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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/736

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PAPAUTE

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rendre raison de ladite thèse », le syndic de Sorbonne, Martin Gbandin, Ihëologien d’un renom bien mérité (comme on peut le constater eu lisant ses Opéra tlieologica, Paris, 1710), n’eut pas de peine à justilier les trois propositions incriminées, que des gallicans modérés eussent pu admettre euxmêmes. Mais l’avocat général, Talon, s'écrie que ces propositions < sont fausses, téméraires et scandaleuses, en quelque sens qu’on les prenne » ! Parcourant toute l’iiisloire ecclésiastique depuis le temps des apôtres, il conclut enfin son réquisitoire en demandant pour le syndic et le bachelier un châtiment exemplaire, en leur attribuant des blasphèmes, et en rappelant aux légistes qu’ils ont pris sous leur protection les canons et les conciles. Là-dessus le parlement rend le célèbre arrêt du 22 janvier 1663, où non seulement il interdit de soutenir la thèse, mais encore « fait inhibitions et défenses à tous bacheliers, licenciés et docteurs et autres personnes, d'écrire, soutenir et disputer, lire et enseigner, directement ni indirectement, es écoles publiques ni ailleurs, aucunes semblables propositions ni autres contraires à l’ancienne doctrine de l’Eglise, aux saints canons, aux décrets des conciles généraux et aux libertés de l’Eglise gallicane et anciens décrets de la Faculté de Théologie de Paris, à peine d'être procédé contre eux ainsi qu’il appartiendra… Et sera le présent arrêt enregistré es registre de ladite Faculté, etc. » d’Akgentbk, t. III, ve part., p. 89 ; cf. Etudes, l.c, pp. 886-889. Ce n’est pas sans une vive opposition, au sein même du parlement, qu’un tel factum fut voté, tant l’usurpation était révoltante.

Après de longues délibérations, la Faculté décida d’envoyer une députation au parlement K pour lui demander respectueusement qu’il daigne s’expliquer, et dire que sa pensée n’a pas été de s’attribuer un jugement doctrinal en matière de foi et de dogmes de l’Eglise, ni de violer les droits de la Faculté, ni d’insinuer qu’un concile général soit absolument nécessaire pour extirper un schisme ou une hérésie quelconque, par exemple l’hérésie pélagienne ou l’hérésie janséniste, dont la condamnation n’exige j)as un Concile général, lequel ne peut être dit absolument nécessaire que dans certains cas seulement ; que si l’on n’arrive pas à conclure ainsi l’affaire avec le parlement, il faudra faire prier le Roi très chrétien par l’illustrissime archevêque d’Auch de sauvegarder à la Faculté le droit qu’elle a et qu’elle eut toujours de proférer son jugement doctrinal sur les choses qui regardent la foi. » d’ArgenTBK, 1. c, p. 87, 88.

Les députés de la Sorbonne furent d’abord reçus par le premier président de Lamoignon. Il leur déclara « qu’il ne fallait pas poser des questions au parlement, si la Faculté ne voulait éprouver sa sévérité ; que d’ailleurs, loin de vouloir s’ingérer dans un jugement doctrinal en matière théologique, le parlement, s’il s'élevait un doute sur la foi, saurait consulter et entendrait d’abord la Faculté, dont il voulait sauvegarder les droits ». Les députés intimidés n’entrèrent à la séance du parlement qu’avec une formule écrite qu’ils avaient fait censurer d’avance par le premier président et les trois ministres du roi, et qu’ils lurent en public : à quoi Lamoignon répondit avec hauteur « que tout sujet du roi devait obéir aux arrêts du parlement ; que s’ils avaient encore besoin qu’on leur expliquât pourquoi avait été interdite la proposition sur les conciles généraux, ce n'était pas dans l’intention d’obliger personne à soutenir qu’une hérésie ne peut jamais être condamnée sans la convocation d’un concile général, puisqu’on sait bien que mainte hérésie a été

