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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/48

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POUVOIR POLITIQUE (ORIGINE DU)

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positive et miraculeuse, de droit divin surnaturel. Le droit dont nous parlons à propos de l’origine des prérogatives de la puissance publique, dans la société séculière, est un droit divin d’ordre naturel.

Comment prouver que, de fait, le pouvoir politique repose sur un droit divin naturel ? — Par l’examen des conditions d’existence qui sont, universellement et nécessairement, ici-bas, celles de l’homme et de la société humaine. En effet, l’individu et la famille, ainsi que les légitimes groupements particuliers d’individus et de familles, ont un impérieux et absolu besoin de vivre rassemblés, d’une manière permanente, en société organisée, pour garantir la sécurité matérielle et morale de leur existence, pour procurer la satisfaction et le développement de tous les besoins d’ordre physique, intellectuel et moral qui répondent à chacune des aptitudes, exigences, aspirations essentielles de leur nature raisonnable. Donc, une telle société organisée est de droit divin naturel. C’est lasocietc politique, rassemblant d’une manière permanente, en vue du bien commun temporel, les invidas et les familles, les groupements particuliers d’individus et de familles.

Mais, par le même mode de raisonnement et avec la même évidence, il faut reconnaître que la société politique exige rigoureusement à sa tête un organe directeur, un pouvoir gouvernant, qui fasse la loi, qui l’impose et qui l’applique, en vue du bien commun temporel. La nature des choses manifestera, ici encore, et sans aucun doute possible, l’intention du Créateur et du Souverain Maître de l’homme et de la société. Aucun groupement humain, quel qu’il soit, ne peut persévérer dans l’existence, réprimer les abus, faire face aux périls intérieurs ou extérieurs, réaliser ses fins essentielles, s’il n’est pas régi, d’une façon permanente, par une autorité hiérarchique. Donc, l’existence d’une autorité hiérarchique, à la tête de la société politique, est de droit divin naturel.

Ce sera donc la volonté même de Dieu, Créateur de la nature, législateur et vengeur de la morale, qui conférera au pouvoir politique la faculté de commander, le droit d’imposer des préceptes et d’obliger les consciences à lui obéir. Il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont établies de Dieu. C’est pourquoi celui qui résiste à l’autorité résiste à l’ordre établi de Dieu.

b) Ce sont des circonstances humaines qui déterminent l’organisation concrète de chaque pouvoir politique. — Nous avons déjà distingué entre droit divin naturel et surnaturel. Il est clair que, sauf desexceptions d’ordre proprement miraculeux, le pouvoir politique n’est pas constitué en vertu d’une investiture positive et surnaturelle de Dieu, comme fut constituée la hiérarchie pastorale de la véritable Eglise. Les pouvoirs politiques, réellement et habituellement constitués dans les sociétés humaines, sont déterminés, quant à la forme des institutions, quant à la désignation et à la succession des représentants suprêmes de l’autorité, selon des circonstances extérieures, qui varient avec l’histoire de chaque peuple.

Par conséquent, le droit divin naturel du pouvoir politique ne doit pas être cherché dans le caractère particulier descirconstances hisloriquesqui auraient donné naissance à telle ou telle organisation gouvernementale, mais dans la nécessité naturelle et providentielle qui, toujours et partout, réclamera impérieusement l’existence d’un pouvoir hiérarchique, à la tête de la société politique, pour que celle-ci puisse garantir, selon sa raison d’être essentielle, le bien commun temporel des individus, des famil les, des groupements particuliers appartenant au même corps social.

Ce qui importe, c’est qu’il existe, de fait, un pouvoir politique ; que ce pouvoir politique possède et exerce l’autorité dans des conditions qui soient compatibles avec les exigences de l’ordre moral et du bien commun temporel. Dès lors que ce pouvoir existera, régulièrement et pacifiquement constitué ou légitimé, il se trouvera dépositaire et représentant de l’autorité quivient de Dieu, ministre de Dieu pour procurer le bien commun temporel de lasociété politique, ayant qualité pour exiger l’obéissance dans les choses que requiert légitimement le bien social et pour punir les transgressions de sesjustes arrêts. En présence de l’autorité publique, investie d’une délégation du pouvoir divin de commander, délégation incluse dans la fonction même des gouvernants, le devoir de chaque particulier sera d’être franchement soumis à l’exercice légitimede l’autorité venue de Dieu. On obéira, non pas seulement par crainte du châtiment, mois encore par motif de conscience.

Ainsi est conféré t un caractère moral à l’exercice de l’autorité politique, ainsi une valeur obligatoire en conscience sera reconnue à ses légitimes préceptes, nonobstant le caractère contingent et humain des circonstances qui, en chaque pays, ont déterminé historiquement l’organisation concrète du pouvoir social.

c) Erreurs incompatibles avec la doctrine catholique de l’origine du pouvoir politique. — La grande erreur est celle de l’origine purement humaine et terrestre du pouvoir. Que l’on invoque la force armée ou que l’on invoque la puissance légale de la majorité des suffrages, on donnera nécessairement à l’exercice de l’autorité publique le caractère d’une abusive tyrannie, incapable d’imposer aucun devoir à la conscience morale, si l’on ne rattache pas la conception du pouvoir à celle d’une volonté suprême qui, seule, est endroit d’édicter des préceptes obligatoires pour nos consciences.

Parmi les formes diverses de l’erreur affirmant l’origine purement humaine du pouvoir politique, la plus répandue dans le monde moderne, surtout depuis la Révolution française, est le système de la souveraineté plénière et absolue du peuple. Système qui eut pour principal théoricien Jkan-Ja.cquk9 Rousseau, dans le Contrat social. D’après Jean-Jacques, l’état de nature est, pour le genre humain, l’indépendance totale de l’individu, hors des exigences hiérarchiques d’une organisation sociale. l’état de société devrait être considéré comme résultant d’une option, parfaitement libre et facultative, par laquelle les hommes auraient délibérément contracté un pacte social, aux conditions quelque peu onéreuses, pour se garantir mutuellement un certain nombre d’avantages collectifs, grâce à la vie en communauté sociale et organique.

Voici les textes où apparaît l’essentiel de la théorie du Contrat social, qui devait être l’Evangile de la Convention : « Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant, tel est le problème fondamental dont le Contrat social donne la solution… Ses clauses, bien entendues, se réduisent toutes à une seule ; savoir, l’aliénation totale de chaque associé, avec tous ses droits, à toute la communauté : car, premièrement, chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous, et, la condition étant égale pour tous, nul n’a intérêt à la rendre onéreuse pour les autres… Chacun de nous met en commun sa per-