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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/849

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PAUVRES ILES) ET [/ÉGLISE

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A la même époque, l’ami de Germain d’Auxerre et de Geneviève, Loup, évêque de Troyes, se porte au-devant d’Attila, revêtu de ses habits pontificaux, avec un cortège de clercs, et lui demande avec autorité qui il est et de quel droit il ravage son territoire. Plusieurs de ses clercs ont été massacrés ; Loup est gardé comme otage, mais sa vie est épargnée et le barbare se retire.

A Orléans, l’évêque saint Aignan, pour défendre son peuple, va jusqu à Arles implorer le secours du patrice Aétius ; puis il se rend dans le camp d’Attila, et n’ayant rien obtenu, fait prier le peuple dont il soutient le moral jusqu’à l’arrivée des Romains et des Visigoths qui culbutent Attila, et après la victoire des Champs catalauniques, l’obligent à fuir en Italie où il trouvera encore devant lui, sur les bords du Mincius, la majesté d’un saint Léon le Grand. Bref, c’est l’Eglise qui sauve la cité romaine dégénérée et transforme le camp barbare ; elle jette un pont entre le monde antique et le monde nouveau ; elle fait sortir, du rude creuset de la guerre et de l’anarchie, des nations chrétiennes, parmi lesquelles la France, désormais immortelle, brille au premier rang ; car ce n’est qu’après elle que la Germanie et l’Angleterre se laissent pénétrer par la bienfaisante iniluence du Gliristianisrae. On l’a dit, et il faut le répeter : « les évêques ont fait la France comme les abeilles leur ruche n. Pères des peuples, ils sont surtout pères des pauvres, des petits, des opprimés, ci Ce sont toujours des affranchissements d’esclaves, des œuvres charitables, des droits maintenus, des injustices réparées qui remplissent leur vie journalière, leurs actes, leurs testaments. Ils y ajoutent le rachat des prisonniers de guerre, si nombreux alors, pour lequel ils engagent jusqu’aux vases sacrés de leurs églises ; ainsi en 510 saint Césaire d’Arles distribue des vivres et des vêtements à une multitude decaptifs gaulois etfrancs tombés au pouvoirs des Goths, et les rachète ensuite avec le trésor amassé par son prédécesseur » (Lbcoy DE LA Marchb, La fondation de la France duiv au VI’siècle, Desclée, iSgS, pp. 77, 98). Saint Rémi mentionne dans son testament les quarante veuves assistées par l’Eglise de Reims et leur laisse des aumônes. Saint Didier, évêque de Cahors(630-655), recommande à son Eglise » les pauvres qu’il a toujours nourris ivec soin >> et la supplie « de les nourrir et de les [gouverner pieusement, afin qu’ils ne s’aperçoivent

« as de son absence et ne se plaignent pas du changement

de pasteur i> (Poupardin, La vie de saint Didier, in-8, Paris, igoo, ch. ix, p. ^3). Dans ces emps troublés, comme il arrive toujours en temps le guerre et d’invasion, les pauvres sont nombreux ; m certain nombre inscrits sur un registre (matriula), d’où le nom de matricularii, sont autorisés à aendier autour des églises (cet usage existe encore u XX » siècle) et ils habitent des refuges voisins le l’église. Saint Léger, évêque d’Autun (616-678), ’héroïque victime de la cruauté d’Ebroïn, trouvant nsufTisanle la fondation d’une matricule aux portes le sa cathédrale, résolut de remédier à cette inslabiilé, en établissant par testament une œuvre qui lui urvécut dix siècles (670-1668) et fut absorbée sous jOuis XIV par l’Hôpital général. Celte œuvre estconlue dans l’histoire sous le nom de l’Aumône de saint’^éger — rappelons-nous la Basiléide. — Comme elle de saint Didier, la donation est faite à l’église lathédrale. Les pauvres sont appelés frères par le laint évêque et sont au nombre de quarante, comme es veuves dont parle saint Rémi. Voici la teneur de e testament, dont l’authenticité, révoquée en doute lar le « Gallia christiana » et les Bollandistes, est dmise par Pérard, Lecointe et Mabillon :

u Considérant les diverses révolutions des choses

« humaines, la mort, inévitable terme de tout, et

» l’heure formidable du jugement, sachant qu’il est

« écrit : Donnez et il vous sera donné ; faites-vous
« de vos richesses des amis qui vous reçoivent aux

