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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/73

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MARIE, MERE DE DIEU

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deslinées à en procurer In réalisation, le raisonnement ne peut se poursuivre ; reste à savoir ce que vaut une telle lin de non-recevoir ; — 3° Si, parce que cette parole est, dans l’ordre de temps, la première parole de la Vierge conservée par l’Evang-ile, on la déclare inauthentique, il n’y a plus qu’à elfacer toutes celles qui ont suivi, à commencer par le Magnificat. De fait,.M. Harnack — nous y viendrons plus loin

— retranche à Marie le Magnificat et le revendique pour Elisabeth. Mais la base de son argumentation nous paraît entièrement ruineuse. — Un trouvera, sur cette question d’authenticité de Luc, i, 3^-35, d’amples détails chez A. Durand, L’enfance de Jésus Christ, p. 87-96.

La narration, exquise en sa candeur, ne saurait procéder que des propres conûdences de la Vierge, qui reçut la visite de l’ange. Elle présente des traits qui appellent un commentaire.

Marie était fiancée à Joseph. Ainsi entendons-nous le grec l//v>iTT£j//.év> ; v, selon la vulgate desponsatam et les Pères. Par ces tiançailles, fut sauvegardée ultérieurement la réputation de Marie et celle de Jésus. D’ailleurs, la loi juive mettait les ûanccs sur le pied de véritables époux et leur imposait les mêmes devoirs de fidélité, en attendant que la (iancée eût suivi le liancé dans sa demeure (Dent., xxii, 28. 3^). Kien n’oblige d’admettre qu’à la date de l’Incarnation Marie fût déjà sous le toit de Joseph, et saint Matthieu (i, 18-20) paraît exclure positivement cette hypothèse.

Mais pourquoi ces fiançailles d’une vierge qui — on vient de l’apprendre d’elle-même, l.uc, i, 34 —, était résolue à demeurer vierge ? L’Evangile ne fournit pas de réponse positive à cette question. Peut-être Marie était-elle fille héritière, et, comme telle, obligée par la Loi de transmettre l’héritage, avec sa main, au plus proche parent. Cf. Num., xxvi, 6 ; xxxvi, G-12 ; Toï., VI, 1 1 ; VII, 14. On peut conjecturer qu’elle obéit à ses parents, comptant sur la Providence pour la guider ultérieurement dans ses voies. Nous ignorons comment la volonté de Dieu se manifesta ; mais, sans hésiter, nous croyons à une conduite spéciale de Dieu sur Marie.

De fait, par le moyen de ces fiançailles, le mystère de Nazareth demeura ignoré du monde. Saint Ignace d’Antiociie, Ad Ephes., xix, 1, suivi par Obigène, Jn Luc, Hom., vi, P. G., XIII, 1815 A, et par saint Jérôme : In Matt., 1. I, i, P. /,., XXVI, 24 B, ajoute : et du démon.

D’après l’évangéliste, saint Joseph appartenait à la maison de David. Selon les habitudes de langage et de pensée des Juifs, qui tenaient la filiation adoptive pour pleinement équivalente à la filiation du sang, il n’en fallait pas davantage pour que Jésus fût légitimement réputé lils de David. Et l’antiquité chrétienne est presque unanime à reconnaître dans les deux généalogies du Christ, qui nous ont été transmises par saint Matthieu (i, i-iG) et par saint Luc (m, a3-38), les ancêtres de Joseph. Pour la généalogie selon saint Matthieu, il semble qu’il n’y ait place à aucun doute, puisqu’elle aboutit à ce verset :

« Mathan engendra ( e/îvv/îtî. :) Joseph époux de Marie, 

de laquelle naquit Jésus appelé Christ. » A l’exception de Tertullien (De carne Christi, xxii) et de ViCTORiN DE Pettau (fu Apocutypsim, iv, 7-10), qui, par une anomalie bizarre, ont cru trouver en saint Matthieu les ascendants de Marie, les Pères s’accordent à y voir ceux de Joseph. La généalogie selon saint Luc a donné lieu à plus de controverses. Elle s’ouvre parce verset : « Jésus commença (son ministère ) à l’âge de trente ans ; il passait pour fils de Joseph, (ils d’Héli… » Dès lors apparaît la divergence avec le premier évangile, puisque le père de Joseph

