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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/72

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MARIE, MÈRE DE DIEU

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en faveur de la foi traditionnelle. Car il connaissait sûrement les évangiles de saint Matlbieu et de saint Luc ; s’il s’étailaperçu qu’on voulait introduire, sous le couvert de ces évangiles, une nouveauté, il n’evit pas manqué d’élever la voix, comme il éleva la voix contre l’hérésie de Cérinthe et celle des Ebionites. Disons mieux : en réalité, il a élevé la voix très efficacement. Contre des sectaires qui niaient à la fois la divinité de Jésus et la virginité de sa mère, Jean mit en pleine lumière la divinité de Jésus-Christ : pour ceux qui voulaient bien voir, l’éclat de ce dogme était décisif ; car la divinité a ses exigences : c’était de quoi dissiper toutes les ombres répandues sur la naissance du Seigneur. Au reste, fidèle à son rôle de téuioin, racontant ce qu’il a vu de ses yeux et touché de ses mains (I lo., i, i sqq.), Jean n’a pas coutume de redire ce qui a été bien dit par des témoins autorisés. Il n’est pas revenu sur le précepte du baptême — et pourtant l’entretien avec Nicodème le montre très averti sur ce point (lo., in). Il n’est pas davantage revenu sur l’inslilution de l’Eucharistie — et pourtant le discours sur le pain de vie constitue la meilleure introduction au mystère eucharistique (lo., vi). Devant le mystère de la conception virginale, son attitude est la même. Il ne refait pas l’œuvre de Matthieu ni de Luc, mais il la suppose, et les héritiers immédiats de son esprit, comme saint Ignace d’Antioche, ne s’y tromperont pas. Nous les trouverons parfaitement instruits de ce mystère.

Nous ne voulons pas faire état d’une leçon singulière de loan., i, 13, qui donnerait à la doctrine de la conception virginale un fondement dans le quatrième évangile ; mais quand cette leçon est admise par les adversaires de la conception virginale, il n’est que juste de l’invoquer contre eux. Au lieu du texte reçu : « Ceux qui ne sont pas nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté del’homme, mais de Dieu », cette leçon porte : « Celui qui est né, non pas du sang… mais de Dieu. » Au lieu de : o ? …’s-/sjvr, 6r, ’ : i/.-j, on Ut : oi-..’tr/vi-arfjr,. C’cst-.i-dire quB cette inciseest rapportée, nonauxenfantsadoptifs deDieu, aux chrétiens, mais au propre Fils deDieu, à Jésus Christ. Cette leçon paraît attestée chez saint Ignacb, Ad. Sinyrn., i, i ; chez saint Justin, l Ap., xxxii ; niai., Lxiii ; elle l’est sûrement dans la version latine de saint Irénée, Ads’. llær., ll, xvi, 2 ; xix, 2 ; et chez Tertullikn, De carne C’iristi, xix, qui reproche aux gnosliques valentiniens de suivre l’autre version ; par saint Ambroise, saint Augustin, SulpiŒ SÉviiHB et le codex i’eronensis h des évangiles. .

deuxième siècle, c’est la leçon la mieux attestée. Au jugement d’un exégète aussi ]>eu suspect que J. RÉVILLE, Le quairième évcingUe ^, p. 102, note, Paris, 1902, elle a a l’avantage de donner un point d’appui dans le quatrième évangile à la naissance virginale de Jésus ».Dansle même sens, H. J. Holtz-MANN, Iland-Comnientar zum NT., t. IV-, p. 34. Malgré cela — ou plutôt en porlieà cause de cela —, ces auteurs la rejettent. Nous la rejettons avec eux, bien que pour d’autres raisons. Mais si on l’accepte, comme fait G. Hkrzug cppuyé sur A. Loisy, du moins ne faudrait-il pas la vider de son contenu !

— Gf L. DE Grandmàison, Etudes, t. CXI, p. 515-517.

