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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/11

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Dictionnaire Apologétique

DE LA

Foi Catholique


PERSÉCUTIONS. — Sous ce titre : L’intolérance religieuse et la politique (Paris, 1911), M. A. Bouchb-Lbclbrcq, professeur à la Sorbonne, membre de l’Institut, s’est proposé d'étudier « la politique religieuse des empereurs romains », et de définir « leur attitude envers le christianisme naissant ». La cause de cette « politique » et la justification de cette « attitude », c’est-à-dire l’explication et l’excuse des persécutions sanglantes qu’ils infligèrent aux chrétiens des trois premiers siècles, lui paraissent devoir être cherchées dans « l’antagonisme non seulement apparent, mais réel, entre le christianisme des premiers siècles et les institutions de l’Empire ». Si bien que ce que nous jugeons de loin injustice, cruauté, oppression des consciences, était imposé aux empereurs par la « raison d’Etat » et par leur devoir de souverains. Il y eut, aux trois premiers siècles de notre ère, de « l’intolérance religieuse », mais elle était chez les victimes etnon chez les bourreaux. C’est « l’intolérance religieuse » que les empereurs poursuivent chez les chrétiens en leur défendant, sous peine de mort, de suivre leur religion. M.Bouché-Leclercq n’a pas tort d’avouer que cette conclusion est « paradoxale en apparence et surtout malsonnante » ; mais il consacre près de quatre cents pages à la soutenir. J’ai cru être autorisé par M. Bouché-Leclercq lui-même à lui répondre, car je suis seul cité dans sa préface. Avec une courtoisie dont je lui sais gré, il me reproche d’avoir, par les cinq volumes de mon Histoire des persécutions, « rendu du crédit » à l’opinion traditionnelle, c’està-dire à celle qui s’apitoyait sur les persécutés, blâmait les persécuteurs, et ne croyait pas que « la raison d’Elat » pût justifier tant de consciences opprimées et tant de sang versé. Je n’ai pas besoin de dire que ma réponse, en discutant librement ses idées, ne s'écartera pas de la déférence due au savant professeur à la Sorbonne, dont ce livre montre une fois de plus la profonde connaissance des institutions romaines.

I. La raison d’Etat. — Le christianisme était-il incompatible avec celles-ci, et la sécurité de l’Empire romain exigeait-elle que les empereurs anéantissent les chrétiens ? Le contraire me paraît résulter des faits mêmes que met en lumière M. BouchéLeclercq.

Ce n’est pas en vain que Jésus-Christ a dit : « Rendez à César ce qui est à César. » Pendant que les Juifs, malgré la tolérance, parfois même la faveur dont ils furent longtemps l’objet, se posent de plus

en plus en révoltés, jusqu'à ce que l’explosion de leur sentiment national amène la lutte finale qui consommera leur ruine sous Hadrien, les chrétiens, se distinguant chaque jour davantage des Juifs, se détachant de ceux-ci qui les dénoncent et les répudient, allirment, sans jamais varier, leur loyalisme envers l’Empire. Les lettres de saint Pierre et de saint Paul recommandent à la fois l’obéissance aux pouvoirs établis et lerespect des situations acquises. Ils font aux sujets un devoir d'être soumis au prince (même quand ce prince s’appelle Néron) et prescrivent de lui payer exactement l’impôt. Ils commandent aux esclaves d’honorer leurs maitres, quels qu’ils soient, et de leur être fidèles, en même temps qu’ils ordonnent aux maîtres chrétiens de les traiter comme des frères '. En toute circonstance, ils prennent en main la cause de la paix publique, en un temps où celle-ci était fort fragile et fort menacée. Et comme leurs lettres sont destinées aux seules communautés chrétiennes, et ne tomberont probablement sous les yeux d’aucun étranger à leurs croyances, on ne saurait douter qu’elles ne traduisent des sentiments sincères, une conduite bien arrêtée : elles n’ont rien d’un plaidoyer, et nous renseignent avec certitude sur les dispositions des premiers apôtres et de leurs sectateurs à l'égard de la société de leur temps. Autre est, au siècle suivant, le caractère des Apologies présentées aux empereurs. Le christianisme a été combattu et calomnié : quelques lettrés se font ses avocats. On ne peut nier qu’ils ne plaidentla cause de leur religion ; mais c’est en portant devant les princes et devant l’opinion publique l’affirmation des sentiments exprimés à l’origine dans les épîtres des Apôtres, et en montrant que cessentimentsn’onl pas cessé de diriger la conduite de la société chrétienne.

l.M. Bouché-Leclercq raconte (p. 142) que les Apôtres parlèrent ainsi, afin de s’opposer à la propagande d’un groupe d’antiesclavagistes, qu’il était plus facile « d invectiver que de réfuter ». Dans aucun document, authentique ou même apocryphe, il n’estqueslion de cet épisode, et le » paroles des Apôtres, que nous venons de résumer, no contiennent aucune invective. Le savant professeur me parait lire distraitement les écrits apostoliques : ainsi, à la page précédente, il dit que saint Paul « livre à Satan », « damne de sa propre autorité » les « dissidents ». C’est une allusion à / Cor., v, 5, où saint Paul excommunie non « un dissident », mais un chrétien coupable d’inceste. Loin de le damner de sa propre autorité », iainrt Paul déclare « le livrer à Satan pour l’affliction de sa chair, afin que son âme puisse cire sauvée par Notre Seigneur Jésus-Christ ».