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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/58

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MARIAGE ET DIVORCE

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N’est-il pas inconlestable que la nécessité de les empêcher est le signe et la preuve qu’il existe un pouvoir correspondant d’y porter remède ?

Mais ce pouvoir, à qui appartiendra-t-il ? A l’autorité familiale ? Le plus souvent elle serait impuissante et, d’ailleurs, elle varierait à l’infini dans ses décisions. A l’Eglise ? Mais elle ne se reconnaît pas de puissance législative sur les non-baptisés. A une autorité naturelle d’ordre religieux ? Mais où donc existe-t-elle, avec un mandat officiel ? En dehors des cas où elle vient de Dieu, par institution positive et révélée, l’autorité d’ordre privé est un attribut et un devoir du chef de famille ; celle d’ordre public, un attribut et un devoir du chef de la société. Il reste donc que ces pouvoirs sur le mariage fassent partie, comme élément nécessaire au bien social, de l’autorité conférée par la loi-naturelle à l’Etat civil.

On pourra cependant discuter encore — mais ceci n’a qu’une importance secondaire — sur la nature du titre auquel l’Etat reçoit ce pouvoir sur le lien conjugal. Cette puissance rentre-t-elle dans les attributions d’ordre civil ou d’ordre religieux ? Celte dernière manière de voir cadre logiquement avec l’opinion des théologiens qui regardent le mariage naturel comme une institution de caractère religieux ; la première est soutenue par les théologiens de l’école opposée. Il n’y a pas lieu d’insister sur un point aussi controversé.


II. — Le mariage chrétien ou le contrat-sacrement

1° Le mariage chrétien est un sacrement. — Jésus-Christ, en exécution de sa mission, reçue de Dieu, d’organiser l’Eglise et de constituer l’œuvre de sanctification des fidèles, a étendu au mariage l’exercice de son pouvoir législatif souverain. Certaines de ses dispositions touchent le seul mariage entre baptisés ; d’autres, même le mariage entre nonbaptisés.

Entre baptisés, le mariage a été élevé à la dignité de sacrement, c’est-à-dire de signe représentant la grâce et, de plus, la produisant.

Que le mariage soit un sacrement, la chose est définie par le Concile de Trente (sess. xxiv, can. i) ; qui le nie, est hérétique. La même doctrine est enseignée par la tradition ecclésiastique et solidement fondée sur l’enseignement de S. Paul. Dans l’épître aux Ephésiens (v, 31), en effet, le mariage est présenté comme un grand mystère, à raison de son rapport au Christ et à l’Eglise. Or l’union du Christ à son Eglise tend tout entière à la sanctification de ceUe-ci (Epli, v, 26-28). Si donc l’union du mari à sa femme en une seule chair (Gen., 11, 24 et Epli., v, 31) tire toute sa grandeur de sa ressemblance à l’union du Christ et de son Eglise, ce ne peut être que parce qu’elle tend aussi à signifier et à produire une œuvre de sanctification. Si, d’ailleurs, le prêlre est consacré chef de la famille spirituelle par le sacrement de l’Ordre, n’est-il pas convenable que les fondateurs de la famille naturelle reçoivent, eux aussi, la quasi-consécration d’un sacrement ? Et si les sacrements sont institués pour répondre à des besoins spéciaux de secours surnaturels, la vie du mariage, à raison de ses graves obligations, n’a-t-elle pas droit à un secours spécial ?

Sans insister davantage, notons que, d’après la théologie catholique, le sacrement n’est pas un nouveau rite ajouté au mariage. Il s’identifie avec le contrat, auquel Jésus-Christ a attaché la signification de la grâce et a conféré le pouvoir de produire ce qu’il signifiait : 1e sacrement, c’est le contrat élevé en dignité, devenu signe et cause de la grâce.

Tout mariage enlre baptisés est sacrement et possède en lui la vertu de conférer la grâce. Les ministres du sacrement sont les époux eux-mêmes : ils confèrent le sacrement en faisant le contrat, par l’échange du consentement mutuel. De là cette conséquence, que toute personne, qui contracte un mariage valide, administre et reçoit un sacrement ; mais qui voudrait, par contre, d’une volonté prédominante, exclure le sacrement, ne ferait pas un contrat valide. >

Le mariage des infidèles n’est pas un sacrement. Si deux infidèles mariés se convertissent, leur mariage précédent est-il élevé à la dignité et à l’efficacité de sacrement ? Si un seul infidèle se convertit, ou si un fidèle, avec dispense, épouse une infidèle, y a-t-il sacrement pour la partie fidèle ? Autant de questions librement débattues entre les théologiens.

2° Caractères du mariage chrétien. — A) Sa dignité. — Honnête dans son institution naturelle, et grand parce qu’il est l’exercice d’une faculté créatrice communiquée par Dieu à l’homme, parce qu’il a pour fin la propagation de l’espèce humaine, le mariage, aux yeux de l’Eglise catholique, a été encore ennobli par la présence de l’Homme-Dieu aux noces de Cana, par son élévation au rang de sacrement, par la relation du symbolisme que les Livres saints ou les Saints Pères lui ont marquée avec l’union du Christ et de l’Eglise : Eve, formée pendant le sommeil d’Adam, représente l’Eglise née du côté du Christ, nouvel.dam endormi sur la croix ; le mari est le chef de sa femme, comme le Christ est le chef de son Eglise ; le mari a le devoir d’aimer sa femme, comme le Christ a aimé l’Eglise et s’est livré pour elle, etc.

Ainsi l’Eglise a défendu jadis le mariage contre les hérétiques ou manichéens, qui le condamnaient comme propageant un principe mauvais, la chair. Elle défend encore sa dignité contre ceux qui voudraient lui assigner une origine purement conventionnelle et en faire, dans les théories évolutionnistes, une forme raffinée et artificielle des accouplements libres et passagers des animaux.

Mais l’Eglise, si elle honore l’état conjugal, le place i)ourtant au-dessous de la virginité et de l’état auquel elle est liée. Pourquoi ? Parce que l’état de mariage, forcément mêlé aux préoccupations d’intérêts terrestres, donnant une part très considérable à la vie des sens inférieurs, distrayant donc inévitablement de la vie supérieure, se propose comme but principal la propagation de la vie corporelle. La virginité, tout au contraire, s’élève au-dessus de ces intérêts, de cette vie des sens, pour se disposer et s’adonner exclusivement à la vie supérieure de l’esprit, et s’unir d’autant plus étroitement à Dieu, dans la contemplation, qu’elle est plus dégagée des préyccupations, des plaisirs et des biens terrestres.

Le célibat chrétien n’est pas seulement une condition de plus grande perfection personnelle, il est encore une condition de plus haute et de plus large fécondité de la fie sociale. La paternité et la maternité des âmes d’éducateurs et d’éducatrices, des âmes vouées à l’assistance de toutes les misères physiques et morales, vaut bien celle qui a pour terme la vie des corps ; et, de plus, le cercle d’action du religieux et de la religieuse est d’autant i>lus étendu que nul devoir de famille propre ne l’attache à un foyer unique. Ceux là peuvent s’occuper de toutes les familles, qui n’ont pas de famille à laquelle ils se doivent exclusivement.

B) Son unité. ^ La loi naturelle, d’elle-même, selon l’interprétation des théologiens catholiques, est