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PROPHÉTISME ISRAÉLITE

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c’est-à-dire d’une doctrine ou d’un ordre à transmettre aux fidèle », qui exige de leur part un assentiment de foi, Dieu doit veiller à préserver de toute erreur son interprète. « De lus ergo, dit taint Thomas, quæ expresse per spiritum propheliæ propheta cognoscit, ma.rimam certitudinem habel, et pro certo liabet quod hæc sunt dwinitus sibi revelata… Alioquin si de hoc ipse certitudinem non haberet, fides quæ dictis Prophetarum innititur, certa non esset ». (Sam. tkeol., Il a II ao, qu. clxxi, art. 5). Parmi les divers moyens dont Dieu peut se servir pour communiquer à lame une vérité, il en est un qui, de sa nature, exclut l’illusion et l’erreur — les maîtres de la vie spirituelle sont d’accord sur ce point, — c’est la vision intellectuelle sans image mentale, et la parole intellectuelle, transmission de la pensée sans mots, sans signe sensible. Pour ce genre de paroles que saint Jban db la. Croix appelle « substantielles », « l’illusion n’est pas… à craindre, parce que ni l’entendement ni le démon ne peuvent intervenir ici ». (La Montée du Carmel, liv. II, eh. xxxi). « Dieu parle encore à l’âme, dit sainte Tkrèsb, d’une autre manière, que je regarde comme très sûre : c’est dans une vision intellectuelle… Cela se passe tellement dans l’intime de l’àme, on entend des oreilles de l’âme, d’une manière à la fois si claire et si secrète, le Seigneur lui-même prononcer ces paroles, que le mode même d’entendre, joint aux effets produits par la vision, rassure et donne la certitude que le démon n’en est point l’auteur » ( l.e Château intérieur. Sixièmes Demeures, ch. iii, éd. de igio, p. ig3). Plus loin, parlant d’une vision intellectuelle de la Sainte Trinité : « Les trois divines Personnes se montrent distinctes, et, par une notion admirable qui lui est communiquée, l’âme connaît d’une certitude absolue que toutes trois ne sont qu’une même substance, une même puissance, une même science et un seul Dieu t (Ibid., Septièmes Demeures, ch. i, p. a80).

Bien que, de sa nature, la vision Imaginative soit sujette à l’illusion, elle peut cependant se pro luire dans de telles conditions qu’elle donne la certitude.

« L’àme conserve pendant un certain temps une

telle certitude que cette grâce est de Dieu, qu’on aurait beau lui affirmer le contraire, elle ne pourrait concevoir la moindre crainte d’avoir été trompée » (Ibid., p. 254). Souvent les prophètes bibliques mentionnent ou décrivent les images, le plus souvent symboliques, qui ont apparu à leurs sens intérieurs. Ils ont la certitude de l’origine surnaturelle de ces sortes de visions, et la lumière pour en interpréter le sens exactement. Des menaces de châtiment sont présentées au prophète Amos en trois tableaux : dévastation par les sauterelles, par le feu, par la guerre. La vision d’une corbeille de fruits mûrs signifie qu’Israël est mûr pour le jugement (Ain., vii, vin). Isaïe voitlahvé sur son trône, au milieu des séraphins qui proclament sa sainteté (vrt. Parmi les visions d’Ézéchiel, les plus célèbres sont celle du char et des chérubins, au début de son ministère (Ez., 1), et celle des ossements desséchés qui reprennent vie, figurant la résurrection d’Israël (xxxvn, i-14). Jérémie est instruit aussi par des visions symboliques : la branche d’amandier, la chaudière bouillante (1), la corbeille de figues (xxi v), etc. Comme on le voit dans ces divers exemples, d’ordinaire Dieu explique aussitôt au prophète le sens de la vision.

