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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/581

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ORDINATION

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date, l’Eglise arménienne ordonnait par)a simple imposition des mains, comme toutes les autres Eglises « l’Orient.

Dans le domaine syriaque, le développement liturgiiiiie s’est poursuivi selon trois directions principales que, ])our faire court, on peut rattacher aux noms desJacol)iles, des Maronites et des Nestoriens. Quel que soit le type tonsidoré, le rite syriaque possède, comme élément fondiimental, l’imposiliun des mains accompagnce d’une prière. Qu’il s’agisse des Jaoobiles monophysilcs, des Maronites catholiques, des Nestoriens, ce thème est identique. Làdessus, chaque communion a plus ou moins brodé : tradition de vêterænls (mais non des instruments du sacrilice) ; onctions, etc. Le rituel maronne se dislingue par une e.xtrème prolixité ; il multiplie les impositions de mains et les oraisons. En plus de l’imposition des mains essentielle, on en compte cinq pour le diacre, trois pour le prêtre trois aussi pour l’évéque. Ce sont là manifestement cérémonies adventices. Il faut en dire autant de la Iradilion du livre des évangiles pour l’ordination du diacre, selon le rituel neslorien : cette cérémonie, que n’acconipague aucune oraison, représente, à l’état embryonnaire, la tradition des instruments qui s’est largement développée dans le Pontilical romain.

Le rite copte observe, dans ^’ordination, une sobriété antique. A part l’imposition des mains et l’oraison correspondante, il ignore toute cérémo nie. Nulle tradition d’instruments ; pas d’imposition des mains Unale avec la formule impérative :

« Reçois le Saint-Es])rit. u

La validité des ordinations accomplies dans ces dilt’érenls rites, selon la forme propre à chacun d’eux, n’a jamais été mise en question par l’Eglise romaine. Cliacun d’eux possède, iians son rituel, un instrument propre à la transmission du pouvoir d’Ordre. Et l’on vient de voir que, exception faite pour le rituel arménien, qui se compliqua, au xii’siècle, [lar la tradition des instruments, empruntée à l’Eglise latine, tous témoignent d’un état liturgique primitif où le rite unitiue de l’ordination sacerdotale était l’imposition des mains de l’évéque avec une oraison appropriée.

Le niènie témoignage se retrouve dans les plus anciens livres liturgiques de l’Eglise romaine : sacramenlaires Léonin, Gélasien, Grégorien ; Ordines liomaiii ; /’(iniificdlia. Jusqu’au ix." siècle, tous retracent un étal de la liturgie où l’imposition des mains paraît être le tout de l’ordinali.m.

Ces faits ne sont pas nouveaux. Le mérite singulier du carilinal Van Rossum est de les avoir groupés en la synthèse la plus lumineuse qu’on eût encore réalisée. C’est aussi d’avoir serré de plus près la ilalequ’il faut assigner aux origines de la nouvelle liturgie latine du sacrement de l’Ordre.

Le rite de la tradition des instruments paraît faire son apparition au x" siècle. On le rencontre pour la première fois dans un recueil lituigique d’origine italienne, composé vraisenddiiblementnon loin de Rome, et dans quelques autres recueils du même temps, notamment dans le Ponlitical de Noyon. Au XI" siècle, un Ponlitical de Beauvais, qui ne possède pas ce rite dans son texte, le porte en marge, ajouté parune main plus récente Au xii* siècle, on le trouve presque partout. Au xiii", il continue de s’étendre ; les textes où il m.inque peuvent être tenus pour des exceptions. Ces constatations répondent bien au sentiment de Beunit XIV. qui assigfnait. ii l’intniduclifm de ce rite ilans l’Eglise latine, une antiquité de 700 ans ou, tout an plus. 800.

