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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/110

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PRÉDESTINATION

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secundum propositum sunt vocati. Nous retrouverons plus loin cette assertion capitale.

Dieu est l’auteur de notre salut, non pas seulement par le don, une fois fait, du libre arbitre, mais beaucoup plus par les interventions continues de sa grâce. De spir. et litt. (4 12), xxxiv, 60, P.L., XLIV, 240… Videat non ideo tantum istatn voluntatem divino muneritribuendam quia ex libero arbitrio est, quod nobis naturaliter concreatum est ; veruin etiarn quod visorum suasionibus agit Deus itt velimus, et ut credamus, sive extrinsecus per evangelicas exhortationes, ubi et mandata legis aliquid agunt, si ad hoc admonent hominem infirmitatis suae, ut ad gratiam iustipZcantem credendo confugiat, sive inlrinsecus, ubi nemo habet in potestate quid ei veniat in mentent, sed consentire vel dissentire propriæ voluntatis est.

Le genre humain, depuis le péché originel, estime massa peccati que Dieu pourrait, sans injustice, abandonner à la perdition ; ceux qu’il en tire par une vocation gratuite et qu’il prédestine à la vie, lui doivent d’inûnies actions de grâces ; les autres n’ont aucun justesujetde plainte. Cette doctrine, inspirée de saint Paul, circule à travers l’œuvre de saint Augustin à toutes les époques. De div. quæsi. ad Simplic., I, q. 11, 16, P.L., XL, iai (vers 397) Ep., ccxxvi, 6, 19, P.L., XXXIII, 8a3(417) ; Ep., cxciv, 3, 14, />.£., XXXIIl, 879(418) ; Enchiridion, xcix, a5, l’.f.., XL, 378 (li 1) ; De corr. et gr., ii, 12, P. /-., XLIV, 923 (427) ; De don. pers., xiv, 35, P. L., XLV, 10 14 (429). Par sa naissance, l’homme appartient à l’enfer. On comprend que saint Augustin parle exceptionnellement de prédestination au châtiment, De Civ. Dei, XXI, xxiv, 1, P. /, ., XLI, 737 : Prædestinati sunt in aelernum ignent ire cum diabolo ; Enchir., c, 26, P.L., XL, 279 : Bene utens et malis tanquam summe bonus, ad eorum damnationem quos iuste prædestinavit ad poenam, etad eorum salutem quos bénigne prædestinavit ad gratiam. Ep., cciv, a, P. L., XXXIII, 939 (au sujet des schismatiques donatistes ) : Deus occulta satis dispositione, sed tamen iusta, nonnullos eorum poenis prædestinavit extremis. Mais d’ordinaire il réserve le mot prédestination pour la préparation de la grâce et de la gloire.

Le développement principal de la doctrine de saint Augustin sur la prédestination appartient à la dernière phase de sa lutte contre l’hérésie pélagienne. En 4 18, dans sa lettre au pape Sixte (Ep., cxciv, P. L., XXXIII, 874-891), il avait affirmé la souveraine indépendance de Dieu dans son choix, selon la doctrine de l’Apôtre (Rom., ix, 20-a3), et l’équité de ses jugements insondables (Rom., xi, 33 36). Voir surtout Ep., cxciv, 3, 6, P. L., XXXIII, 876). Il insistait sur la miséricorde gratuite par laquelle Dieu distingue, dans cette masse de perdition qu’est le genre humain déchu, ceux qu’il destine à la grâce et au salut éternel. Ib., 6, s, 3, 88a ; 7, 33-8, 34, 886.

Cette exposition parut dure à certains moines d’Adrumète ; leurs doléances, transmises par l’abbé Valentin, donnèrent à Augustin occasion de s’expliquer à fond dans le De correptione et gratia (années 4a6 4*7)- Sur cet incident, voir, outre les Epp., ccxiv, ccxv, ccxvi, P. /.., XXXIII, trois lettres nouvelles publiées par Dom G. Morin, Revue Bénédictine, 1904, p. a4 1-256.