Mais voici qu’on nous montre, dans le texte authentique du quatrième évangile, la preuve que Jésus était (ils de Joseph. Ecoutons. S.iint Jean ne met-il pas sur les lèvres du futur ap6tre Pliilippe, s’adressant à Nathanaël, ces paroles (lo., i, ï5) :

« Celui dont parle Moïse dans la Loi, et les prophètes, 

nous l’avons trouvé : c’est Jésus, fils de Joseph, lie Nazareth. » Et de rechef, sur les lèvres des gens de Gapharnaiim (/o., VI, li’i) : « N’est-ce pas Jésus,

tils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère ? » —’Tel est l’argument. Que vaut-il’.' Assurément, tous ceux à qui le mystère de l’Incarnation demeurait inconnu, — et ceux-là, bien entendu, c’était tout le monde, en dehors des parents de Jean-Baptiste et peut-être de quelques rares privilégiés — tous ceux-là devaient naturellement tenir Jésus pour le tils de Joseph, puisqu’on l’avait vu grandir sous son toit. Mais on veut que l’évangéliste, en rapportant cet n on dit », l’ait pris à son compte ! Ainsi GuiGNEUERT, Manuel d’histoire ancienne du christianisme ; les origines, p. iC5, Paris, 1906 ; G. Herzog, p. 131 ; etc. — Toute discussion serait superflue. Il est temps d’écouter saint Luc et saint Matthieu.

Luc, J, a6-38.

Au sixième mois (après la conception de Jean le précurseur), l’ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée nommée Nazareth, vers une vierge fiancée à un homme nommé.Joseph, de la maison de David ; 1© nom de la vierge était Marie. L’ange, étant entré chez elle, dit ;

« Je vous salue, pleine de gr ; ice ; le Seigneur est avec vous

[vous êtes bénie entre les ïomniesj. » A ces mots, Marie lut troublée ; elle se demandait ce qu’était cette salutation. L’ange lui dit ; « rs’e craignez point. Marie ; car vous avez trouvé grâce devant Dieu. Voici que vous concevrez dans votre sein et enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus, Il sera grand ; on l’appellera Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père, il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de tin. n Marie dit à lange : « Comment cela se l’eru-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? » L’ange lui répondit : « L’Esjjrit saint viendra sur vous et la vertu du Très- Haut vous couvrira de son ombre. C’est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé Fils de Dieu. Et déjà Elisabeth votre parente a elle-même conçu un fils dans sa vieillesse : ce mois est le sixième, pour elle qui était appelée stérile ; car rien n’est impossible à Dieu. » Marie dit : « Voici la servante riu Seigneur. Qu il me soitfait selon votre parole. » Et l ange la quitta.

D’un point de vue textuel, notons qu’au verset 28 les mots « vous êtes bénie entre toutes les femmes » manquent ici dans d’excellents manuscrits, tels que

Vaticanus B et Sinaiticiis ^. Mais on les retrouve au V. 42 sur les lèvres d’Elisabeth, et là les manuscrits sont d’accord. En tant qu’appartenant à la salutation de l’ange, ils sont une particularité du texte dit occidental.

L’extrême limpidité du récit touchait un critique tel que llenan, et constitue la présomption la plus forte en faveur de son intégrité. Les dillicultés textuelles soulevées par Harnack, Zettsclirijl fur die AJ’liche Wissenschaft, 1901, p. 53-57, contre l’authenticité des versets 34-35, peuvent se ramener à trois points : i2)arlicularités de lexique : la conjonction ÈTTsi ne se retrouve pas ailleurs dans Luc, ni dansée/. ; âio ne se retrouve qu’une fois dans Luc (vu, 7) ; plusieurs fois dans Acl. ; — 2° exigences du contexte : 33 appelle immédiatement 36 ; l’inversion de 34.35 a été dictée parle souvenir de Matt., i, 18-25V et par un désir d’harmonisation avec L « c., I, 31-32 ;

— 3° inconsistance du personnage de Marie : la vierge, partout ailleurs silencieuse, se répand ici en paroles devant l’r.nge. — Nous répondrons brièvement : i° S’il fallait retrancher de l’évangile de saint Luc tous les versets où se rencontre un terme qui ne se représente pas ailleurs, le texte serait étrangement mutilé ; — 2° Si l’on admet — et pourquoi ne pas l’admettre ? ^ que la vierge, prévenue par Dieu de spéciales bénédictions, avait résolu devant Dieu de demeurer vierge, sa question apparaîtra fort naturelle : aux ouvertures qui lui sont faites de par Dieu, elle objecte les droits de Dieu, et attend de Dieu même la conciliation. Il est clair que, si l’on repousse a priori l’hypothèse de l’Incarnation et les voies de Providence-