s’appelle chez saint Matthieu, Mathan ; chez saint Luc, lléli. Cette divergence n’a pas échappé aux Pères ; ils ont dû chercher à en rendre compte. Dès les premières années du m" siècle, Julhs Africai.n indiquait un principe de conciliation dans les idées courantes des anciens, et très particulièrement des Juifs, en matière de généalogie. La loi du lévirat (Dent., XXV, 5-6), qui assimile complètement la descendance légale à la descendance par le sang, permet d’expliquer que la généalogie de Joseph ait pu être tracée selon deux lignes dilférentes ; pour que son père s’appelle ici Héli, là Mathan, il suffit que cette loi du lévirat intervint à cette génération, l’un des deux noms étant celui du père selon la chair, l’autre celui du père selon la loi ; elle a pu intervenir à d’autres générations encore. D’ailleurs, les deux généalogies passent par David, et ce fait justifie l’oracle messianique, /’s. cxxxi, 11 : « Le Seigneur a juré la vérité à David, il ne s’en départira l)as : du fruit de tes entrailles, je mettrai un fils sur ton trône. »

Sur ce point d’institutions juives, il sera bon d’entendre un auteur israclile. Voici comme s’exprime M. Louis-Germain Lévy, l.a famille dans l’antiquité israclite, p. 196, Paris, 190" » : « Pourquoi cette préoccupation délaisser un lils ? C’est que la seule immortalité qu’on connût alors était la survivance du nom. Le fils né d’un mariage léviratique ajoutait à son nom celui de son père putatif ; de la sorte, ce dernier nom se conservait dans les généalogies. Je leur état/lirai dans ma maison et dans mes murs un monument et un nom qui vaudra mieux que d avoir des fils et des filles pour leur assurer un nom éternel qui ne périra point (/s., Lvi, 5). Le premier fils né du mariage de Ruth avec Booz s’appellera fils de Ma’hlon, fils d’Elimélec (Maillon était le premier mari de Ruth, mort sans enfant). Ainsi le nom du mort ne sera pas retranché d’entre ses frères et de la porte de sa localité (Huth, IV, 10). Noémi, veuve d’Elimélec père de Ma lilon, prend l’enfant, l’appuie contre son sein, et par là déclare l’adopter et le reconnaître comme son descendant légitime et direct. » — Sur la constitution des listes généalogiques chez les Juifs, on peut lire le iiiême auteur, p. 109-117.

La solution exposée par Jules Africain dans sa Lettre à Aristide (ap. Eusèbb, //. E., I, vii, P. G., XX, p. 89-100), et qu’Eusèbe appuie sur le témoignage des 515r : 7’j » 51, parents du Seigneur selon la chair, a recueilli le suffrage de nombreux Pères, parmi lesquels il sufiira de citer saint Augustin, De consensu evangelistarum, II, i, 2, P. L., XXXIV, 1071 : Neque enini propterea non erat appellandus loseph paler Christi quia non eum concnmhendo genuerat, quando qitidem recte paler esset etiam eius quem non ex sua cuniuge procreatum aliiinde adoplasset.

Ces considérations permettent de comprendre pourquoi l’évangéliste, se préparant à raconter la conception miraculeuse de Celui que l’ange appellera Fils de David, note expressément l’origine davidique de son père adoptif et non pas celle de sa mère ; car le père seul importait. Elles expliquent aussi comment la tradition patristique n’a pas fait difllculté d’admettre que nos deux généalogies, celle de saint Luc aussi bien que celle de saint Matthieu, se réfèrent à Joseph, non à Marie. L’importance prépondérante du chef de famille s’affirme à nouveau quelques versets plus loin, à l’occasion du voyage de Bethléem : Joseph s’y rend à titre de descendant de David, Six rô tl-jy.i aÙTÎv’£5 oiy.vj y.yX nuxniy. : , ^y.utiS (Luc, II, 4)î Marie l’accompagne simplement, comme son épouse.

De nos jours, on abandonne souvent l’hypothèse de Jules Africain, poursuivre un autre système, proposé par Grotius, développé par P. Poussines, S.J.,