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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/737

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PAPAUTE

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réponJant, Etudes, pp. Sgg-goS ; cf. Gérin, op. cil., p. 30.

c) La déclaration de Î663. — Ce n'était là que la préparation d’une vaste intrig : ue, ourdie par t.e Tellier, ou par son conseiller janséniste le docteur Coequelin, pour domestiquer la Sorboiine et plaire à Louis XIV. Ils entreprennent le malheureux Grandin, abattu et désolé de la suspension de son syndicat, et le menacent de plus grands maux encore, s’il n’apaise le monarque irrité contre lui. On lui laisse entrevoir un moyen de tout sauver, y compris le syndicat : c’est de faire voter par la Sorbonne une déclaration de gallicanisme, tant politique qu’ecclésiastique, qu’elle irait offrir au roi. Grandin rédigerait pour cela un projet de déclaration, et le leur apporterait ; et en compagnie du nouvel archevêque de Paris, Hardouin de Pérélixe, on le discuterait avec lui. Il eut la faiblesse d’accepter. Dans la rédaction qu’il leur soumit, il avait cherché à sauvegarder le plus possible sa conscience et la vérité ; les trois courtisans, que de pareils soucis ne gênaient guère, marchandant longtemps avec lui, lui itiiposérent quelques additions ou corrections, riant ensuite du piège où ils l’avaient fait tomber. Heureusement, ils discernaient moins que lui la portée des formules employées. Voir Etudes, 1. c, pp. go^-goô.

En conséquence, le 2 mai, dans l’assemblée de Sorbonne, Grandin exposa que malheureusement, à l’occasion de deux thèses récentes, on avait jeté des soupçons dans l’esprit du roi sur l’enseignement de la Faculté de théologie, à laquelle on prétait telle et telle doctrine qu elle n’avaitjamais enseignée ; sur quoi il énuméra toutes les doctrines ultramontaines que visait son projet secret de déclaration. d’ArgbnTHii, 1. c, p. 8g, go. Il fallait dissiper ces soupçons par une déclaration faite au roi, ajouta-t-il. Malgré le silence des registres ofliciels, plusieurs docteurs, nous le savons par des témoignages contemporains, réclamèrent qu’on délibérât sur la question en pleine assemblée, comme il était d’usage pour toutes les mesures prises au nom de l.i Faculté ; l’afTalre élait d’ailleurs des plus graves, et son développement inattendu dépassait de beaucoup l’olijet des deux thèses condamnées, qui n’avaient servi que d’occasion et de prétexte. Mais la crainte et la politique l’emportèrent ; comment délibérer en liberté sur de telles questions, après les arrêts formidables du parlement, et en présence de l’archevêque de Paris, proviseur de Sorbonne et représentant ofliciel de l’autorité souveraine ? L’assemblée se borna linalement à choisir onze commissaires, parmi lesquels Grandin, Coequelin et les deux curés jansénistes, pour s’entendre entre eux sur la déclaration à faire au roi ; elle pria l’arclievèque de voir Sa Majesté et de lui demander de vouloir bien conserver à la Faculté ses droits, et rétablir ceux qui avaient été suspendus de l’exercice de leurs fonctions. Etudes, pp. 907, go8. Cf. d'.rgentré, iiiW. Le lendemain, guidés par l’archevêque, les commissaires vont faire hommage à Louis XIV du document signé par eux ; il l’accueille avec plaisir, en daignant se déclarer persuadé que la Faculté ne lui fait pas d’opposiliiui, et qu’elle n’enseigne aucune doctrine contraire aux droits du royaume ; ajoutant qu’il lui en donnera bientôt des marques publiques. L’archevêque, avec des politesses, vient rendre compte en Sorbonne de cette démarche qu’il a faite auprès du roi, et les docteurs couvrent le tout d’une approbation vague et d’un remerciement banal. Bientôt le parlement fait un arrêt pour l’enregistrement de la déclaration, et le roi ordonne que les six articles dont elle est composée soient publiés et enregistrés dans tous les parlements et universités du royaume, avec défense de

lire, dire ou « nseigner rien qui y soit contraire. d’Argentré, p. g2, g3. Le tour était joué. Le texte latin des six articles se trouve chez d’Argentré, p. 90, fltudes, p. gog.

