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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/547

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SAINT-OFFICE

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…’ouvrit brusquement son plan. Clément V crut pouvoir en arrêter l’exécution en gagnant du temps, et pour cela, la mort dans l’àmc, non sine magna cordis amaritudiur, anxietatv et turbatione, il consenlilà une enquête sur les Templiers (a’i août 130}). (IIbnan, Guillaume Je.Vogaret, dans Y Histoire littéraire de la France, t. XXXVII, p. 389).

Philippe le Bel transforma aussitôt l’enquête en procès. Son chancelier, Gilles Aycelin, ne voulut pas s’y prêter et rendit les sceaux. Ce fut alors que le roi les confia à Nogaret, qui, quelques jours après (13 octobre 1307), lit arrêter et livrera l’Inquisition tous les Templiers, y compris leur grand maître Jacques Molay.

Ce coup fut fait malgré le pape qui, le 27 octobre suivant, adressa une protestation au roi. Le texte en a été publié par Renan dans sa monographie de Bertrand de Got-Clément V (Jlist. littéraire de la France, t. XXXVIII, p. 290). L’année suivante, le pape éleva une nouvelle protestation contre la continuation du procès et blâma formellement les évêques et les inquisiteurs qui s’en occupaient.

Pour réduire cette opposition, le roi eut recours à des procédés d’intimidation ressemblant à du chantage ; il fit menacer le pape d’une campagne de pamphlets.

« Que le pape prenne garde ! écrivait son

âme damnée, le légiste Ûu Bois ; il est simoniaque ; il donne par affection du sang les bénéfices de la sainte Eglise de Dieu à ses proches parents : il est pire que Boniface, qui n’a pas commis autant de passe-droits ; il faut que cela cesse ! On pourrait croire que c’est à prix d’or qu’il protège les Templiers, coupables selon leur propre aveu, contre le

: èle catholique du roi de France. » 

Devant ces menaces, Clément V céda et rendit à l’Inquisition ses pouvoirs, mais en lui adjoignant des cardinaux et des commissaires apostoliques pour modérer son zèle en faveur du roi ; et l’affaire se poursuivit, jusqu’à la suppression de l’Ordre par le Concile de Vienne, la confiscation de ses biens au profit du roi, l’exécution d’un grand nombre de ses chevaliers et de son grand maître Jacques Molay. Ainsi, créée par les Souverains Pontifes pour instruire, en leur nom, les procès d’hérésie, cette institution, en moins d’un siècle, était devenue un instrument de règne aux mains du roi de France. C’est ce que reconnaît l’un des récents historiens de l’Inquisition, M. Ch.-V. Lan..1. ois, quand il écrit dans l’Histoire de France de Lavisse (t. III, partie I, p. 18.’3) : « Il n’a pas tenu au garde des sceaux de 1307 que l’Inquisition politique, à la mode des pays du Midi, des princes guelfes d’Italie et des « Rois Catholiques » d’Espagne, ne s’acclimatât chez nous. » On ne saurait mieux dire que Philippe le Bel et Nogaret furent les précurseurs de Torquemada et de Philippe II.

Au cours du xive siècle, les successeurs de Philippe le Bel firent de ce tribunal ecclésiastique une juridiction bâtarde, religieuse et canonique par la composition de son personnel et l’aspect religieux de sa procédure, séculière et légiste par ses rapports le-> Parlements et les fonctionnaires royaux et l’influence dominante qu’exerçait sur sa marche la couronne.

