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PUOPHÉTISME ISRAELITE

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mystiques, se sont adresses, pour comprendre Ezéchiel, à des médecins matérialistes. M.Ji an I.ajT : iak écrit ingénument : a Après avoir consulté nue autorité de la science thérapeutique, Klostermann est arrivé au résultat, que nous avons à faire à une catalepsie des plus caractérisées. Et les cas que Klosterniann invoque à l’appui de sa thèse sont si probants que nous avons tous les droits de tenir Ezéchiel pour un malade, atteint de catalepsie. Ce que Klostermann dit à propos de la maladie du prophète de Tel-Abib, est aujourd’hui généralement admis » (Ezéchiel. Sa Personne et son Enseignement. Paris, sans date, — 1906 ou 1907 ?, p. 15). L’auteur, pour justifier cette dernière phrase, cite en note trois noms ; c’est peu ; on pourrait ajouter : Valeton.Budde, Giesebrecht, Krætzschmar, A. Jeremias, Steuernagel. Mais cela ne constitue pas une opinion générale, même des exégètes allemands ; car l’hypothèse de Klostermann est repoussée par Kuenen (en termes durs, dans Historisch-kritisclte Einleitung in die Bûcher des A. T., 1892, 2.Teil, p. 258-209), par E. Kautzsch (dans Hastings' Dict., Extra vol., p. 673, igo4), Joli. Herrmann (Ezechielstudien, 1908), Ed. Koenig (Das alltestamentUche Prophetentum, 1910), Dieckhoff (Zeitschr. fur Ileligionspsjchologie I, p. 202 sqq.), P. Volz (Der Geist Gottes, 1911), etc. Parmi les exégètes anglais, A. B. Davidson estime que cette hypothèse mérite à peine d'être mentionnée (The Book of the Prophet Ezekiel, 1900, p. XXVI11) ; J. Skinner aussi la juge sévèrement (Hastings' Dict., I, p. 817 a) ; d’autres enfin n’en parlent plus, quand ils écrivent sur Ezéchiel (Toy, Rothstein.etc).

Ce n’est pas le lieu de résoudre ce cas particulier par une exégèse détaillée des passages d’Ezéchiel mal interprétés ; mieux vaut donner ici une solution plus générale, fournie par l'étude scientifique de l’extase. Dans un ouvrage récent, Mgr A. Fahges soumet à une critique rigoureuse l’opinion des médecins et des psychiatres qui confondent l’extase et la catalepsie. H montre combien leur jugement est superficiel : ils tiennent compte seulement de l'élément extérieur et accessoire, la suspension de la sensibilité et la rigidité musculaire (et encore négligentIls des différencesnotables) ; ils oublient totalement l'élément intérieur, le plus important, la conscience qui persiste dans l’extase avec la pleine activité de l’intelligence et delà volonté. « Aussi la plupart des savants, croyons-nous, sont-ils aujourd’hui revenus de cesjugements superficiels et précipités, que le préjugé rationaliste et antichrétien n’explique que trop aisément. Tous distinguent maintenant l’extase de la catalepsie, au moins par l’exercice des facultés supérieures dans l’extase et leur totale suspension dan*- la crise cataleptique » (Les Phénomènes Mystiques distingués de leurs contrefaçons humaines et diaboliques, 1920, p. ^o).

VII. — Le langage prophétique

Devenu interprète de Dieu par une vocation aulueniique, le prophète peut parler au nom de la lue sans avoir besoin chaque fois d’une révélation nouvelle. Soit en vertu de sa mission générale, soit

-é par l’inspiration divine, il peut instruire et exhorter le peuple, en s’appuyant sur les révélations antérieures. L’emploi fréquent de la formule Ainsi parle lahvé n’implique pas autre chose ; on ne saurait en conclure que les paroles qu’elle accom e proviennent d’une révélation immédiate et spéciale. Quand le prophète promulgue une communication nouvelle de lahvé, il en indique ordinairement la date ou les circonstances ; il spécifie qu’elle lui est adressée à lui, par exemple : « Parole qui fut

adressée à Jérémie de la part de lahvé, la dixième année de Sédécias, roi de Juda, qui est la dixhuitième année de Nabuchodonosor » (/éc.xxxii, 1 ; cf. I, lt, il, 13 ; ii, 1 ; iii, 6 ; vii, 1 ; xi, 1 ; xiii, 1, xi v, 1 ; xvi, 1, etc.).

