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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/25

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POSITIVISME

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POSITIVISME. — I. Doctrine.— II. Organisation sociale. — III. Positivisme après Auguste Comte : Positivisme orthodoxe, Positivisme indépendant. — IV. Quelques jugements sur Auguste Comte. — V. Critique : amoindrissement a priori de là pensée ; amoindrissement de la notion de philosophie ; amoindrissement de la science ; amoindrissement et négation de la morale ; doctrine areligieuse.

I. Doctrine- — Le mot remonte à Augustr Comte el le positivisme de toute nuance reconnaît en lui son fondateur.

Auguste Comte naquit à Montpellier en 1798, d’une famille catholique et royaliste. A 14 ans, il avait perdu la foi. Bientôt il se révélait républicain convaincu. D’une étonnante précocité d’intelligence, il entrait en 1814 à l’Ecole polytechnique, dont il avait passé avec éclat l’examen d’admission l’année précédente. En deuxième année, il se faisait renvoyer pour acte de révolte. Sans ressources, il s’attache au réformateur socialiste Saint-Simon, dont il devait rester 7 ans le collaborateur. Il épouse civilement, en 18a5, Caroline Massin, femme de mœurs peu honorables. Enlin, le a avril 1826, il ouvrait dans son propre appartement son Cours de philosophie. Dès la 4' leçon, il devait l’interrompre. Des ennuis de ménage et surtout une extraordinaire tension d’esprit avaient amené une crise de folie. Ces crises le ressaisirent à divers intervalles. En janvier 1829, il pouvait reprendre son cours. L’année suivante, avec quelques amis, il fondait l’Association Polytechnique, qui se propose l’instruction du peuple par des cours gratuits. Lui-même se chargea d’un cours d’astronomie jusqu’en 1848. Mais sa principale occupation était celle de répétiteur, puis d’examinateur à l’Ecole polytechnique, fonction à laquelle se joignait la composition de ses massifs volumes. Tel le Cours de Philosophie positive, en six volumes publiés de 1830 à 1842. Des difficultés de caractère lui faisaient perdre sa place. Il était réduit

; 'i vivre de subsides fournis par quelques admirateurs anglais, ensuite par ses amis de France. Séparé

de sa femme depuis 1842, il se prend, en 1 845, d’une passion mystique pour une jeune femme d’une intelligence distinguée, d’une âme délicate et souffrante, d’un caractère romanesque, Clotilde de Vaux. Elle mourait en avril 1846. (Voir L’Amoureuse Histoire d’Auguste Comte et de Clotilde de Vaux, par Charles du Rouvre, Paris, 1917) Dès lors, Auguste Comte voue à sa mémoire un culte passionné. Il disait qu'à sa rencontre la lumière s'était faite en lui : il avait compris la religion de l’humanité avec son caractère affectif.

C’est la seconde phase de sa vie. A cette période appartient son second grand ouvrage, le Système de Politique positive, en 4 volumes, publiés de 1851 à 1854. H vit désormais comme le prophète de la religion nouvelle. Il s'éteignait le 5 septembre 1807, près du fauteuil de Clotilde.

« Le caractère fondamental de la philosophie positive, écrit-il, est de regarder tous les phénomènes

comme assujettis à des lois naturelles invariables, … en considérant comme absolument inaccessible et vide de sens pour nous la recherche de ce qu’on appelle les causes, soit premières, soit finales… Dans nos explications positives, même les plus parfaites, nous n’avons nullement la prétention d’exposer les causes génératrices des phénomènes, parce que nous ne ferions jamais alors que reculer la difficulté, mais seulement d’analyser avec exactitude les circonstances de leur production et de les rattacher les unes aux autres par des relations normales de succession et de similitude. » (Cours de

Philosophie positive. I, 14. — 1" édition, Paris, Bachelier) « La philosophie positive, dit-il encore, Be distingue surtout de l’ancienne philosophie théologique ou métaphysique par sa tendance constante d'écarter comme nécessairement vaine toute recherche quelconque des causes proprement dites, soit premières, soit finales, pour se borner à étudier les relations invariables, qui constitueraient les lois… Nous ne saurions réellement connaître que les faits appréciables à notre organisme, sans jamais pouvoir obtenir aucune notion sur la nature intime d’aucun être ni sur le mode essentiel de production d’aucun phénomène. » (Ibid., VI, 701)

En bref, le positivisme « consiste essentiellement dans une distinction établie d’une manière absolue et a priori entre deux objets de recherches ; d’une part les faits et leurs lois, d’autre part les causes et les substances. Suivant la doctrine positiviste, les faits et les lois sont les seuls objets d’observation, et l’observation est la seule source de la science. En conséquence, les causes et les substances ne peuvent être connues. Elles sont situées derrière les faits, dans une région inaccessible, la région de l’inconnaissable. Existent-elles ? Sont-elles réelles ou chimériques ? Le positiviste ne se prononce pas sur ce point. Il s’abstient, il ignore et sait qu’il doit ignorer. » (Abdi'î de Broglie, Le Positivisme et la .Science expérimentale. Paris, Palmé, 1880, t. I, Introduction, p. m)

Positif, dit encore Auguste Comte, est ou doit devenir synonyme de réel et d’utile, de certain et de précis, en opposition aux spéculations de l’ancienne philosophie, synonyme d’organique par son aptitude à fonder l’ordre social, synonyme de relatif par la renonciation à tout principe absolu. (Système de Politique positive, I, 57)

A entendre A. Comte, la conception positive appliquée à toute recherche est l’aboutissant d’une vaste évolution qui s’est effectuée selon la fameuse Loi des trois états. L’humanité, en son développement, passe nécessairement par trois phases. Elle commence par l'état théologique ou fictif : l’homme explique le monde extérieur par des volontés surnaturelles analogues à la sienne ; il nie l’invariabilité des lois naturelles ; il néglige l’observation scientifique. A l'état théologique succède l'état métaphysique ou abstrait ; ce n’est qu’une transition : des abstractions ou entités prennent la place des êtres concrets et surnaturels. Enfin, l’esprit s’arrête à l'état positif ou scientifique, comme à un état définitif : l’observation conduit à la découverte des lois qui rendent raison des phénomènes. (Cours de Philosophie positive, I, 3-7 et passim.)

Non moins importante est la Classification des sciences, ou la Hiérarchie des sciences, qui permet de construire l'édifice de la philosophie positive, ou de « résumer les diverses connaissances acquises en les présentant comme autant de branches d’un tronc unique ». Les phénomènes les plus simples sont les plus généraux, et ces phénomènes à la fois plus simples et plus généraux sont le fondement large sur lequel d’autres viennent comme s'étager suivant des degrés de complexité et de précision toujours croissantes. La loi qui règle la classification hiérarchique des sciences est donc leur généralité décroissante et leur complexité croissante. Il est possible de classer tous les phénomènes observables en un petit nombre de catégories, de telle manière que l'étude rationnelle de chaque catégorie soit fondée surla connaissance des lois de la catégorie précédente : de là résulte aussi « leur dépendance successive ».

A la base se placent naturellement les mathéma-