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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/727

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PAPAUTÉ

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les clés la première et d’une manière plus excellente que le Pape, et même elle peut le juger. » On joue sur les mots, répond Gajetan : « Distinguons l’erreur personnelle i/i cret/fnrfo, et l’erreur judiciaire in de/iniendo ; distinguons aussi l’Eglise vraiment universelle, où le Pape est compris, ell’Eglise dite universelle, mais entendue sans le Pape et par opposition à son autorité. S’il s’agit de l’erreur personnelle, certainement le Pape, n'étant qu’une seule personne, peut plutôt se tromper dans la foi que tout le reste de l’Eglise (pris collectivement) : mais ceci est en dehors de la question. S’il s’agit de l’erreur judiciaire sur la foi, alors c’est l’inverse. Enlevez l’infaillibilité du Pape, l’erreur de la communauté tout entière, qui suivrait la sienne, serait pire ; l’erreur du Pape in de/lniendo deviendrait nécessairement l’erreur de toute l’Eglise, de l’Eglise vraiment universelle, comprenant le chef et les membres : puisqu’il appartient au Pape (d’après la tradition) de définir ce qu’il faut croire, pour que tous y adhèrent d’une foi inébranlable. Or il est impossible que l’Eglise universelle erre dans la foi ; donc il est impossible que le Pape se trompe dans un jugement sur la foi, ce qui n’est pas impossible à d’autres (évêques). L’argument se retourne ainsi en notre faveur, et pour le bien général de la foi, le Pape doit être infaillible… Ne nous laissons donc pas tromper par les mots. Dans un jugement sur la foi, ni le Pape, ni l’Eglise, c’est-à-dire le concile général pris en entier (avec son chef), ne peut errer, c’est certain : mais si l’on parle du concile acéphale, je ne trouve rien (qui en garantisse l’inerrance). » Opuscula omnia Thomæ de Vio Cajetani, enise, 161a, tract. I, De anlorilale Papæ et Concilii, c. xi, p. 6. — Un docteur gallican de la Sorbonne, Jacques Almain, fut chargé par le roi de réfuter ce traité de Gajetan ; voir Gallicanisme, col. 224.

Après les livres des grands théologiens d’alors, si nous examinons l’intérieur des Universités, et les incidents qui s’y produisirent au xv » siècle après les conciles de Gonstance et de Bàle, nous voyons bien l’Université de Paris allinner à l’occasion contre divers religieux les principes gallicans sur a Juridiction du Pape et des évêques (cf Gallicanisme, col. aaa) ; mais l’infaillihililé poniiùcale ne semble pas y avoir été mise en cause par aucun incident. Elle le fut en Espagne par lesthèses d’un théologien, Pibkbe d’Osma, qui causèrent grand émoi à Salaraanque où il enseignait, et à Alcala. Les professeurs de ces deux universités déférèrent neuf propositions extraites de ses écrits à l’archevêque de Tolède, primat d’Espagne. Voici la septième : « L’Eglise de la ville de Rome peut errer. » D. B., 'j30. Nier l’infailliljilité de l’Eglise particulière de Rome revient à nier l’infaillibilité spéciale du Pape. L’archevêque examina juridiquement la cause dans un synode de théologiens et de canonistes tenu à Alcala en 1478, où les neuf propositions furent expliquées et défendues par leur auteur et ses quelques partisans, et longuement disculées. On recueillit sous la foi du serinent le suffrage de chacun. A la suite de ce vote, la sentence du prélat condamna toutes les propositions comme hérétiques, erronées, scandaleuses et malsonnantes, d’Argenthr, ibid., p. 299. Pierre d’Osma se soumit, et monta en chaire pour faire son abjuration, que nous avons encore, et à la un de laquelle il déclare

« être de même sentiment que le Siège apostolique, 

ettenirla même foi que le seigneur Sixte, Pape régnant ». SixTR IV, après une enquête sur la procédure et un nouvel examen des propositions par les cardinaux, approuva par une bulle ce qui s'était fait, d’Argkntrk, pp. 300-30a. Il ajoutait sa propre sentence, D. B., ^33.