Les anciens attribuaient aux sonses une grande importance. Une chose vue ou entendue pendant le sommeil, lorsque le libre exercice des facultés humaines est suspendu, paraissait venir d’une puissance supérieure. Pour en découvrir la signifi cation, on recourait à un art spécial, l’oniromancie. Un songe intéressant de Goudéa et son interprétation sont enregistrés dans une inscription de ce roi, vers 2.500 avant Jésus-Christ (F. Tuurkau-Danqin, /.es Inscriptions de Sumer et dvkkad, Paris, ioo5, p. 1 36-i 45)- On pourrait citer Homère, Hérodote, et surtout les Grecs et les Latins de la décadence. Plusieurs passages de la Bible nous montrent Dieu se révélant parfois de cette manière, soit aux patriarches et aux chefs de son peuple, soit aux païens, (on trouvera l’énumération de ces passages dans l’article « Songe » par M. H. Lbsktrh, dans le Dictionnaire de Vigouroux).

Le texte, Num., xii, 6 : « S’il y a un prophète " parmi vous ", c’est en vision que je me révèle à lui, c’est en songe que je lui parle », n’autorise pas à penser que le songe fut un des modes ordinaires de la révélation prophétique. « Il n’est pas certain, en effet, que [ce verset] vise aussi les prophètes postérieurs à Moïse : Dieu y met en parallèle, pour rabattre les prétentions de Marie et d’Aaron, sa manière d’agir vis-à-vis de Moïse… et des prophètes contemporains. » (E. Tobac). Après avoir rappelé ce texte et quelques autres qui parlent d’une manifestation de l’Esprit de Dieu par le moyen des songes, le P. Cornbly note que dans tous les livres prophétiques nous ne trouvons qu’un seul exemple de révélation faite en songe à un prophète : c’est Dan., vii, 1 sqq. Par contre, Jérémie reproche aux faux prophètes d’appuyer sur des rêveries leurs prétendus messages : « J’ai eu un songe IJ’ai eu un songe ! … Le prophète qui a eu un songe, qu’il raconte un songe I… et celui qui a ma parole, qu’il proclame fidèlement ma parole 1 ï (xxiii, 35-33). L’Ecclésiastique dénonce la duperie de l’oniromancie et la vanité des songes : « S’ils ne sont envoyés par le Très-Haut dans une visite, n’y fais nulle attention ! » (Eccli., xxxiv, 1-8).

Reste à dire quelques mots de l’e.itase, à cause des notions confuses, des définitions fausses, des étranges malentendus que l’ignorance et l’esprit de parti ont multipliés sur ce sujet. Les Pères de l’Eglise marquent soigneusement la différence entre l’inspiration des prophètes bibliques et la fausse extase des devins du paganisme ou des fanatiques Montanistes. Sous le nom d’  « extase » ils entendent parfois l’état de quelqu’un qui est hors de lui, qui a perdu conscience et ne sait plus ce qu’il dit ni ce qu’il fait. Ainsi saint Jérôme, visant les Montanistes, écrit : « Qui autem in eestasi, id est invitus loquitur, nec tacere nec loqui in sua potestate habet » (Prol. in /lab., P. L. XXV, 1274). « Neque vero, ut Montanus cum iusanis feminis soiuniat, prophetæ in eestasi sunt locuti, ut nescierint quod loquerentur et, cum alios erudirent, ipsi ignorarent quid dicerent » (Prol. in ta., P. L. XXIV, 19). Cf. L. Schadb, Die Inspiratiohslekre des Heiligen Hieronymus, 1910, p. 21-36 ; Cornbly, Introd. II, a, p. 29$. Saint Jban Chrysostomb souligne nettement le contraste : « Le devin a cela de particulier, qu’il est hors de lui, sans l’usage de sa liberté ; il est poussé, tiré, traîné, comme un insensé Pour le prophète, il n’en est pas ainsi : son esprit est lucide, son état est calme ; il sait ce qu’il dit ; apprenez à distinguer par là le devin du prophète, même avant l’événement (avant l’accomplissement de la prédiction) ». (P. G., LXI, 240.

Si l’on ne confond pas l’extase avec la vision (la vision, sans doute, si son objet est très sublime, peut produire l’extase, mais souvent aussi peut n’en être pas accompagnée), il n’est guère question d’extas » * chez les prophètes, sinon dans le livred’Ezéchiel.Des exégètes malavisés, très ignorants des phénomènes