On le vit bien en 1322, lorsque comparut devant

l’Inquisition de Toulouse Amiel de Lautrec, abbé de

Saint-Sernin. Il fut traduit devant elle par le vi guier royal ; acquitté par elle, il fut traîné en appel

par le procureur du roi, non pas devant le pape,

T immédiat de l’Inquisition, mais devant la Cour

île la plushaute, le Parlementde Paris(l)o.M. Vai b, Histoire du Languedoc, t. IV, Preuves, col.

a 1-22). En 13a8, Henri de Chamay s’intitulait lui-même inquisiteur délégué par le roi (et non par le pape) à Toulouse. Lorsque, l’année suivante, Guillaume de Villars, commissaire du roi, s’empara des registres de l’Inquisition, le chef de cette dernière protesta, non auprès de la Curie, mais auprès du Parlement, que par cette démarche il semblait considérer comme la juridiction d’appel de son propre tribunal (Lea, Histoire de V Inquisition. trad, Reinach, t. II, pp. 154etsuiv.).

La diminution de puissance que subit la papauté pendant son séjour à Avignon et surtout pendant le grand schisme, accentua l’asservissement de l’Inquisition à la monarchie des Valois. En conflit avec l’archevêque de Toulouse, en 1 364, l’inquisiteur de cette ville soumit le différend au roi et non au pape (Dom Vaissktk, Histoire du Languedoc, t. IV, preuve 30). En 1285, à Reims, l’archevêque et les magistrats municipaux, se disputant la connaissance du crime d’hérésie, finirent par signer entre eux une transaction, sans même penser qu’il existait à côté d’eux, dans leur ville, pour réprimer le blasphème et l’hérésie, un Saint-Office (Archives administratives de la ville de Reims, t. III, 637-645).

Pendant le grand schisme, l’Université de Paris finit par supplanter complètement le Saint-Office dans l’examen des doctrines et la connaissance des crimes d’hérésie. Aussi l’Inquisition n’avait-elle que la vie que lui donnait le gouvernement royal ou le parti au pouvoir, lorsque, pour mieux perdre un ennemi, il estimait opportun de le faire tomber sous une condamnation pour hérésie et par conséquent sous une sentence du Saint-Office. C’est ce que l’on vit lorsque fut poursuivi l’ancien prévôt de Paris, Ilugues Aubriot.

Le 21 janvier 1381, Aymeric de Magnac, évêque de Paris, Pierre Godefroy, officiai de la curie épiscopale, et le dominicain Jacques de Morey, inquisiteur de France, le citèrent devant le tribunal de l’Inquisition sous l’inculpation « d’hérésie, de bougrerie, d’être sodomite et faux chrétien ». (Chronique des quatre premiers Valois, p. 294). Aprèsavoir essayé de résister, en s’appuyant sur la Cour, Aubriot se constitua prisonnier, le i er février suivant. L’accusation fut soutenue avec acharnement par les I délégués de l’Université de Paris, tandis que le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, oncle du roi, plusieurs nobles de Bourgogne et le premier président du Parlement, Philibert Paillart, le défendaient. Finalement, le vendredi 17 mai 1381, devant le grand portail de Notre-Dame, sur un échafaud, Aubriot dut fairr amende honorable en présence de 40.ooo personne-, parmi lesquelles étaient de nombreux étudiants ; puis il fut condamné à la prison perpétuelle par l’Inquisiteur et ramené dans les cachots de l’éveché (Ibidem, p. 295). Au mois de mars suivant, l’insurrection des Maillolins le délivra et il s’enfuit auprès du pape d’Avignon, Clément VU, qui cassa la sentence de l’Inquisiteur et laissa Aubriot en liberté

Tant parles crimes visés que par la qualité des juges, cette cause semble intéresser la foi et les mœurs ; en réalité, si l’on considère les antécédents du prévôt, ses ennemis, les circonstances de son arrestation et de sa condamnation, on voit que l’Inquisition fut, contre lui, l’instrument d’un parti, et que son procès fut, avant tout, politique.

Aubriot avait été nommé prévôt royal de Paris lorsque, après la tentative manquée d’Etienne Marcel, Charles V avait supprimé la charge élective de prévôt des marchands, pour placer à la tête de sa capitale un fonctionnaire royal, nommé par lui et ne relevant que de lui. Pendant tout le règne de