Tome III.

S" Epoque : La décadence de l’anti-infaillibilisme au XVI' siècle. — Elle s’annonce déjà, même en France, dans la seconde moitié du xv » siècle ; voir Gallicanisme, col. 228. Et il est curieux de voir la Sorbonne prendre la défense de l’infaillibilité du Pape dans la canonisation des saints, d’autant que ce cas particulier de l’infaillibilité pontificale a été parfois plus contesté que les autres. En i/|86, elle condamne maître jEANLAiLLEnà rétracter en public plusieurs erreurs ; entres autres, on lit au procèsverbal de la rétractation : t … Je confesse avoir dit que, si le Pape canonise un saint, je ne suis point tenu de croire sur peine de péché mortel, qu’il soit saint. En quoi j’ai mal prêché, et la révoque (cette proposition) comme scandaleuse, pernicieHse, fausse et hérétique… Et suis tenu de croire au moins pieusement, si le Pape canonise un saint, qu’il est saint. » D’Argknthé, Co//ec<io, t. I, part. ii, p. 31 2. — Innocent VIII félicita la faculté de théologie de son zèle pour l’orthodoxie. Ibid.

La décadence du gallicanisme a lieu surtout au xvie siècle, sous l’influence de diverses causes. La principale est le danger où le protestantisme met l’Eglise, et par suite le besoin qu’on éprouve, même ilans les régions ecclésiastiques atteintes par le gallicanisme, de serrer les rangs et de concentrer toutes les forces autour du chef de la catholicité, ce qui contribue à faire tomber des passions et des préjugés. Dès la révolte de Luther et dans le courant du xvr siècle, l’infaillibilité pontificale (pour nous en tenir striclement à notre sujet) est soutenue comme certaine, souvent même comme étant de foi, par presque toutes les universités catholiques, et la thèse contraire est très sévèrement jugée.

I' Universités. — Nous citerons celles qui étaient situées loin de Rome, en divers pays, pour que leur témoignage soit moins suspect à l’adversaire.

L’université de Gambridge, encore catholique, est représentée par son chancelier, le bienheureux Jean Fishkr, évêque de Rochester, plus tard martyrisé par Henri VIII. Dans un ouvrage où il réfute les articles de Luther condamnés par Léon X en 1620, il attribue au Saint-Siège le jugement définitif des controverses : ad Pétri cathedram pro dirimendis cunlroversiis confugiendum est. Assertionis lutlieranae con/'ulatio, Paris, 1545, 3 %'eritas, p. 10. Plus loin, il montre ainsi à Luther la nécessité de la papauté : « Toutes les fois qu’il s'élève des querelles sur les choses de la foi, des controverses sur le sens des Ecritures, il faut que nous ayons un juge suprême, au jugement duquel on s’en tiendra. Et puis, quand un concile général sera nécessaire, il pourra bien plus facilement être convoqué par ce chef de l’Eglise, aux ordres duquel tous devront obéir ; autrement les évêquespourraient ne pas venir, etc. «  Ibid., art. 25, p. 213. Et comme Luther disait qu’il n’est pas an pouvoir de l’Eglise ou du Pape de faire des articles de foi (D. 11., 767), il répond que sans doule il ne dépend pas d’eux de faire à volonté le vrai et le faux, le révélé et le non révélé, mais que néanmoins « tout ce que l’Eglise ou le Pape nous donne à croire comme article de foi, tous les chrétiens doivent le croire comme tel » : ce qui implique nécessairement l’infaillibilité de l’Eglise ou du Pape pour donner comme article de foi ce qui l’est en réalité. SI ailleurs l'évêque de Rochester insiste plus sur l’infaillibilité du Pape définissant avec le Concile, que sur son infaillibilité en dehors du Concile (par exemple art. 28, p. 2^6), c’est que la première infaillibilité était reconnue de tous les catholiques, tandis que la seconde avait été mise en question par les gallicans : l’apologiste veut donc obtenir avant tout que Luther admette le point le plus indubi.

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