De nouveau, il commente Rom., viii, a8-30, en des termes qui manifestent l’originalité de son point de vue. Au lieudeprendre appelés et élus comme ternies synonymes, avec saint Paul, il distingue expressément ces deux catégories, selon l’Evangile (Mat, . xx, 16). Les élus seuls sont les vocati secundum propositum : le mot propositum, traduisant le npiStaiv de saint Paul, prend, sous la plume d’Augustin, le sens

de prédestination absolue à la gloire. De corr. et gr. vu, 14, P. I-, XLIV, 934 : Ex istis nullus périt, quia omnes electi sunt. Electi sunt autem, quia secundum propositum vocati sunt ; propositum autem non suum, sed Dei… Quicumque enim electi, sine dubio etiam vocati ; non autem quicumque vocati, consequenter electi. Illi ergo electi, ut sæpe dictttm est, qui secundum propositum vocati, qui etiam prædestinati atque præsciti…

Ces deux modifications apportées à la terminologie, l’une quant au sens du mot electi, l’autre quant au sens du mot propositum, n’atteignent pas, sans doute, le fond delà doctrine enseignée par l’Apôtre, mais l’organisent en vue d’un but nouveau et en renouvellent complètement l’aspect. Selon la conception de saint Augustin, les fidèles sont bien tous vocati, mais non plus tous electi, ni conséqueinment tous prædestinati atque præsciti. Voici en quels termes il parle des baptisés qui ne persévèrent pas jusqu’au bout, De corr. et grat., vii, 16, 925 : Quivero perseveraturi non sunt, ac sic a fide christiana et conversatione lapsuri sunt ut taies eos vitæ huius finis inventât, procul dubio nec illo tempore, quo bene pieque vivunt, in istorum numéro compulandi sunt. Non enim sunt a massa illa perditionis præscientia Dei et prædestinatione discreti ; et ideo nec secundum propositum vocati, ac per hoc nec electi. Il consent néanmoins qu’on les appelle electi ad gratiam, comme on l’a déjà vu dans le livre Ad Simplicianum ; mais c’est pour faire observer aussitôt qu’une telle appellation est trompeuse, ibid. : Et tamen qttis neget eos electos, cum credunt et baptizantur et secundum Deum vivunt ? Plane dicuntur electi a nescientil/us quid futurisint, non ab illo qui eos novit non habere perseverant.iam quæ ad beatam vitam perducit electos, sciique illos ita stare ut præscierit esse casuros.

Pleinement fidèle à la logique de son idée, il va jusqu’à dénier à ces faux élus la qualité d’enfants de Dieu, même pour le temps où ils ont vécu dans la grâce ; à ses yeux le titre d’enfant de Dieu a une valeur définitive, ix, 30-21, 928 : Non erant ex numéro filiorum, et quando erant in fide filiorum ; quoniam qui vere filii sunt, præsciti et prædestinati sunt conformes imaginis Filii eius, et secundum propositum vocatisunt ut electi essent… Fuerunt ergo isti ex multitudine vocalorum ; ex electorum autem paucitate non fuerunt. Non igitttr filiis suis prædesiinatis Deus perseverantiam non dédit ; haberent enim eam, si in eo filiorum numéro essent… Cf. ix, 22, 919. La prédestination n’est pas une grâce qu’on peut perdre, puisqu’elle est liée à la persévérance finale.

Il ressort de là que le renouvellement de sens noté pour les mots electi, secundum propositum vocati, affecte également les mots prædestinati et præsciti. Saint Augustin, en effet, ne songe pas à briser cette chaîne forgée par l’Apôtre : præscivit, prædestinavit, vocavit, iustificavit, glorificavil. La différence avec l’Apôtre est qu’il laisse simplement hors de sa considération ceux qui sont simplement pour un temps, et comme par accident, vocati eljustificati. Ceux qui l’intéressent, sont ceux à qui convient la série complète des cinq prédicats : præsciti, prædestinati, vocati, iustificati glorificati. Ceux-là seuls sont vraiment enfants de Dieu. Et il s’agit de les prémunir contre une erreur dangereuse : erreur consistant à s’attribuer quelque initiative dans une série qui appartient tout entière à Dieu : præscivit, prædestinavit, vocavit, iustificavit, glorificavit.

Si maintenant on lui demande pourquoi, parmi ceux qui furent appelés et justifiés, quelques-uns ne reçoivenl pas de Dieu le don delà persévérance finale, il ne snit que répondre : « Je l’ignore », et s’écrier avec l’Apôtre (Rom., xi, 33) : O altitudo ! Voir viii,