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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/726

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PAPAUTE

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temps-là ont enseigné à l’unanimité.que les dclinitions pontilicales, même faites en dehors du concile général, obligent à croire leur objet, et que tout jugement sur la foi appartient ûnalement au Siège apostolique. » Opéra omnia, Lyon, 1665, t. XX (supplémentaire), p. 389.

Quant à l’autorité de Gerson lui-même, si grande qu’elle puisse être sur d’autres terrains, — ce qui explique les partisans assez nombreux qu’elle lit au gallicanisme, — « elle est faible en ce qui concerne la papauté, parce qu’il écrivait au temps du schisme ». Ce sont les paroles du docteur de Sorbonne, André ïyirv AI., De s upreina romani pnniificis potestnte, 2' partie, quest. I, édit. Puyol, Paris, 1877, p. io5. Les mêmes causes d’ailleurs qui diminuent l’autorité de ces premiers « gallicans, à savoir la confusion d’idées qui régnait alors dans les esprits, les circonstances extérieures auxquelles ils pliaient leur pensée, peuvent servir aussi à excuser l’ardeur téméraire de leurs innovations, suivant la remarque d’un adversaire, Thyrse Gonzalrz, général de la Compagnie de Jésus : (i Ils voyaient, dit-il, qu’on ne pouvait arriver à linir le schisme qu’en posant en principe la supériorité du concile sur les papes rivaux, et son pouvoir de les déposer s’ils ne voulaient se démettre par leur propre choix ; c’est donc par un saint zèle, et dans un but excellent, que ces docteurs se mirent à exalter l’autorité du concile, el avec succès. Mais ils s’avancèrent imprudemment, quand ils étendirent ce pouvoir du concile jusqu'à un Pape certain et incontesté, ce qui n'était nullement nécessaire à leur grand but : il leur suffisait de dire que l’Eglise oppressée par un tel schisme a le droit naturel d’en sortir et de pourvoir à son unité par une élection certaine, en déposant des papes douteux qui s’obstinent à garder la tiare. Ils eurent le tort aussi d’ajouter d’autres erreurs, par exemple, que le Pape peut se tromper dans ses délinitions de foi, s’il les fait sans la participation du concile. C’est faux, et ce n'était pas nécessaire à leur but : l’infaillibilité d’un Pape incontesté s’accorde parfaitement avec la supériorité du concile sur des papes douteux. ' De infaUibilitate romani puntificis, Rome, 168g', pp. 596, 597.

Cette négation gallicane de l’infaillibilité pontificale, quel accueil rencontra-t-elle parmi les catholiques ? Loin de prévaloir parmi eux, elle se heurta dès son origine à une opposition qui ne devait plus finir, et à une magistrale affirmation de la doctrine traditionnelle, dont nous donnerons quelques exemples : car il est important de montrer que jamais il ne s’est rencontré un consentement unanime de l’Eglise en faveur de l’anti-infaillibilisme.

En -Vngleterre, Wiclbff, précurseur des prolestants, avait nié, au milieu de nombreuses doctrines catholiques, l’infaillibilité pontilicale ; et les docteurs gallicans, si opposés qu’ils fussent à cet hérésiarque, avaient le malheur de se rencontrer avec lui sur ce point particulier. Le carme anglais Tho.mas NRXXBn, plus connu des théologiens sous le nom de WalDBNsis, nous a laissé un grand ouvrage d’apologétique contre toutes les erreurs de son compatriote et contemporain WiclelT ; il soumit son livre en i^aô à l’approbation de Martin V, qui lui donna les plus grands éloges. On y lit, entre autres passages affirmant l’infaillibilité du Pape : « Tous les orthodoxes recourent au jugement du vicaire du Christ, pour avoir enfin la vérité toute pure… Les Pères de l’Eglise regardent sa décision comme d’une vérité irréfragable… Voilà contre quoi blasphème Wicletï… Ce qu’il veut avant tout dans son hérétique folie, c’est que le Pape n’ait pas un pouvoir plus grand que les autres pour déterminer et approuver les vérités catho liques, pour condamner et démolir les constructions hérétiques. » Et Thomas continue en citant au long les témoignages des Pères : Doctrinale jîdei catholicae, t. I, 1. II, c. 47 ; Venise, 1757, col. /|88.