Quel est le sens de ces articles de 1663? Les trois premiers roulent sur les rapports du Pape et du temporel du roi. Cette question, à laquelle on faisait ainsi une si large place, était pourtant étrangère aux thèses condamnées. Mais c'était la plus importante pour le roi. C'était aussi celle où Grandin pouvait faire plus facilement des concessions de principes, puisque la Sorbonne vivait depuis longtemps (même du temps de Duval) en bonne intelligence avec le gallicanisme politique de Richelieu et de Louis XIV ; voir col. 1^52. Ces trois articles ne craignent donc [>as d’allirmer " que la Faculté s’est toujours opposée à ceux qui attribuaient au Pape une autorité quelconque, même indirecte, sur le temporel du roi ; — que la Faculté ne reconnaît au-dessus du Roi aucun supérieur dans les choses temporelles, si ce n’est Dieu, et que c’est son ancienne doctrine, dont elle ne s'écartera jamais ; — que nul prétexte ne peut dispenser les sujets du Roi très chrétien de la lidélité et de l’obéissance qu’ils lui doivent ». Du point de vue historique, Launov a relevé des inexactitudes dans ces assertions de fait : a La Faculté s’est /ok/ohjs opposée », etc., « c’est son a nc(>fi ne doctrine », etc^ (Opéra omnia, Genève, 173ï, t. IV, part. : i, p. ! 26 sqq.)

Aux termes du quatricme article, « la Faculté n’approuve pas et n’a jamais approuvé aucune proposition contraire aux véritables libertés de l’Eglise gallicane ». Ce mot « véritables » est une restriction, et laisse entendre que r(m colporle de fausses libertés que la Sorbonne n’admet point : c’est, au fond, la parole de Bossuet, soutenant les libertés de l’Eglise gallicane « de la manière que les entendent les évéques, et non pas de la manière que les entendent les magistrats » du parlement. Col. 14.58.

Les deux derniers articles concernent les différences fondamentales entre le gallicanisme ecclésiastique et les doctrinesromaines ; c'était en réalité l’endroit délicat de la déclaration. Ils sont très remarquables par leur forme négative ; ils n'énoncent aucun principe, mais ils se contentent de nier un fait :

« Ce n’est pas la doctrine de la Faculté que le Pape

soit au-dessus du Concile général. Ce n’est pas la doctrine ou le dogme de la Faculté que le Pape soit infaillible si nul consentement de l’Eglise ne vient s’ajouter » (à ses délinitions). —Est-il vrai que ces doctrines fussent étrangères à la Faculté? Pour ne parler que de l’infaillibilité du Pape, seule question qui nous intéresse directement, elle avait souvent ligure dans les thèses de la Sorbonne (et même récemment) sans cette clause d’un « consentement de l’Eglise » et c’est ainsi que d’illustres professeurs de la Sorbonne, comme Duval, l’avaient enseignée. Mais ils n’avaient pas prétendu en faire un « dogme », c’est-à-dire une vérilérfe/o/ ; etpuis. c'étaient des individus agissant pour leur propre compte, et « la F^iculté », le corps, n’avaitjamais fait, ç ; enneIeurdoetrine : ainsi l’on avait tort d’en faire « une doctrine d : - la Faculté « — comme était par exemple l’Immaculée Conception, qui sans être un « dogme » était pourtant « une doctrine de la Sorbonne ». Grandin, par sa rédaction, avait donc, sur ce point important, sauvé la vérité et réservé les droits de chacun : et c’est de la sorte qu’il s’explique lui-même dans un Mémoire qui démontre que l’infaillihilité du pape n’est pas de for- L’abbé Fkrbt, qui cite ce manuscrit et l’explication donnée par Grandin, n’aurait donc pas dû écrire que l’article 6 est l’alllrmation de laïc non-infaillibililé du Pape net que ces déclarations