L’iniroiluciion ne se Qt pas tout d’un coup, ni par mesure législative, mais petit à petit et par des ini tiatives privées. Nous ignorons qui en eut la première idée. On ne cite aucun acte conciliaire, aucun décret papal dans ce sens : mais les évoques du Moyen.-Vge, qui exerçaient sur les livres liturgiques de leurs Eglises respectives un pouvoir très réel, a()préciértnt la beauté expressive de ce rite et voulurent en faire bénélicier leurs lidèles. Ainsi gagnat-il de proche en proche, jusqu’au jour où l’usage, devenu presque universel dans l’Eglise latine, produisit, aux yeux de certains observateurs, l’illusion d’une haute antiquité.

Les auieurs contemporains appuient ces eonclusi <ms, jiar leur silence d’abord, puis par des allusions de plus en plus fréquentes, de plus en plus distinctes, à la tradition des instruments.

Au x" siècle, en vain en cherehe-t-on la trace chez les liturgistes latins Kéginon de Prum, Alton de Verceil, Gerbert (Sylvestre 11), aussi bien que chez le Grec Siméon Méta()hraste.

Au XI’siècle, c’est encore l’imposition des mains,

— elle seule — qui constitue le rite de l’ordination, aux yeux de Gérard de Cand)rai, de saint Pierre Damien, d’Alexandre II, du bienheureux Urbain U, du canoniste Burcliard de omis.

Au xii’siècle, Honoré d’.Yutun, Richard archevêque de Canlorbéry, Pierre le Chantre, Hugues archevèquede Rouen ne font encore allusion qi.’à l’irapositiou des mains ; mais d’autres mentionnent la tradition des instruments et en expliquent le sens ; parmi ces derniers, nous rencontrons quelques-uns des grands noms de la scolastique naissante : Hugues de Saint-Victor et Pierre Lombard. Certains auteurs reflètent, dans leurs écrits, la confusion propre à une époque de transition : tel Yves de Chartres qui, comme canoniste, s’attache au rite traditionnel de l’imposition des mains et, comme prédicateur, explique au peuple le symbolisme de la tradition des instruments. Hildebert de Lavardin, évéque du Mans puis de Tours, et Bandini s’égarent plus loin, en paraissant faire consister l’essence du sacrement de l’Ordre dans le rite, certainement accessoire, de l’onction.

A la fin du xiu" siècle, Guillaume Durand, évéque de Mende, manifeste le changement qui s’est opéré dans les esprits, quand, après avoir décrit, dans son Jiationale divin or Il m (i//icio’um, le rite complet de l’ordination, il ajoute : la tradition des instruments el l’onction constituent la substance du sacrement ; le reste est affaire de solennité.

Comme expliquer ce changement accompli, ainsi que nous venons de le dire, au cours du xiie et du XIII’siècle ? On a vu qu’il ne faut pas essayer de le rattacher à une direction du Saint-Siège, dont il n’existe nulle trace ; mais le silence des auteurs ecclésiastiques, au c<inrs du x" et du xi « siècle, sur les rites essentiels de l’Ordre, l’oubli de l’anllquité chrétienne, l’interruption des relations avec les Eglises orientales, enfin l’inlluence de la prédication populaire, qui s’attachait de préférence aux rites les plus voyants de l’ordination, en modilièrent la perspective, au point que la tradition des instruments, d’origine relativement récente et plutôt obscure, éclipsa dans l’aiipréciation commune le geste priniilif île l’imposition des mains. Dès le milieu du xii « siècle, cf rite était assez accrédité dans l’Eglise latine pour s’imposera l’Eglise d’Arménie.

Plus récente encore, sinon plus myslériense est l’apparition et la mise en honneur d’un autr^^ élément du rituel de l’ordination, la seconde imposition des mains, qui se fait tout » la fin et qu’accompagnent ces paroles : « Reçois le Saint-Esprit ; ceux à rjui tu retm liras leurs péchés, ils Icursont remis… > I, e cardinal Van Rossum ne l’a vue nulle part signalée dans