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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/37

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POSSESSION DIABOLIQUE

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l’horreur et les blasphèmes, provoqués par l’idée d’une invocation pieuse, d’une prière, ne sont pas de lui, mais du démon qui le possède ; il fautcependant, pour juger sainement, tenir compte de toutes les circonstances,

Que dire enfin de la guérison durable et complète, obtenue par l’exorcisme, dans un cas où la possession était probable-, mais non certaine et évidente ? Cette guérison est-elle une preuve a posteriori certaine que la possession était réelle ? Cela dépend des circonstances : si aucun autre remède n’a été employé, ou si le remède employé est resté certainement inefficace ; si, d’ailleurs, il est constaté que l’exorcisme n’a pu produire aucun effet naturel, aucune émotion morale, de contiance, de surprise, etc., parce qu’il a été fait, par exemple, à l’insu de la personne exorcisée, le signe n’est pas à dédaigner ; il se peut mène que le démon donne, soit spontanément, soit sur l’ordre de l’exorciste, des preuves évidentes de sa sortie du corps du possédé. Ce qu’il faut éviter surtout ici, c’est d’attribuer avec certitude, à la vertu surnaturelle de l’exorcisme, une guérison subite qui peut n’être que l’effet naturel d’une commotion morale, comme cela arrive surtout dans les maladies nerveuses, et spécialement dans l’hystérie, qui reproduit le mieux les signes équivoques corporels de la possession.

C’est pourquoi aussi nous devons admirer la sage réserve de l’Eglise, quand il s’agit de se prononcer sur le caractère miraculeux d’une guérison subite de cette nature, obtenue à la suite d’une fervente prière, d’un sainte communion, d’un pèlerinage. Les assistants, vivement frappés de ce changement subit, crient au miracle ; d’autres n’y voient qu’un effet naturel ; l’Eglise ne se prononce pas ; elle ne reconnaît pas le miracle sans examen ultérieur et sans preuves certaines, mais elle n’exclut pas a priori l’intervention d’une cause supérieure à la nature. Nous devons imiter sa sagesse, sans que, pour cela, notre contiance dans les secours surnaturels en soit amoindrie ; et certes, si une guérison pareille n’est pas miraculeuse, si elle n’est pas un bienfait de la Providence extraordinaire de Dieu, elle reste toujours un bienfait dans l’ordre de sa Providence ordinaire.

11. Comparaison de la possession avec l’hystérie, etc. — Nous devons, ensecond lieu, comparer la possession diabolique, que nous venons de décrire, avec les phénomènes morbides, surtout ceux que présentent les névropathes ; et en particulier avec lagrande attaque hystérique, spécialement avec la variété appelée attaque démoniaque par M. Charcot, directeur de la Salpêlrière, et par son école.

Les signes caractéristiques de la grande hystérie, d’après la description de M. Charcot (Les Démoniaques dans l’art, par J. M. Charcot et P. Righer, page y a et suiv.), sont avant tout corporels. Ceux qui se rapprochent de l’ordre intellectuel sont l’hallucination, le délire, l’extase, et encore ces manifestations sont-elles moins fréquentes dans l’attaque appelée démoniaque.

Or, dans toutes les observations cliniques faites à la Salpêlrière, et rapportées dans les livres de M. Charcot et de ses élèves (L’Iconographie de la

1. Il haï savoir, par exemple, que parmi les obsessions impulsives qui se rencontrent chez les piycliasthéniqiies, |l.-quels peuvent sembler, par ailleurs, sains d’esprit), il y a celles du blasphème et de mots grossiers ; que cerlaines folies peuvent produire des accès de fureur, où le malade insulte grossièrement ce qu’il devrait respecter ; enfin que chez certains dégénéré*, pervers, instinctifs,

« fous moraux », il existe des tendances & commettre

les actes les plus choquants.

Salpêlrière, par MM. Bouiinbvillk et Regnard ; Etudes cliniques sur la grande hystérie, par Rigukh) ; de même dans les expériences d’hypnotisme, c’est-à-dire de léthargie, catalepsie, somnambulisme provoqué, qui ont été faites en très grand nombre ; malgré les effets étonnants et variés obtenus par la suggestion dans cet état de somnambulisme (V. l’ouvrage de Richer cité ci-dessus, et Le Magnétisme animal, par Binet et Féhé), nulle part nous n’avons rencontré un effet qui se rapprochât des signes de possession que nous avons appelés intellectuels ; nulle part, le moindre indice de révélation de choses occultes, de connaissance de langues étrangères, de sciences non apprises, etc., mais partout des effets qui peuvent s’expliquer d’une manière naturelle, sans aucune intervention d’une cause préternaturelle, malgré Pétonnement qu’ils provoquent au premier abord ; les signes les plus certains de la possession diabolique font donc entièrement défaut. Passons aux signes corporels. Le signe corporel de possession le plus certain n’apparaît nulle part dans la description de l’hystérie, ni dans les observations décrites par M. Charcot. Malgré les tours de force et d’adresse les plus étonnants, malgré les mouvements les plus fantasques et les plus désordonnés, l’hystérique ne parvient jamais à se soustraire aux lois de la pesanteur.

Ce sont donc les signes corporels équivoques de possession, donnés comme tels par Thyrée, trois siècles avant les observations de M. Charcot, qui seuls constituent les points de contact entre les démoniaques de la Salpêtrière et les possédés du démon au sens de l’Eglise. Or, non seulement ces signes sont équivoques en eux mêmes ; mais de plus, ce qui, d’après Thyrée, les rendrait plus probants, fait précisément défaut chez les hystériques. En effet, la coexistence des autres signes, des signes intellectuels, manque chez elles. Eu outre, loin de pouvoir constater que ces mêmes signes corporels n’ont pas leur origine dans une maladie naturelle, qu’ils n’ont pas pour prodromes la tristesse, la mélancolie, etc., l’observateur constate précisément le contraire. Nous devons à la science de M. Charcot de l’avoir démontré à l’évidence : ce savant prend la maladie dans ses origines, dispositions congénitales et héréditaires, occasions qui la provoquent : saisissement, mauvais traitements, vices, etc. ; il en étudie les prodromes, il la poursuit dans toutes les phases de son évolution. Dans ces conditions, nous sommes complètement d’accord avec lui pour trouver dans les démoniaques de la Salpêtrière de vrais malades, et peut-être rien que des malades ; et l’Eglise, qui honore la science et l’encourage, ne peut que lui savoir gré de ses découvertes. Mais de là à nier l’existence de démoniaques d’un tout autre genre, il y a de l’espace ; la nier a priori ou parce qu’on n’a pas vu d’autres démoniaques que les malades qu’on décore de ce titre, ce serait faire injure à la plus vulgaire logique.

De plus, il faut remarquer que la maladie n’exciut pas la possession ; au contraire, le démon, qui est l’esprit malfaisant, se complaît à mêler ces deux choses : plusieurs anciens le font remarquer, et quelques-uns même font de la maladie une espèce de prédisposition à la possession, ou du moins veulent que l’on combatte la possession, en employant tout d’abord les remèdes naturels contre les maladies, dans lesquelles le démon, à leur avis, trouve une ressource. Le Rituel lui-même suppose l’intervention du médecin, et défend à l’exorciste d’usurper ses fonctions : Caveat exorcista ne ullam medicinam infirmo vel obsesso præbeat aut suadeat, sed hanc curant medicis relinquat. Ce qui est certain,