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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/38

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POSSESSION DIABOLIQUE

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c’est que le démon peut produire la maladie, soit d’une manière indirecte, en posant une cause de maladie nerveuse : mauvais traitements, mélancolie, saisissement et frayeur, etc., soit d’une manière directe, en agissant immédiatement sur le système nerveux ; rien d’étonnant, en ce cas, si les contorsions, etc., prennent l’aspect de l’hystérie, de l’épilepsie ou d’autres névroses, puisque ce sont ces maladies mêmes que le démon provoque, par les mêmes causes et les mêmes agents qui les font éclore naturellement.

Nous n’avons pas besoin de parler des signes de possession où le démon paraît souffrir plutôt qu’agir. Ces signes n’ont pas été essayés à la Salpètrière ; et certes, en bien des cas, leur application n’eût pas été justifiée, les signes de possession réelleneparaissant pas assez probables. Cependant, les savants eux-mêmes auraient tort de s’émouvoir, si on en faisait parfois usage ; car la vraie science n’a jamais peur de la lumière, et n’importe quel soit le moyen qui conduise à plus de certitude, ce moyen n’est pas à dédaigner.

Voici donc la conclusion, très importante, que nous pouvons déduire de la comparaison faite entre les malades de la Salpètrière et les possédés au sens de l’Eglise, même abstraction faite de la réalité historique de ceux-ci : tous les signes caractéristiques réunis delà grande attaque hystérique, même delà variété appelée démoniaque par M. Charcot, ne suffisent pas pour faire considérer cette attaque, avec une sérieuse probabilité, comme une possession diabolique au sens de l’Eglise. Par contre, en dehors des signes de l’hystérie ou d’une maladie quelconque, l’Eglise propose d’autres signes auxquels on peut reconnaître avec certitude la possession. Si parfois, et môme souvent, on a confondu la maladie avec la possession, c’est précisément parce qu’on s’est éloigné des règles tracées par l’Eglise. Du reste, comme nous l’avons fait remarquer déjà, ce serait une grossière erreur de croire que chaque fois que l’Eglise a permis l’emploi de l’exorcisme, ou que le ministre de l’Eglise a cru pouvoir exorciser, l’Eglise ou ce ministre ont prétendu par là même se trouver devant un cas de possession rigoureusement établi.

III. Réalité des faits de possession. — Il nous reste enfin à prouver la réalité historique de la possession démoniaque au sens de l’Eglise’.

Celle thèse n’a pas besoin de démonstration pour Les fidèles catholiques : la doctrine de l’Eglise est explicite sur ce point, car la Tradition et la sainte Ecriture nous fournissent des faits nombreux et notoires, qu’elles proposent elles-mêmes comme des faits de possession diabolique indubitables, et dans le sens propre expliqué précédemment. Inutile d’insister. D’ailleurs, en exposant nos preuves contre les incrédules, abstraction faite de la divinité de l’Ecriture et de l’autorité doctrinale de la Tradition, nous établirons parla même les fondements sur lesquels s’appuie l’enseignement de l’Eglise. Les dissidents, qui admettent L’inspiration divine de la Bible, ne sauraient douter un instant de la réalité historique de la possession ; niais, hélas’un grand nombre d’entre eux, tout en admettant, en théorie, l’autorité divine des Ecritures, les interprètent à la façon des rationalistes, et en bannissent le plus possible le surnaturel, comme le préternaturel. Leur fausse exégèse trouvera sa réfutation dans nos arguments contre les incrédules. Mais avant de développer nos preuves, il nous reste quelques observations générales, très importantes, à faire.

1. On pourra se îéTi’rer aussi à l’article Dlmo.ns, l’, col. 91^-928.

Dans les siècles passés, certains dissidents, ou même des catholiques mal inspirés, ont nié la réalité de la possession, et Dom Calmbt a cru devoir faire une dissertation spéciale sur les obsessions et possessions du démon, pour en démontrer la réalité historique. L’interprétation des Evangiles, proposée par ceux que combat D. Calmet, et qui admettaient néanmoins la divinité de la sainte Ecriture, était la même que celle des modernes rationalistes : les démoniaques n’étaient que des malades.

Quelles étaient l’origine et la cause de cette fausse explication de l’Ecriture et de cette négation de l’histoire tout entière ?

Saint Thomas fait remarquer que la négation de la réalité historique de la possession et, en général, de l’intervention du démondans les choses d’ici-bas, provient ex radiée in/idelilulis, site incredulilatis, quia noncredunt esse dæmones nisi in aestimatione valgi tanlum (In IV Sent., disl. 34, q. 1, a. 3). C’est bien là lo fait des rationalistes, comme des médecins incrédules de nos jours, dont toute l’argumentation se résume en ces mots : il n’existe pas de démon, si ce n’est dans l’imagination superstitieuse du vulgaire ; donc il n’y a pas de possédés.

D’autres adversaires, ceux que combat Dom Calmet, admettent l’existence des démons ; mais ils se basent sur une fausse notion de la possession, comme s’il était impossible que le démon s’empare du corps de l’homme, habite en lui et le meuve ; ou bien comme si la possession multipliait inutilement les miracles. Ils se fondent encore sur ce que Dieu ne peut permettre la possession. Nous ne réfuterons pas ex professo ces objections, de nulle valeur du reste et abandonnées de nos jours, mais nous démontrerons le fait de la possession, qui coupe court aux négations et aux objections, tant des anciens que des modernes.

Une autre observation non moins importante terminera ces préambules. Dans l’hypothèse de l’intervention du démon, que nous prouverons être une réalité, il faut faire la part des circonstances de temps et de lieux, pour se rendre compte de la nature différente de l’action diabolique et de la fréquence ou de la rareté des cas.

Au temps du paganisme, et maintenant encore dans les pays infidèles, l’intervention diabolique est d’ordinaire plus générale, c’est-à-dire qu’elle est plus fréquente et se présente sous plus de formes ou de manières différentes.

Là, le démon règne en maître et en despote : il fait sentir son empire tyrannique par les obsessions et les possessions, il a ses adeptes dans les magiciens, il rend des oracles et reçoit le culte dû à la divinité. C’est toute l’histoire religieuse du paganisme ancien et moderne.

A la venue du Messie, rien d’étonnant à ce qu’il se soit produit une espèce de recrudescence de cruauté de la part du démon, qui voyait son règne entamé, et son pouvoir menacé de ruine. Aussi le nombre des possédés était-il beaucoup plus considérable aux premiers temps de l’Eglise que maintenant ; d’ailleurs, Dieu pouvait avoir des raisons spéciales de le permettre alors. (Voyez Janskriusde Gand, Cuncordia, cli. xxvn) Vnssi Les apologistes, Tertullien, Minucius Félix, Justin, etc., en appellent-ils au pouvoir des premiers chrétiens sur les démons, qu’ils expulsaient des corps des possédés par le seul nom de Jésus, comme à un argument public et irrésistible de la vérité dt christianisme. Chose digne de remarque : la Judée n’était pas un pays Infidèle ou païen, aussi voyons-nous que la plupart des possédés, délivrés par Le Sauveur se trouvaient en Galilée, où le peuple était plus charnel et gros-