En Espagne, nous trouvons un dominicain, depuis cardinal, Jean de Tohqi’kmada (plus connu sous le nom latin de Turrecre.mata), qui, docteur lui-même de l’Université de Paris, discuta avec les gallicans au concile de Bâle (i 43 1) ; c’est le premier théologien qui ait composé un « Traité de l’Eglise n — souvent cité dans l’Ecole pour son érudition et sa profondeur, et d’ailleurs intéressant pour l’histoire des controverses de son temps. Il donne ce titre à l’un de ses chapitres : « Que le jugement du Siège apostolique ne peut errer dans les choses de foi et nécessaires ausalut. » Summa de Ecclesia, liv. H, ch. cix ; Venise, 156j, p.252. a II convenait assurément, dit-il, que ce Siège, établi d’en haut comme chaire de l’enseignement de la foi, comme soutien de toutes les Eglises dans les choses révélées et nécessaires au salut, reçiit de Dieu même, dont la Providence ne peut se tromper dans l’accomplissement de ses desseins, un don particulier d’infaillibilité i> — don qu’il prouve ensuite par l’Ecriture et les Pères.

En Allemagne, Gabuikl Bikl, d’un grand renom auprès des théologiens des âges suivants, et qui mourut en 1495 après de longues années d’enseignement dans l’université de Tubingue, a laissé des ouvrages où, si dévoué qu’il soit en général à Ockam, fondateur du nominalisrae, il se garde bien de suivre ses assertions héréti(]ues sur la papauté, ou même les thèses du gallicanisme d’alors. Voir, sur la plénitude de juridiction spirituelle dans le Pontife romain, son Expositio canonis missae, Brescia, 1676, p. 146 ; et son Cominentarius in lili. /T Sentent., dist. xvii, q. 2, Brescia, 1574, p. 564, 569, 613. Il ne traite pas explicitement de l’infaillibilité pontificale.

En Italie, à la fin du x' siècle et au début du xvi', un dominicain, Isidore de Isolanis, est l’auteur d’un ouvrage sur l’Eglise, moins important que celui de Torqueiuada, mais curieux parfois par ses allures mystiques. A cette question : « Le jugement du Pontife Romain est-il irréfragable ? >i il répond : « On doit tenir pour irréfragable le jugement d’un Pape véritable el incontesté, s’exerçant juridiquement dans une matière qui concerne la foi ou le salut du peuple fidèle… Le Pape, comme personne particulière, peut errer ; comme pasteur universel et jugeant les choses de foi, il ne le peut absolument pas ; et cela à cause de l’assistance du Christ. » De imperio militnntis Ecclesiae, Milan, 1617, 1. II, lit. vii, q. 2, sans pagination. — Du même payse ! du même ordre religieux, l’illustre cardinal Cajbtan publie, en 1511, un opuscule sur la comparaison de l’autorité du Pape avec celle du concile. Bien qu’il les compare seulement quant au pouvoir de gouvernement, nous y trouvons sa pensée sur l’infaillibilité lorsqu’il réfute les arguments classiques du gallicanisme. Un de ces arguments, plus Imaginatif que logique, consistait à opposer deux tableaux : d’un côté une Eglise splendide l)ar la multitude et les dons variés de ses membres, l’Epouse surnaturellement ornée par l’Epoux ; — de l’autre un pauvre pape, réduit à sa seule personnalité, inférieur de toute manière ! — Et l’on concluait :

« Est-il possible que celui-ci règne en souverain sur celle-là? » Nous rencontrons déjà ce

procédé en 14'5, dans un document de l’Université de Paris, d'.rgentrb, Collectio, t. I, 2' partie, p. 199, 200. Un siècle plus lard, Gajelan renconlrechezles gallicans le même genre de preuve :

« L’Eglise universelle, disent-ils, ne peut errer, tandis que le Pape peut errer même dans la foi, comme

le reconnaît le droit canon ; donc l’Eglise doit tenir