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PREDESTINATION

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17, 926. Ce qu’il sait bien, c’est qu à ceux-là ne s’applique pas le mot de saint Paul, Rom., viii, 38 : DMgentibus Deum omnia cooperantur in bonum ; voir ix, 23, 929 ; et nous trouvons là une confirmation nouvelle de l’option exégétique en vertu de laquelle il exclut de la considération de l’Apôtre tous ceux qui ne sont pas effectivement prédestinés à la gloire. Peu importe d’ailleurs que l’Apôtre parle au passé : car il voit toutes les générations passées, présentes, à venir, également présentes au regard de Dieu, ix, 23, g30 : Verba præteriti temporis positif de rébus etiam fiituris, tanquam iam fecerit Deus ejiiæ iam ut fièrent ex acternitate disposait… Quicumque ergo in Dei providentissima dispositione præsciti, prædestinati, vocatif iustificati, gloi ificati sunt, non dico etiam nondum renati, sed etiam nondum nati, iam filii Dei sunt, et omnino perire non possunt.

Il faut expressément noter cet aboutissement : nous y trouvons la clef de la pensée auguslinienne et des antinomies superficielles qui l’opposent à la pensée de saint Paul. La pensée de saint Paul, dans Rom., vm, a8-30, tend au ciel : c’est une poussée d’espérance qui veut entraîner tous les enfants de Dieu et leur présenter les biens éternels comme déjà acquis pour tous. La pensée de saint Augustin prend position d’emblée sur les hauteurs de la prescience divine ; c’est de là qu’elle descend ; elle revendique pour Dieu seul le droit imprescriptible de faire des élus ; elle veut, ici, ignorer simplement ceux qui ne sont pas du nombre des prédestinés. Saint Paul sait très bien que les enfants de Dieu peuvent périr ; qu’ils portent dans des vases fragiles les trésors de la grâce (II Cor., iv, 7). Saint Augustin, certes, ne l’ignore pas non plus ; et pourtant on vient de l’entendre dire le contraire. Selon lui, les enfants de Dieu ne peuvent pas périr. C’est que, pour décerner ce titre d’enfants de Dieu.il s’est placé d’emblée au terme de la course terrestre. C’est une appellation a posteriori. Toute sa terminologie, dans la matière de la grâce, relève de ce point de vue.

La différence entre ceux qui parviennent au terme et ceux qui n’y parviennent pas, c’est que, pour les premiers, Dieu fait tout concourir au bien, même leurs cbutes qui les humilient, ix, 24, g30. Ils se relèventet linalementpersévèrent. La persévérance (maie estundon de Dieu. Dire que tels et tels l’obtiennent, c’est dire que, de fait, ils persévèrent : il y aurait contradiction dans les termes à dire qu’ils reçoivent la grâce de la persévérance et qu’ils ne persévèrent pas. Ainsi, la grâce de la persévérance est infaillible, xn, 34, 937 : .Xunc vero sanctis in regnum Dei per gratiam Dei prædestinatis non taie adiutorium perseverantiae daiur, sed taie ut eis perseveranlia ipsa donc tur ; non solum ut sine isio dono persévérantes esse non possint, verum etiam ut per hoc donum non nisi persévérantes sint. — Le don de la persévérance fait les prédestinés.

Cette conception hardie et en partie nouvelle atteint son expression complète dans les pages De corr. et grat., xii, 33-38, 936-940, où saint Augustin développe sa théorie d’ensemble sur l’économie de la grâce, la distinction entre l’adiutorium sine quo non, grâce suffisante et commune, et l’adiutorium quo, grâce efficace et de choix, réservée aux privilégiés de Dieu. Adam a reçu l’adiutorium sine quo non, et pourtant il a péché ; tous les hommes le reçoivent, et beaucoup se perdent. L’adiutorium quo, conjoint dans l’intention divine au consentement de l’homme, ne manque jamais son effet ; en matière de persévérance finale, c’est le don absolu de la prédestination.