condamnée ou même complètement détruite sans concile général. Seulement la coiu" n’a pu souffrir une proposition vague et indéDnie, d’où quelqu’un pourrait conclure que les conciles généraux ne sont nécessaire en aucun cas. Le parlement, ajouta-t-il, a interposé l’autorité du roi pour prohiber, par manière de police, des propositions qui, si l’on venait à les étendre ainsi, contrarieraient l’administration extérieure ou police de l’Eglise, partie principale de la police générale du royaume. » Tel fut le rapport fait par les députés à la nouvelle assemblée extraordinaire de la Sorbonne qui s'était réunie le 15 février pour les entendre. d’Aroentrk, p. 88.

La sommation injurieuse du premier président qui, sous le vain prétexte de « police », avait exigé des théologiens de la Faculté une obéissance passive et immédiate en matière de doctrine, avec l’enregistrement d’un arrêt qui consacrait pour l’avenir l’usurpation, provoqua dans la grande majorité de la Sorbonne une vraie tempête de récriminations. Un des plus jeunes docteurs, Bossuet, alors âgé de 36 ans et déjà grand archidiacre de Metz et prédicateur du roi, se montra l’un des plus ardents, malgré le penchant qu’il professait depuis longtemps vers un gallicanisme d’ailleurs modéré (voir GalliCANis.ME.col. 238). Mais le gallicanisme modéré n’avait rien à faire avec l’incompétence du parlement et ses attentats contre la dignité de la Sorbonne, Gérin, Hecherclies, p. 26, 28, 338 ; Etudes, l. c, p. 896.

Toutefois deux curés de Paris, vétérans de la Sorbonne mais jansénistes fameux, prirent habilement la tête de la minorité de l’assemblée. Ajipuyés par l’influence redoutable des ministres du roi, ils montraient les dangers de la résistance, exagéraient les concessions qu’avait faites le premier président : n’avait-il pas reconnu les droits de la Faculté? (Ju’avait-il réclamé pour le parlement dans l’Eglise, sinon un droit de police extérieure ? N’j' avait-il i>as moyen de s’entendre ? Les moins courageux parmi les défenseurs de la Sorbonne saisirent avidement le compromis qu’on leur offrait, ainsi qu’il arrive dans les assemblées délibérantes. Le syndic Grandin, homme de science, mais non de caractère, ne sut pas être l'àme de la résistance. Il fut enfin décidé, à une faible majorité, que l’on enregistrerait l’arrêt de la cour, à la condition d’y ajouter le rapport des députés et les explications de Lamoignon. Eludes, pp. 897, 898.

Le parlement sut exploiter son triomphe. Son arrêt à peine enregistré, il attaquait déjà une thèse du collège des Bernardins, tout aussi inofl’ensive que la précédente. Quels sont ceux qui rentrent sous la dénomination canonique de proprius sacerdos (D. B., n. 437)? La thèse répondait : « C’est le Pape dans toute l’Eglise, l'évêque dans son diocèse, le curé dans sa paroisse. « Gela revenait à dire, comme le lit observer Grandin, que si le Pape se trouvait à Paris, on pourrait se confessera lui, aussi bien qu'à son curé, pour satisfaire au précepte de la confession annuelle : ce n'éffiit pas là un grand privilège, ni une nouveauté. Il est vrai que la proposition du bernardin ajoutait cette phrase incidente : « Le Pape, qui a la plénitude de juridiction dans toute l’Eglise, tant au for intérieur qu’au for extérieur… » Mais Gerson n’a-t-il pas dit lui-même : » Le pouvoir ecclésiastique en sa plénitude réside dans le seul Pontife romain. » Voir col. 1446. Malgré tout, Lamoignon gronda le syndic comme un écolier. Talon cria à l’erreur, à la destruction de toute la hiérarchie ecclésiastiqueet de toutes les libertés de l’Eglisegallicane. Sur quoi, un nouvel arrêt du parlement déclara Grandin suspendu de son syndicat pendant six mois, avec d’autres peines pour le président de la thèse et le