes de la Grotte. (V. Histoire critique de Lourdes, p. 289 et suiv., et, pour plus de détails et une discussion plus étendue, D’A. Drschamps : Le cas Pierre de Rudder, Bruxelles, 191 3.)

C’est donc à une tout autre cause qu’on est obligé d’attribuer l’action prodigieuse dont il bénéficia et dont beaucoup d’autres ont bénéficié comme lui.

— L’explication par la suggestion thérapeutique.

— Une cause de guérison, bien plus souvent indiquée aujourd’hui par les sceptiques que refllcacité de la source, désormais négligée, c’est la suggestion.

La suggestion se présente sous deux aspects : on peut se suggestionner soi-même — c’est /’au’o-sH^geï tion — ou bien subir l’idée suggérée par autrui — c’est Vhétéro-suggestion. Ce dernier terme est d’ailleurs assez rare, et c’est le nom générique, c’est le mot suggestion qui le remplace le plus souvent.

Mais sous une forme ou sous l’autre, le principe de la guérison — s’il y a guérison — est le même toujours. Les suggestionneurs prétendent, en effet, que « toute cellule cérébrale, actionnée par une idée, actionne les fibres nerveuses qui doivent réaliser cette idée » (Bernheim : Hypnotisme, suggestion, psychothérapie, Paris, igoS). Par conséquent, dès qu’on est fortement persuadé qu’on est guéri ou qu’on va guérir, sous « l’action des fibres nerveuses » on guérit en réalité.

Tel est le système ! Voyons si les résultats, où il amène, peuvent sufllre à rendre compte des cures miraculeuses, obtenues sur les bords du Gave.

Pour juger de l’ampleur des résultats, c’est-à-dire de la puissance de la suggestion en thérapeutique, prenons pour base les expériences de Bernhbim, et les conclusions qu’il en a tirées, dans l’ouvrage cité