De là ces expressions dont on a tant abusé, xii, 38, 9^0 : Subventum est igitur iufirmitali voluntatis

humanae, utdivina gratia indeclinabiliter et inseparabiliter ageretur ; et ideo, quamvis infirma, non tamen deficeret, neque adversitate cliqua vinceretur. Elles signifient que, quand Dieu s’est marqué absolument une liii, il sait l’atteindre infailliblement. Elles n’impliquent aucune métaphysique particulière sur l’opération de la grâce ellicace, et surtout elles n’insinuent pas que toute grâce est présentement ellicace, selon l’hérésie janséniste. D. H., 1093 (967) ; iog5 (969). Mais elles esquissent le mécanisme d’une prédestination à base de prescience.

Dans l’éternel présent où Dieu voit toutes choses, le nombre des prédestinés est fixé irrévocablement ; pas une unité ne saurait y être ajoutée ni retranchée, xiii, 39, 9^0 ; cependant l’homme ignore, tant qu’il demeure en cette vie, s’il est du nombre des prédestinés ; c’est pourquoi l’Ecriture prêche à tous la pénitence (Mat., ni, 8.9) ; tous doivent veiller (Ap., m, 11) ; tous doivent craindre (Rom., xi, 20). Mais aussi, tant qu’un homme demeure en cette vie, on ignore ce que peut faire la grâce pour l’amener à linir dans la paix de Dieu ; aussi ne faut-il désespérer de personne, xv, 46, 944.

Celte concepi ion particulière de la prédestination imprime une fixité absolue à la notion augustinienne du « Livre de vie ». Commentant le texte du Ps., lxviii, 29 : Deleantur de libro viventium, Augustin n’y trouve un sens plausible que du point de vue des impies qui, après s’être flattés.d’être inscrits au Livre de vie, constateront avec stupeur et désespoir qu’ils ne l’étaient pas. Quant à Dieu, il peut dire, avec bien plus de raison que Pilate : Quod scripsi, scripsi. Ses arrêts sont irrévocables ; seule, leur manifestation suprême présente quelque nouveauté. Enarr. in Ps., P. /.., XXXVI, 862. 863 ; cf. De Civ. Dei, XX, xv, P. L., XLI, 681.

Le De correptione et gralia ne fut pas moins discuté que ne l’avait été, huit ans plus tôt, la lettre au pape Sixte. C’est en Gaule surtout que l’esprit pélagien aA’ait poussé des racines. Des environs de Marseille, deux laïques instruits, Prosper et Hilaire, adressèrent à Augustin des lettres qui témoignent de l’excitation des esprits. Plusieurs traitaient la prédestination auguslinienne de doctrine fataliste, uniquement propre à abattre l’énergie du bien. Voici les expressions de Prosper : Ep. (inter augustinianas ccxxv), 3, P. L. t XLIV, 949 : Hæc enim ipsorum definilio ac professio est : …Qui credituri sunt, quive in ea fide quæ deinceps per gratiam sit iuvanda mansuri surit, præscisse ante mundi constilutionem Deum, et eos prædestinasse in regnum suum quos, gratis vocatos, dignos fuluros electione et de hac vila bono fine excessuros esse præviderit. Ideoque omnem hominem ad credendum et ad operandum divinis institulionibus admoneri, ut de apprehendenda vita aelerna nemo desperet ; cumvoluntariæ devotioni remuneratio sit parala. Hoc autem propositum vocationis Dei, quo vel ante mundi initium vel in ipsa conditione generi s humani eli gend orum et reiciendorum dicitur facta discretio, utsecundum quod placuit Creatori alii vasa honoris, alii vasa contumeliæ sint creati, et lapsis euramresurgendi adimere et sanctis occasionem teporis a/ferre ; eo quod in utraque parte superfluus labor sit, si neque re<eclus alla industria possit intrare, neque electus ulla negligentia possit excidere : quoquo enim modo se egerint, non posse aliud erga eos, quam Deus definivit, accidere ; et sub incerta spe cursum non posse esse constantem, cum, si aliud habeat prædestinantis electio, cassa sit adnitentis intentio. Removeri itaque omnem industriam tollique virtutes si Dei constitutio humanas præveniat voluntates ; et subhoc prædestinationis nomine,