<< tabernacles éternels » — et ce mot de la Sagesse :

« Le rachat de l’àme humaine est dans les richesses

» — et encore : » Comme l’eau éteint le feu, a ainsi l’aumône le péché)>, — pour l’amour de Dieu,

« la rémission des péchés et la mémoire du seigneur

Clotaire et de la reine ISathilde, voulant

« enfin qu’on prie abondamment et librement pour
« le roi Thierry, pour le salut du royaume, des
« princes et du monde entier, je prends pour léga<i taire et héritier légitime l’Eglise de Saint-Nazaire, 
« titre de ma prélature. Je lègue la villa de Marignysur-Yonneque

je tiens de la munificence de la reine (I Bathilde, par une charte royale ; la terre de Tillenay-sur-Saône qui me vient de mes aïeux mater<i nels ; les domaines d’Ouges et de Chenôve près

« Dijon, que j’ai acquis de Bodilon et de Sigrade.
« Je lègue, séquestre et transfère ces biens avec

(I toutes leurs dépendances, hommes de quelque Il sexe qu’ils soient, terres, vignes, puits, étangs, Il cours d’eau, bois, pàquis petits et grands, à la

« matricule que nous avons bâtie à la porte de Saint-Nazaire ; 

afin que le préydt de cette matricule et

« les successeurs que lui donneront les évéques d’Aut

tun reçoivent et nourrissent chaque jour et en tout (I temps quarante frères qui prieront Dieu pour le

« royaume, le salut du roi et des grands » (Camer-LiNCK, 

Saint Léger, évêque d’Autun, Lecolïre, 1910, pp. 70-71 ; Dom PiTRA, Vie de saint Léger, p. ig^). Cette fondation nous donne une idée de celles qui se créent partout en France, à l’exemple de l’Italie et de l’Orient. Partout, les documents historiques nous révèlent 1 existence de refuges, d’asiles, de Senodochia, d’ordinaire situés dans le voisinage immédiat des églises cathédrales ou des abbayes. Mais, à cause des guerres et des invasions, cette floraison d’hôpitaux pour toutes les misères fut plus lente, parce que les ressources faisaient davantage défaut.

Signalons encore quelques noms célèbres dans les annales de la charité à cette époque, et en premier lieu le pape saint Grégoire le Grand (+604)qui organisa l’assistance des pauvres à Rome de manière à exciter l’émulation des évêques et des séculiers des autres nations. U les exhorta à créer des œuvres de prévoyance pour les nécessiteux. Chaque jour il donnait quinze livresd’or à des religieuses pour les repas publics des pauvres qu’elles assistaient. Chaque jour aussi des voitures parcouraient les divers quartiers de Rome pour porter des secours aux malades et aux pauvres honteux (Dom Pitra, Vie de S. Léger, introd., note de la p. xxxi ; Montalembert, Les moines d’Occident, Lecoffre, 4’édit., t. II, ch. vii, p. 205). Ce grand pape ne pouvait démentir son passé. En se faisant moine bénédictin en 675, il avait vendu son patrimoine pour le distribuer aux pauvres » et Rome, qui avait vu le jeune et opulent patricien parcourant ses rues dans des habits de soie et tout couvert de pierreries, le revit avec admiration vêtu comme un mendiant et servant lui-même les mendiants hébergés dans l’hôpital qu’il avait construit à la porte de sa maison paternelle changée en monastère » (MONTALEMBERT, Op. cit., t. II, p. 99).

Sous les Mérovingiens, la charité de saint Eloi est si célèbre que sa maison est toujours assiégée d’une foule de solliciteurs et que l’on n’a pas besoin d’autre enseigne pour la reconnaître. DagobertP’fonde à Saint-Denis un Xenodochium. Sainte Radegonde, au temps de son mariage avec Clotaire, entretient de ses deniers de nombreux pauvres auxquels elle