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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/26

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POSITIVISME

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tiques. Ainsi ia philosophie positive comprend six sciences principales, disposées dans l’ordre suivant : i' la Mathématique, ï° l' Astronomie, 3" la Physique, 4° la Chimie, 5" la Biologie, 6* la Sociologie ou Physique sociale. — La Morale, tantôt regardée comme une branche de la physiologie, tantôt mise à part comme une septième science, est, à la lin du Cours de Philosophie positive, rattachée à la Sociologie.

La Mathématique fournit le type de la méthode applicable à tous les genres de recherches. Celte méthode consiste à mesurer ou à déterminer des grandeurs inconnues au moyen de grandeurs connues. « Les sciences les plus compliquées… ne sauraient offrir aucune espèce de raisonnement dont la science mathématique ne puisse fournir… l’analogue plus simple et plus pur. » (Cours de Philosophie positive, I, 24-3a, 86-13-2 ; III, 423-4a8) Cela veut dire que tout ordre de vérités sera uniquement envisagé selon les notions de quantité et de nombre, de ligure et de mouvement.

La Sociologie est au sommet de toutes les sciences, comme l’Humanité est l’aboutissant de l’universelle évolution. « Sous le rapport statique, aussi bien que bous l’aspect dynamique, l’homme proprement dit (individu) n’est, au fond, qu’une pure abstraction ; il n’y a de réel que Y Humanité, surtout dans l’ordre intellectuel et moral. » (Ibid., VI, 692) La grande idée d’Humanité, et non l’idée de Dieu VI, 691) tout hypothétique, servira de base à une morale sociale, vraiment réelle et scientifique. VI, 807)

II. Organisation sociale. — Le Cours de Philosophie positive a établi la prééminence de l’idée d Humanité, seule notion générale réelle. Il s’agit maintenant d’organiser la société suivant cette idée. Ce sera l’objet du Système de Politique positive. (Cf. Catéchisme positiviste ou Sommaire exposition de la Religion universelle, octobre 185a ; Appel aux Conservateurs, août 1855 ; Synthèse subjective, novembre 1856).

L’Humanité comprise par le cœur, ou la méthode affective, donne naissance à la religion. La religion consiste dans l’harmonie des facultés ramenées à l’unilépar l’amour. La religion a pour objet l’Humanité. Celle-ci, en tant qu’elle est proposée au culte et à l’amour des individus, porte plus particulière ment le nom de Grand-Etre, qui se compose non seulement des générations présentes, mais aussi des générations passées et futures, au moins de cette partie des générations successives qui peut revendiquer un rôle d’utilité sociale. « Les morts gouvernentles vivants. » La terre, séjour du Grand-Etre, est le Grand-Fétiche ; l’espace où elle se meut est le Grand-Milieu. Le credo de la religion positive, ou la doctrine philosophique transposée en formule affective, sera : « L’Amour pour principe, l’Ordre pour ba^c, le Progrès pour but. » La morale, enfin constituée, se résumera dans l’axiome : « Vivre pour autrui. » Son précepte essentiel, son impératif sera :

« Il faut assurer la prééminence du cœur sur l’esprit.

L’affectif doit primer l’intellectuel. »

Le culte que nous rendons à l’humanité n’a rien île l’adoration religieuse. Nous servons le GrandEtre en nous améliorant par le développement des facultés affectives, et en le perfectionnant par là même. Le culte personnel consiste dans « l’intime adoration (assimilation affective) du sexe affectif, d’après l’aptitude de chaque digne femme à représenter L’Humanité ». Mieux que l’homme, la femme, en qui domine la sympathie, personnifie le GrandEtre. Auguste Comte règle tous les détails de ce cul’e. Il les observait scrupuleusement à l'égard de la mémoire de Clotilde de Vaux. Il l’appelait ia « mère

de sa seconde vie », la « vierge positiviste », la

« prétresse de l’humanité », la médiatrice entre le

Grand-Etre et son grand prêtre » (lui-même).

Le culte domestique prépare par ses neuf sacrements à l’incorporation dans l’humanité.

Le culte public a pour objet direct le Grand-Etre. A. Comte décrit ce que seront les temples, bâtis au milieu des bois, entourés des tombes des morts éminents. Un Calendrier servira à régler le culte de L’Humanité. L’année est divisée en treize niois.dédiés chacun à un homme éminent dans l’histoire : Moïse, Homère, Aristote, Archimède, César, saint Paul, etc. Chaque mois compte quatre semaines, dont chaque jour a son patron.

La première éducation appartient à la mère, par laquelle l’enfant entre déjà dans le culte positif de l’Humanité. Elle se continue dans les écoles positivistes attachées au temple de l’Humanité. Les deux sexes y sont réunis. On se proposera d’assurer au cœur la prépondérance sur l’esprit, de préparer à a vivre pour autrui » et à « vivre au grand jour ».

Régime social. Après avoir organisé minutieusement le sacerdoce, A. Comte rappelle que la religion de l’Humanité donne à la vie privée un caractère principalement social. L’altruisme, d’ailleurs, conduit au bonheur le plus pur. Cet altruisme transformera le mariage. Les satisfactions des sens sont rejetées au dernier plan. Bien plus, l’union de la virginité et de la maternité serait l’idéal de l’union positiviste. A. Comte institua même une fête de la Vierge-Mère. La femme est dans la famille ce que le pouvoir spirituelestdans l'État.

La notion du droit, contraire au développement de l’amour, doit disparaître du domaine politique, pour ne plus laisser place qu’aux devoirs de tous envers tous.

Les Etats se fractionneront en petites républiques de un à trois millions d’habitants. Les classes moyennes s'éteindront graduellement. Il ne restera d’une part que les capitalistes ou banquiers, de l’autre que les prolétaires. Le prolétaire a la qualité d’un fonctionnaire qui louche un traitement lixe, plus une quote-part variable, proportionnée au travail fourni. Le sacerdoce, par son ascendant moral, prévient ou tranche les conflits soit entre particuliers soit entre nations, sans recourir, sauf le cas d’absolue nécessité, à la force. Le Grand-Prêtre positiviste est le véritable chef de tout l’Occident. Avant la lin du siècle, le monde sera converti à la nouvelle religion. Sept ans suffiront à la conversion des monothéistes, treize à la conversion des polythéistes et autant à celle des fétichistes. Les trois races blanche, jaune et noire, qui représentent l’intelligence, l’action, le sentiment, et dont le concours forme le Grand-Etre, se rangeront sous la bannière positiviste.

Avec la révolution de 18/(8, parut à Auguste Comte avoir sonné l’heure d’appliquer son programme de régénération sociale. Il lance des manifestes, institue des conférences publiques, adresse des appels aux gouvernements, aux partis, aux corporations, même au T. R. P. Beckx, général de la Compagnie de Jésus, pour lui proposer une alliance avec les positivistes. Cependant il prenait de plus en plus au sérieux son rôle de Grand Prêtre de l’Humanité. Mais déjà la désunion s’introduisait parmi ses disciples : tout un groupe, avec Littré, prétendait s’en tenir à 1 a partie scientifique de l'œuvre du maître. C’est au milieu de ces préoccupalions qu’Auguste Comte mourait ( 1 85^), sans avoir réglé sa succession. Il en écartait formellement Littré, et il n’osait choisir Pierre Laffitte, qui lui inspirait plus confiance, mais qui lui paraissait manquer d'énergie pour la haute fonction de Grand Prêtre.