La vision symbolique était, comme nous venons de le voir, un des moyens dont Dieu se servait pour révéler une vérité. Les prophètes, pour transmettre au peuple la révélation divine, ont employé euxmêmes assez souvent un pareil langage : l’action symbolique. Il convient de l'étudier à part, car elle se rencontre dans l’histoired’Israël longtemps avant l'époque des prophètes écrivains ; de plus, elle offre quelques difficultés d’un caractère spécial.

Actions symboliques. — Saùl, pour entraîner le peuple contre les ennemis, prend deux bœufs avec lesquels il vient de labourer, les coupe en morceaux, et en envoie des parties de tous côtés en disant :

« Quiconque ne suivra pas Saùl et Samuel, ainsi on

traitera ses bœufs ! » A ce message, tout le peuple se leva et marcha comme un seul homme (I Sam., xi, 5 — 7). Le prophète Ahias déchire en douze morceaux son manteau neuf, et il dit à Jéroboam : a Prends pour toi dix morceaux… » Il annonce ainsi en figure la scission du royaume (I (III) it^, ^., xi, 29-33). lsaïe doit aller pendant trois ans nu (vêtu seulement d’une légère tunique) et déchaussé, pour figurer les captifs d’Egypte et d’Ethiopie (/a-., xx). Jérémie doit porter un joug à son cou, pour signifier qu’il faut se soumettre au joug de Nabuchodonosor(xxvn et xxvm). Ezéchiel doit prophétiser par des actions symboliques le siège de Jérusalem, la fuite du roi et du peuple (iv, xn).etc. Dans le Nouveau Testament on voit le prophète Agabus prendre la ceinture de saint Paul, et se lier les pieds et les mains en disant : « Ainsi parle l’Esprit Saint : L’homme à qui appartient cette ceinture sera ainsi lié à Jérusalem…v(Act. Apost., xxi, 10-11).

On est en droit de s'étonner qu’après avoir écrit :

« L’essence de la critique est de savoir comprendre

des états très différents de celui où nous vivons » (Snm-enirs d’enfance et de jeunesse, 32e éd., p. 87), Renan ait divagué, comme ii l’a fait, sur le caractère des prophètes et, en particulier, sur leurs actions symboliques. « Les petits drames symboliques, dit-il, par lesquels les prophètes cherchent à rendre fortement leur pensée, les actes extravagants qu’ils se font commander par lahvé pour frapper le peuple, dépassent ce que nous sommes disposés à concéder à la naïveté antique » (IJist. du peuple d’Israël, t. II, p. ^85), et un peu plus loin : « Un jour, on le vit [lsaïe] promener, dans les rues de Jérusalem, à la façon des hommes-affiches de nos jours, une planche sur laquelle étaient écrits en grosses lettres deux noms symboliques : iUa/(er-sa/a/(Promptau butin), Has-baz (Pille vile). » (p. 510). Renan, admirateur enthousiaste du génie grec, aurait dû se rappeler l’histoire de Solon contrefaisant l’insensé, pour exhorter publiquement les Athéniens à reprendre Salamine, alors qu’il était défendu, sous peine de mort, de parler d’une nouvelle expédition. L’histoire des Romains offre des exemples analogues, et surtout celle des Orientaux. C’est d’ailleurs un fait d’expérience : ce qui frappe nos regards nous saisit davantage et se grave en nous plus profondément.

Segnius irritant animos demissa per aurem. Quant quæ sunt oculis subjecla fidelibus…

Les « hommes-affiches », à propos d’Isaïe, sont une caricature à la manière de Renan : il force letexte.pour ajouter la note grotesque, — il n’est dit nulle part que le prophète ait promené l’inscription dans les rues de Jérusalem (cf. Is., vin). —