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NORD (HELIGIONS DE L’EUROPE DU)

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Comme les langues, lies diverses sont les mœurs el les coutumes (les poiiulalioiisde l’Europe du Nord. Les deux groupes wendes dont il vient déjà d’être question ne dillèrent pas seulement de leurs voisins allemands, mais même entre eux, à beaucoup dVjfards, pour la vie domestique et pour le ccjslume. En dépit de traits généraux analogues à ceux des Grands-Polonais, les Mazuriens ont conservé dans leur région foresiicre, comme les Petits-Polonais sur la Yistule supérieure, une originalité marquée et des mœurs locales. De telles dill’érencialions sont bien plus accentuées encore en Russie. Parmi les Slaves eux-mêmes, on constate des traits particuliers à tel ou tel groupe, soit dans la vie domestique, soit dans le caractère ou dans les traditions historiques ; mais combien plus apparentes encore sont ces divergences entre les Slaves et les Finnois ou les Turco-Tartarcs demeurés sur le sol de la Uussiel II y a là juxtaposition de races, dont les unes suivent le mouvement de la civilisation tandis que les autres demeurent figées dans un lointain passé. Tel est le cas pour ces (I Tcliérémisses des prairies », établis entre Vialka el Volga, qui ne sont pas russifiés comme les a Tchéréniisses de la montagne », et dont les femmes ont gardé un costume très pittoresque, avec leurs blouses agrémentées de larges broderies, portant sur le devant deux placpies qui forment cuirasse, el ornées de pièces d’argent qui se sonl transmises de génération en génération, « Un numismate (a écrit naguère Alfred Kamuaud) ferait de merveilleuses découvertes dans ces médaillers ambulants » ; dont la coifTure est également fort curieuse. Non moins remarquable, el rappelant parfois celui des Tcliérémisses, est le costume des femmes tcliouvacbes. Elles se coiffent d’une calotte surmontée d’une pointe, comme un casque sarrasin ; elles portent sur leurs reins une armure composée de cuir el de métal, comme une croupière de destrier ; elles jettent sur leurs épaules, aux jours de fête, un manteau roide et rectangulaire comme une chasuble de prêtre. « Chez ce peuple étrange, nvii- est synonyme de beau, el quand on veut se venger d’un ennemi, on va se pendre à sa porte u (Alf. Kamkaud). Il y aurait également beaucoup à dire sur le costume et les ma’urs des Votiaks, un peu plus orientaux encore. Comment, dans de telles conditions, ne pas trouver parmi les populations du Nord-Est de l’Europe la plus grande variété de religions ? On jie j)ourrait s’étonner que dn contraire, el, de l’ait, on y constate 1 existence et la juxtaposition de croyances forl nombreuses el très dillérenles les unes des autres.

Il n’est pas exagéré de dire que les voyageurs y ont renconlré naguère, dans des temps où la science de l’histoire des religions n’était pas en honneur — de là 1 imprécision et la pauvreté de nos connaissances — tous les stades de 1 évolution religieuse. Alors les territoires de la Russie el de la Scandinavie, les pays sarmates, germains et belges étaient habités [lar des tribus i)ratiquant les vieilles religions païennes : finnoises, slaves, Scandinaves et germaniques. Peu à peu, sous l’action de conquêtes répétées et d’évangélisations très dis|iarates venues de Byzance au Sud, de la Gaule franque à l’Ouest et des pays musulmans au Sud-EsL, ces vieilles religions ont cessé de vivre, c’est-à-dire de prospérer ; elles ont reculé el même, la civilisation aidant, elles ont en grande partie disparu. Néanmoins, multiples sont encore les vestiges de l’ancien étal leligieux dans la contrée. Depuis l’animisme le plus primitif et le plus grossier, le chamanisme des Samoyèdes riverains de la mer Glaciale, jusqu’au monothéisme musulman, qui ne reconnaît « de Dieu que Dieu, dont Mahomet est le prophète », on passe, sur les terri toires de l’Europe du Nord, par de véritables degrés intermédiaires ; dans certains cantons de la Russie, en effet, subsistent encore des épaves des anciennes religions finnoises et slaves animistes, fétichistesou anthropomorphiques. El ces épaves ne subsistent pas seulement dans les limites géologiques ou géogra ])hiques que nous avons indiquées tout à l’heure ; on en constate également la trace plus au Sud, partout où se rencontrent de vielles populations slaves. El voici à côté d’elles, sans parler du Judaïsme, voici d’autres religions qui les dominent de toute la supériorité que leur donne un fadeur tout nouveau el sans attaches dans le jiassè. Toutes, à des degrés différents, procèdent delà Révélation chrétienne, el l’orthodoxie russe avec ses diverses secies, et les innombrables confessions protestantes des Pays-Bas, de l’Allemagne et des pays Scandinaves, et enfin le Catholicisme, Ce sonl là, à l’heure actuelle, avec l’islamisme au<]uel adhèrent les Turco-Tartares, les religions vraiment vivantes de l’Europe septentrionale.

De ces religions dominantes, il ne sera pas question dans les pages qui vont suivre : islamisme, religion grecque orthodoxe, sectes protestantes et surtout Catholicisme fournissent en effet la matière de presque toutes les études que contient ce Dictionnaire. L’apologétique ne se soucie guère, par contre, des antiques religions des pays du Nord de l’Europe. Ces religions n’onlelles jias totalement disparu ? ou, blessées à mott, n’aclièvent-elles pas de s’éteindre, étouffées par les j)rogrès de la grecque ou de la musulmane ? Elles méritent cependant un souvenir. Il convient de tracer un rapide aperçu de ce qu’elles furent ou de ce qu’elles demeurent encore de nos jours.

U. Le domaine des religions de l’Europe du Nord. — Mais peut-on, pour tracer ce bref tableau d’ensemble, négliger certains groupes de population slave ou germanique, parce qu’ils se trouvent situés au Sud des limites géologiques ou géographiques que nous avons indiquées tout à l’heure ? La chose nous semble impossible. En réalité, au point de vue des phénomènes religieux comme des phénomènes ethnologiques el ethnographiques, l’Europe septentrionale s’étend plus loin qu’aux points de vue géologique et géographique : elle comprend tous les pays où se trouvent de vieilles populations appartenant aux groupes des Slaves de l’Est et des Slaves du Nord, la Petite Russie et la Russie blanche, et les parties de la [’ologne siluées au Sud de celles dont nous avons ])arlé plus haut. De même encore, elle englobe le domaine de toutes les vieilles populations germaniques, à l’Ouest el au Sud de la Bohème cl des monts de Thuringe, et donc la Haute comme la Basse Allemagne. Là, en ell’et, subsistent encore, dans les croyances et dans les traditions populaires, de curieux vestiges des antiques religions germaniques, en l’ranconie, en Sovialie, en Bavière, elc.

Etendons donc encore le champ primitif de notre élude ; au double point de vue ethnique el religieux, l’Europe se|)tenlrionalc est en effet beaucoup plus vaste que nous l’avons constaté d’abord. Elle atteint les rivages qui, au Sud de la plaine russe, sont baignés par les Ilots de la Mer Noire ; par delà le môle jiroéminent des Karpates et de la Bohème, elle va jusqu’aux vallées alpestres de la Bavière. Elle gagne ensuite, au long du Rhin, les plaines flamandes, et, en face d’elles, celles de l’île de Bretagne, laissant à l’Ouest le domaine des religions celtiques, qui sont celles de l’extrême Europe occidentale.

Nous ne nous occuperons jias de ces dernières, qui mcritenl à tous égards une élude particulière. Les autres suniront, à elles seules, pour retenir, si